La Librairie de Charles V : traductions

Français 542 : Aristote, Ethiques, traduction française par Nicole Oresme 

Docteur en théologie, grand-maître du collège de Navarre avant de se rallier à la royauté en 1361-1362 et d’être successivement nommé chanoine de Notre-Dame de Paris, doyen de la cathédrale de Rouen (1364) puis évêque de Lisieux (1377), Nicole Oresme (ca 1322-1382) est connu pour ses traductions du corpus moral aristotélicien : les Éthiques, les Politiques, les Économiques, ainsi que de la somme de philosophie naturelle que constitue le Livre du ciel et du monde. La traduction des Ethiques fut probablement entreprise vers 1369, d’après la version latine composée par Robert Grosseteste, chancelier de l’Université d’Oxford, vers 1246-1247. La mise en page illustre la méthode de traduction de Nicole Oresme qui accompagne le texte de nombreux commentaires. Le feuillet est divisé en deux colonnes : celle de gauche est réservée à la traduction française de la version latine du texte d’Aristote ; celle de droite, d’un module inférieur, est destinée aux gloses signalées par un pied de mouche (voir feuillet 4). Le premier possesseur du manuscrit fut Jean de Montaigu (1350-1409), grand-maître de l’Hôtel du roi (1401 à 1409). Le 17 octobre 1409, Jean de Montaigu, arrêté sur l’ordre de Jean Sans Peur, fut décapité aux Halles de Paris et ses biens attribués au dauphin Louis, duc de Guyenne (1397-1415). Le manuscrit fit partie des vingt ouvrages provenant du château de Marcoussis qui furent remis sur son ordre le 7 janvier 1410 (n.st.), à la Librairie du Louvre. Il est répertorié dans les inventaires royaux entre 1411 et 1424. Envoyé en Angleterre par Jean de Bedford avec la majeure partie des collections royales lors de leur dispersion, le volume y fut acheté par Charles d’Orléans (1394-1465) dont l’ex-libris est inscrit au verso du feuillet 339. Il entra par la suite dans les mains de Jean d’Angoulême (1400-1467), puis fit partie de la bibliothèque personnelle du roi François Ier (1494-1547).

 

Français 1082 : Aristote, Livre du ciel et du monde, traduction française par Nicole Oresme

Outre le corpus moral aristotélicien, Nicole Oresme se vit confier par Charles V la traduction du De caelo et mundo, traité en quatre livres dans lesquels l’auteur expose ses théories astronomiques. Le texte latin original auquel le traducteur se référa était la nova translatio de grec en latin, commencée par Robert de Lincoln (vers 1250) et corrigée et complétée par William de Moerbeke autour de 1265. La traduction fut achevée en 1377. L’unique peinture du manuscrit Français 1082, due au Maître du Rational des divins offices, désigné ainsi d’après sa décoration du ms. BnF, Français 437, met en scène Dieu créateur, assis sur son trône, tenant dans la main gauche un cercle de feu où est représenté le monde symbolisé par la terre et l’eau. Schémas et figures d’astronomie à la plume et à l’encre rouge et or appuient les démonstrations de l’auteur. Contrairement au manuscrit des Éthiques (Français 542, cf supra), texte et gloses sont insérés dans un même texte et annoncés par une rubrique : « Texte », « Tiexte » ou « T. » ; « Glose » ou « G. ». Une dédicace en français et en latin copiée au verso du feuillet 203 confirme que l’ouvrage fut réalisé pour le roi Charles V : il était alors couvert de soie vermeille, à deux fermoirs d’argent doré aux armes de France. À la mort du roi, il fit partie des ouvrages enlevés le 7 octobre 1380 par le duc Louis Ier d’Anjou (1339-1384).  Il entra par la suite dans la librairie de Jean, duc de Berry, dont les armoiries, la devise et l’emblème apparaissent au feuillet 3 et l’ex-libris au verso du feuillet 209.

