Naissance de l'imprimerie à caractères mobiles
Les premiers imprimés adoptent l’esthétique et les principes de mise en page des manuscrits du XVe siècle. Le recours, fréquent, à une disposition du texte sur deux colonnes, l’importance des lettres capitales dans la structuration matérielle et intellectuelle du texte, la présence de marges généreuses dévolues, suivant les cas, à l’annotation ou à l’ornementation, sont autant d’habitudes héritées sans modification du livre manuscrit.
Trois grandes familles d’écritures calligraphiques coexistent à la fin du Moyen Âge. Le choix de l’une ou de l’autre faisait entrer le texte manuscrit dans un genre et en catégorisait l’usage. La calligraphie gothique était alors la lettre par excellence des manuscrits liturgiques ; la large "bâtarde", favorite des ducs de Bourgogne, servait à la copie de textes littéraires de langue française, tandis qu’en Italie, les premiers humanistes avaient inventé une graphie nouvelle, ronde et bien détachée, supposée favoriser la clarté de l’écrit autant que celle de la pensée. Les premiers typographes ont adopté sans la remettre en cause cette répartition symbolique en trois champs : la typographie gothique était prioritairement associée aux usages religieux, la romaine à l’héritage classique et, dans l’aire francophone, la bâtarde restait la lettre des œuvres littéraires de langue française.
Au XVe siècle, la page imprimée est souvent parachevée à la main, tant dans le texte même (capitales initiales, séparateurs de paragraphes, éventuelle insertion de notations musicales ou de mots en alphabets non latins, tels que le grec), qu’en ses franges (peinture des marges, enluminures). Les premiers imprimés mêlent fréquemment et intimement des procédés de production mécaniques et manuscrits.
Enfin, les premiers imprimés sont bien souvent édités sans page de titre, sans date ni nom d’imprimeur - là encore à l’image de la plupart des manuscrits. Nombre d’entre eux sont édités dans la langue des savants, le latin ; les textes en langue vulgaire représentent, dans les premières années du développement de l’imprimerie, une part mineure de la production.