Coton, lin et laine dans la métropole lilloise du début du 19e au début du 20e siècle.
On travaille plusieurs types de matières premières (coton, lin, laine) avec une intensité différente selon les périodes et dans chacun des trois pôles de la métropole lilloise. Le travail du coton et du lin est ainsi dominant à Lille alors que la laine est la production principale de Roubaix et Tourcoing. Ces spécialisations ne sont cependant pas exclusives.
Le coton
Le coton connaît un grand essor au 18e siècle : importé des colonies américaines, il est beaucoup moins cher que la laine. Le filage du coton se mécanise dès le début du 19e siècle à Lille mais le travail à domicile reste important. En 1821 on compte 30 000 ouvriers textiles travaillant pour les entreprises lilloises, dans les campagnes alentours mais également dans les caves et les maisons de courées (cours étroites bordées de maisons) du quartier Saint-Sauveur. En 1850, on estime que Lille compte 20 000 ouvriers textiles, employés majoritairement dans les filatures de coton. Le secteur du coton est profondément perturbé durant la guerre de Sécession aux Etats-Unis qui entraine une pénurie de matières premières. Au contraire le secteur lainier se développe fortement à la faveur de cet événement. En 1913, Lille regroupe un tiers de l’industrie cotonnière française.
Le lin
Dans le secteur du lin, la mécanisation n’intervient que tardivement, pas avant la seconde moitié du 19e siècle, et elle est beaucoup plus lente. La production, dirigée par des entrepreneurs lillois, reste longtemps rurale, dans la vallée de la Lys autour d’Armentières où l’on cultive la matière première. En 1850, cette industrie emploie 150 000 travailleurs dispersés dans les campagnes.
Plan d’Armentières daté de 1893, indiquant, entre autres, les principaux établissements industriels.
Cette petite ville à l’ouest de Lille voit se développer massivement filature et tissage du lin. Sa population passe d’un peu plus de 7600 habitants en 1793 à presque 30 000 en 1896.
La laine
L’industrie lainière est très ancienne dans les Flandres où elle existe depuis le Moyen Âge. Les draps de laine sont réalisés à partir de toisons importées d’Angleterre. Le travail de la laine connaît son âge d’or à Roubaix au début du 20e siècle, après une croissance forte et continue durant tout le 19e. Il s’y impose avec la mécanisation, plus tardive que pour le coton, qui démarre à partir des années 1830 (premier métier Jacquard installé à Roubaix en 1828). Après le filage, le peignage de la laine se mécanise dans le troisième quart du 19e siècle.
Le peignage de la laine à Roubaix en 1910. BIbliothèque numérique de Roubaix
D’immenses firmes se développent comme le peignage Amédée Prouvost et cie qui emploie 2 500 salariés en 1911. Le tissage se mécanise plus tardivement. Les métiers mécaniques ne deviennent majoritaires qu’en 1866 et ils coexistent avec les métiers à bras dont le déclin s’effectue très lentement jusqu’en 1914. Le tissage rural constitue jusqu’à la première guerre mondiale une variable d’ajustement de la production en complément des grandes usines.. L’exposition internationale du Nord de la France de 1911, qui a lieu au Parc Barbieux, est le symbole de l’apogée de l’industrie roubaisienne. Elle accueille plus de 775 000 visiteurs. Durant cette année, 60 000 ouvriers travaillent pour 267 établissements industriels et produisent 42 000 tonnes de tissus. La production de Tourcoing équivaut à 50 à 75 % de celle de Roubaix.
Aux conditions géographiques et historiques favorables au développement de l’industrie, s’ajoute la capacité des industriels de la métropole à adapter les tissus produits au développement de la demande et aux évolutions de la mode en France et à l’étranger. L’émergence de classes moyennes urbaines en Europe occidentale et aux Etats-Unis permet la commercialisation massive d’articles de demi-luxe ou de qualité intermédiaire entre produits à bas prix et produits de grand luxe. Ces tissus servent à faire des robes légères pour les femmes et des costumes à un prix abordable pour les employés du secteur tertiaire, de plus en plus nombreux.
La laine transformée à Roubaix et Tourcoing est vendue à des négociants parisiens et à l’international (Etats-unis, Royaume-Uni, Belgique, Allemagne, Italie…). L’ouverture à l’international se traduit également par la création de filiales à l’étranger (Etats-Unis, Europe de l’est) pour contrer les mesure protectionnistes prises durant les périodes de crise économique (années 1890, années 1930) et par l’ouverture de comptoirs commerciaux destinés à sécuriser l’approvisionnement en matières premières depuis les principaux pays producteurs de laine (Argentine, Afrique du sud, Australie, Nouvelle-Zélande…).
A partir du dernier quart du 19e siècle, les négociants roubaisiens, généralement issus des mêmes familles que les patrons d’industrie, décident de se passer des intermédiaires londoniens qui assuraient l’importation de la laine via Anvers pour réaliser des achats directs dans les pays producteurs et les faire transiter par Dunkerque. C’est une initiative déterminante parce que la laine brute est un produit cher, à la différence du coton beaucoup plus facile à rentabiliser. Une bourse de commerce est créée à Roubaix en 1876 afin de réguler la vente des laines importées. En 1880, on inaugure les magasins généraux de Roubaix et Tourcoing qui permettent de gérer et échanger un volume sans cesse croissant d’importations.
Magasins généraux de Roubaix. 1910. Bibliothèque numérique de Roubaix.
Pour en savoir plus
Les sélections autour du textile sur Gallica
Bibliothèque numérique de Roubaix (Bn-R)
Bibliothèque numérique de Lille (IRIS)
Pour aller plus loin
Bruyelle, Pierre, « L’industrie cotonnière à Lille, Roubaix, Tourcoing », Revue du nord, 1954, 3.
Daumas, Jean-Claude, Les territoires de la laine : histoire de l’industrie lainière en France au 19e siècle, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2004, 425 p.
Daviet, Jean-Pierre, Le complexe industriel de Roubaix-Tourcoing et le marché de la laine (1840-1950), Revue du nord, 1987, 69, 275
Sivéry, Gérard, Capitaux et industrie textile au Moyen Age dans les régions septentrionales, Revue du nord, 1987, 69, 275
Trénard, Louis (dir), Histoire d’une métropole, Toulouse, Privat, 1977, 515 p.
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