Français 437 : Guillaume Durand, Rational des divins offices, traduction française par Jean Golein

En 1372, le roi Charles V confia au carme Jean Golein (ca 1325-1403) la traduction en français du Rationale divinorum officiorum, rédigé à la fin du XIIIe siècle par Guillaume de Durand (ca 1230-1296), évêque de Mende. Il y fit ajouter un Traité du sacre, sorte de commentaire allégorique de l’"Ordo du sacre de Charles V" contenu dans le manuscrit de Londres, British Library, Cotton Tiberius B VIII. Exécuté pour le roi, le manuscrit porte au verso du feuillet 402 sa signature et au feuillet 403 son ex-libris. Au feuillet 1, le Maître du Rational des divins offices, ainsi appelé pour l’illustration de ce manuscrit, a peint une scène de dédicace qui occupe la moitié du feuillet : entouré de sa famille, sous deux arcatures gothiques, le roi ordonne à Jean Golein, assis à ses pieds en habit de carme, de traduire l'œuvre de Guillaume Durand ; derrière le roi se tiennent ses fils, le dauphin Charles et Louis, le futur duc d'Orléans ; la reine est accompagnée de ses deux filles, Marie et Isabelle. Prêté au duc Louis Ier d’Anjou (1339-1384) le 7 octobre 1380, le volume fut restitué à la Librairie du Louvre et y demeura jusqu’à la dispersion des collections royales. Passé en Angleterre, il y fut racheté en 1441 par Jean d’Angoulême (1400-1467). Il demeura dans les collections des Angoulême avant d’entrer dans la Bibliothèque personnelle de François Ier dont il porte la cote « 156 » sur la contregarde du plat supérieur.

Français 1032 : Vincent de Beauvais, Epistola consolatoria de morte amici, traduction française par Jean Daudin

On doit à Jean Daudin (13..-1382), bachelier en théologie et chanoine de la Sainte-Chapelle de Paris entre 1364 et 1378 au moins, la traduction du De remediis utriusque fortunae de Pétrarque, en 1378.  On lui attribue aussi celle de deux opuscules de Vincent de Beauvais : le De eruditione filiorum nobilium et l’Epistula consolatoria, adressée en 1260 au roi saint Louis à l’occasion de la mort de son fils aîné. Bien que le manuscrit ne soit pas répertorié dans les inventaires de la Librairie du Louvre et que le premier feuillet qui devait comporter la scène de dédicace ait été coupé, l’exemplaire de cette traduction achevée en 1374 fut assurément commandité par le roi, ainsi que l’indiquent l’incipit du texte et la préface. La calligraphie soignée du volume, dont certaines initiales ornées à la plume rappellent celles des chartes du roi, confirme cette hypothèse, comme en témoigne la majuscule « P » de la première ligne du verso du feuillet 34, représentant dans le contour de la lettre un visage humain. Le volume fit partie au XVIIe siècle de la bibliothèque de Jean-Baptiste Colbert (1619-1683), dont il porte la cote au feuillet 1.

Français 22912 : Saint Augustin, La cité de Dieu, traduction française par Raoul de Presles

Connu pour ses ouvrages politico-moraux (Le Compendium morale de re publica et la Musa), Raoul de Presles (1316-1382) est aussi l’auteur de deux traductions entreprises à la demande du roi Charles V : la Bible (ne dépassant les Psaumes) et le De civitate Dei de saint Augustin. Cette dernière, dont ce manuscrit est un témoin, fut achevée le septembre 1375. L’exemplaire est divisé en deux volumes, le premier comprenant les livres I à X, le second les livres XI à XXII. Exemplaire royal offert au monarque par le traducteur vers 1376, le manuscrit a été copié par Raoulet d’Orléans, un des copistes attitrés du roi ; sa décoration est due à la collaboration du Maître du Couronnement de Charles VI (Français 2813, f. 3v), du Maître du Sacre de Charles V (Londres, British Library, ms. Tiberius B VIII) et du premier Maître de la Bible de Jean de Sy (Français 15397, cf. infra). Au feuillet 3, le Maître du couronnement de Charles VI a représenté la scène de dédicace : devant un fond fleurdelisé, le traducteur à genoux offre son ouvrage au roi assis sur son trône, en présence de deux anges ; dans la bordure inférieure du feuillet, un écu aux armes de France est supporté par deux anges. De même que le manuscrit Français 1082, il fut emprunté le 7 octobre 1380 par Louis Ier d’Anjou (1339-1384), régent de France. On perdit sa trace jusqu’en 1706, date à laquelle il fut acheté par le collectionneur Roger de Gaignières. Il entra à la Bibliothèque du roi en 1716 avec une partie du Cabinet de Gaignières.

