Lili Boulanger (1893-1918)

Les partitions manuscrites de Lili Boulanger consultables sur Gallica illustrent tous les genres de la musique vocale auxquels la compositrice s'est essayée, à l'exception des œuvres religieuses.

En premier lieu vient la cantate Faust et Hélène, œuvre à l'intérêt tout au moins historique car elle permit pour la première fois à une femme de recevoir la distinction du Prix de Rome de composition musicale, en 1913. On en possède deux manuscrits : le principal, rédigé par Lili Boulanger lors de son passage en loge pour l'épreuve finale du concours, du 22 mai au 21 juin 1913 (MS-19446), contient des corrections à l'encre rouge, des indications d'interprétation, et de nombreux passages biffés. Le second est une mise au propre de la main de la compositrice (MS-3842), qui nous vient des collections de la bibliothèque du Conservatoire de Paris.

Au rang des chefs-d'œuvre de Lili Boulanger figure également le cycle de mélodies Clairières dans le ciel, d'après le recueil de poésie éponyme de Francis Jammes. Le manuscrit de l'œuvre visible dans Gallica (MS-19436) comprend 6 morceaux sur les 13 que compte le cycle, dont trois sont entièrement autographes (les n°s 7, 11 et 12), deux sont de la main de Nadia Boulanger (n°s 1 et 2) et un de la main d'un copiste (n°3). On pourra consulter en outre ce cahier de travail de Lili Boulanger (MS-19438) qui comprend, en majorité, des ébauches de Clairières dans le ciel.

On découvrira également plusieurs manuscrits de pièces pour chœur. Citons parmi celles-ci Pour les funérailles d'un soldat, œuvre écrite en 1912 pour la classe de composition du Conservatoire, et prémonitoire de la guerre à venir. Sont visibles le manuscrit de la version pour voix et piano de la pièce (MS-19464) ainsi que des épreuves corrigées de la main de Lili Boulanger (VMG-22489). De l'année suivante date Renouveau, pièce écrite pour le "concours d'essai" du Prix de Rome de 1913 ; le manuscrit, qui porte le cachet de l'éditeur Ricordi (VMA MS-1147), est donc complémentaire de celui de Faust et Hélène évoqué plus haut. Nadia Boulanger l'avait précieusement conservé dans la bibliothèque du célèbre appartement de la rue Ballu à Paris.

Nous conservons les manuscrits de deux Préludes, en si (MS-19465) et en ré bémol (MS-19467), tous deux composés le 12 mars 1911. Pour le Prélude en si, il existe également un brouillon au crayon, incomplet (MS-19466). Ces trois partitions se distinguent par l'absence de toute indication de nuance, de phrasé ou d'expressivité, alors que la compositrice en chargeait habituellement ses manuscrits, preuve sans doute de ce que ces deux pièces ont fait l'objet d'un travail rapide.

Les quatre autres pièces pour piano conservées de Lili Boulanger ont elles aussi été écrites de façon rapprochée dans le temps, en mai et juin 1914, à la Villa Médicis à Rome. Deux d'entre elles sont des pièces "à titre", D'un jardin clair (19441) et D'un vieux jardin (MS-19442), bien que ces titres aient été ajoutés sur les manuscrits après-coup, par une autre main que celle de Lili.

La troisième des pièces écrites à Rome, Cortège, existe à la fois dans une version pour piano seul (MS-19439) et dans une version pour piano et violon ; l'œuvre étant dédiée à la violoniste Yvonne Astruc, on peut imaginer que c'est cette seconde version que la compositrice préférait.

La quatrième pièce romaine, Thème et variations, est certainement la plus remarquable. Nadia Boulanger a longtemps cru cette œuvre inachevée, jusqu'à ce qu'elle retrouve par hasard le manuscrit de sa sœur, plié en deux à l'intérieur d'un cahier (MS-19493 : on peut en effet, en y regardant bien, observer la trace de la pliure). À la fin du manuscrit, Lili présente en un schéma le thème du morceau divisé en 24 fragments numérotés ; schéma qui sert de clé de lecture à toute l'œuvre car il permet de retrouver ces fragments, différemment disposés, à l'intérieur de chaque variation. Dernière curiosité : on trouve dans ce cahier de travail de Lili, au milieu d'ébauches du Thème et variations, le dessin d'un personnage oppressé cherchant à rejoindre, au prix de grands efforts, une porte de sortie, projection symbolique des difficultés qu'a rencontrées Lili en écrivant cette pièce.