Éditeurs littéraires du XIXe siècle
Le XIXe siècle célèbre l'écrivain à l'ombre duquel l'éditeur est souvent oublié : deux figures qu'on oppose, vivant pourtant l'une de l'autre. Car ce siècle fut celui des éditeurs littéraires que cette page vous propose de découvrir.
Le XIXe siècle voit l'éditeur se distinguer des autres professions du livre. Suivant l'exemple de Charles-Joseph Panckoucke (1736-1798), précurseur de l'édition moderne, il devient l'intermédiaire entre auteurs, imprimeurs et libraires. Figure désormais centrale, il noue des relations avec des acteurs toujours plus influents : la presse, la publicité, les banques. Entrepreneur innovant et tirant profit des innovations, en particulier de la seconde moitié du siècle jusqu’à la Grande guerre, il sélectionne les manuscrits, s’attache des auteurs, définit une stratégie éditoriale, spécialise ses catalogues, crée une image de marque, fidélise une clientèle, investit dans un commerce dont les méthodes se rationnalisent.
Car le XIXe siècle est dynamisé par l’innovation. De nouvelles techniques viennent accélérer la production : fabrication du papier en rouleau, invention de la pâte à bois, mécanisation des presses, place nouvelle de l’image (gravures sur acier, lithographie, photogravure), expérimentations typographiques et réduction du format des livres, etc. La distribution se modernise également : amélioration des transports et des voies de circulation (chemin de fer), désenclavement des campagnes et urbanisation, invention des médias de masse et professionnalisation du divertissement, mutations du secteur bancaire et des réseaux de la Poste, multiplication des points de vente (à l’image de la librairie de gare lancée par Louis Hachette), développement des bibliothèques.
Les réformes scolaires accélèrent l’alphabétisation, et les éditeurs, s’adressant à un vivier de lecteurs plus nombreux, diversifient l’offre. Le marché du livre religieux, longtemps au premier rang des publications, est supplanté par le livre d’école et la littérature française, en particulier le roman et le roman-feuilleton. Le nombre de titres explose (de 6 200 titres en 1840 à plus de 32 000 en 1913). De même pour les tirages pouvant atteindre 50 000, voire 100 000 exemplaires à la fin du siècle. Parallèlement, les productions commerciales satisfaisant le grand public provoquent des oppositions à la marchandisation de la création littéraire, aussi des publications de bibliophiles et des créations artistiques voient-elles le jour ; si l’audience est confidentielle, le succès d’estime et l’influence sont indéniables.
Outre les innovations et les réformes, infléchissant les coûts, le dynamisme de la profession s’explique aussi après 1870 par la libéralisation du régime politique conduisant à la fin du brevet encadrant les métiers du livre depuis 1810. Les éditeurs, eux aussi plus nombreux, sont en compétition. Concurrencé par la presse, le marché du livre atteint un « plafond de verre » : il peine à écouler toute l’offre éditoriale. Certes le nombre de lecteurs augmente, mais sans doute pas suffisamment ou pas assez vite, la population française passant dans ce long XIXe siècle de 29 à 39 millions d’habitants. Ce qui suscite, chez les contemporains, le sentiment que le livre est en crise.
Le XIXe siècle est le « temps des éditeurs » (Roger Chartier, H.-J. Martin), le temps des faillites discrètes et des chutes mémorables, et le temps de ceux, parfois partis de peu, qui sont parvenus à faire fortune et sont devenus de véritables notables.
Cette page propose un corpus d'éditeurs littéraires ayant publié poésie, pièces de théâtre, nouvelles et romans, ainsi que leurs "écuries" d'auteurs et des publications emblématiques. La sélection est limitée ; il en manque : Henri Floury, Victor Havard et tant d'autres encore pouvant être ajoutés au fur et à mesure de l'éditorialisation.