Français 15397 : Bible de Jean de Sy (Pentateuque)

Ce fut à la demande du roi Jean le Bon que le dominicain Jean de Sy commença la traduction française de la Bible entre 1350 et 1356. Interrompue par la défaite de Poitiers, l’œuvre fut continuée sous le règne de Charles V, puis de Charles VI. À la mort du roi en 1422, elle constituait un ensemble de douze volumes. Ce manuscrit correspond au premier volume qui contenait à l’origine le Pentateuque, Josué et le premier chapitre des Juges. Mutilé, incomplet du début et de la fin, il ne contient plus aujourd’hui que le Pentateuque, du Livre de la Genèse, VIII, 1 au Deutéronome, XXXIV, 6. Exécutée à Paris, en deux phases, la décoration du volume fut commencée entre 1355-1357 par le Maître aux Boqueteaux, appelé aujourd’hui Maître de la Bible de Jean de Sy d’après l’illustration de ce manuscrit. Le programme iconographique est inachevé. Certaines esquisses furent complétées par un second peintre après 1380. La traduction de la Vulgate par Jean de Sy, introduite par les premiers mots en latin du chapitre commenté, est accompagnée d’un commentaire de nature principalement historique. La mise en page, élégante, rappelle celle des manuscrits glosés : disposition au centre de la page de la traduction française du texte sacré et illustration ; commentaire disposé de part et d’autre en un module d’écriture inférieur ; transitions entre les points du commentaire annoncées par une lettre ornée (2 lignes) et des rubriques. L’exemplaire faisait partie des trois tomes répertoriés dans les inventaires de la Librairie du Louvre en 1380.  Deux d’entre eux, dont ce manuscrit Français 15397, furent remis par le frère Maurice de Coulanges, confesseur du roi, au duc Louis Ier d’Anjou (1339-1384), « régent », avant le 4 novembre 1380, date du sacre de Charles VI. Cette bible entra à une date indéterminée dans la collection de Jean duc de Berry dont on a pu lire autrefois la signature à la fin du volume.

NAF 15939-15944 : Vincent de Beauvais, Speculum historiale, traduction française par Jean de Vignay sous le titre Miroir historial

De l’œuvre de Jean de Vignay (1282/1285-av.1350), religieux hospitalier de Saint-Jacques-du-Haut-Pas de Paris, nous restent onze traductions dont le Jeu des échecs, la Légende dorée, le Miroir de l’Église et le Miroir historial. Outre la série composée pour Jean le Bon (voir ms. Arsenal 5080), la Librairie du Louvre comprenait une série de trois volumes dont les deux premiers, sont conservés à la Bibliothèque nationale de France, en six tomes. Du troisième volume originel, seules quarante-huit peintures nous sont parvenues et sont rassemblées dans le manuscrit de Londres (British Library, Additional 6416, art. 5). Copié en partie par les copistes attitrés de Charles V, Henri de Trevou et Raoulet d’Orléans, illustré de 707 enluminures par le Maître du sacre de Charles V et son atelier, orné à chaque feuillet de bordures de demi-fleurs de lys, le manuscrit était conservé avec les livres les plus précieux du roi dans la première chambre de la Librairie du Louvre. Le premier tome (NAF 15939) étant incomplet du début, la peinture frontispice est perdue. Mais dans la grande peinture en deux registres introduisant le livre XVII (Français 15943, f. 1), l’enlumineur a représenté dans la partie supérieure le roi portant un manteau orné des armes de France, entouré de trois personnages couronnés ; dans le registre inférieur cinq personnages couronnés. Dans la bordure inférieure deux lions supportent les armes de France. Le manuscrit entra à une date indéterminée dans les collections de Jean de Berry dont le dernier tome porte l’ex-libris (NAF 15944, f.171v). Le duc le céda à son neveu Jean sans Peur.

Jacques Bauchant : Français 1792.
Jean Corbechon : Français 16993.
Denis Foulechat : Français 24287.
Frère prêcheur de Cysoing (Nord) : Français 1634.
Jean Golein : Français 1950.
Pierre de Hangest : Arsenal, ms. 2247.
Simon de Hesdin : Français 9749.
Guillaume Oresme : Français 1348.
Raoul de Presles : Français 174.
Jean de Vignay : Français 1728 ; Arsenal, ms. 5080.

Anonymes : Français 493 ; Français 495 ; Français 498 ; Français 1349 ; Français 1728 ; Français 1802 ; Français 1838 ; Français 20118 ; Français 20120 ; Français 22969 ; Français 22970 ; NAF 1409 ; NAF 18867.