Archives de l'Opéra-Comique

Les soixante quinze registres de la Comédie-Italienne couvrent la plupart des saisons théâtrales allant de 1717 à 1780. Ils sont particulièrement précieux en ce qu’ils fournissent les titres des pièces jouées, ainsi que le nombre de billets vendus à chaque représentation, ce qui permet de mesurer le succès ou l’échec d’un spectacle, sans oublier les quelques registres de personnels, qui offrent la possibilité de suivre la trajectoire des carrières des comédiens, de leur début sur scène à leur retraite du théâtre.

Les registres de la Comédie-Italienne couvrent la plupart des saisons théâtrales allant de 1717 à 1780. Bien que quelques années demeurent manquantes, les registres de la Comédie-Italienne nous renseignent sur le répertoire des pièces autrefois à l’affiche du théâtre, en fournissant le titre des pièces jouées, et leur assemblage en programmation qui variait d’une soirée à l’autre (le plus souvent deux ou trois pièces). Il s’agit, pour l’essentiel, de livres de comptes dans lesquels sont mentionnées à l’occasion de chaque représentation aussi bien les recettes engrangées par le théâtre que les dépenses engagées pour la représentation. Ils nous permettent, par exemple, d’identifier la pièce la plus jouée du répertoire (Arlequin sauvage de Delisle) et de prendre connaissance des accessoires mobilisés sur scène : on apprend ainsi qu’un fusil fut loué pour La Surprise de l’amour – l’usage de cet accessoire s’expliquant par une didascalie qui précise qu’Arlequin, dans cette pièce, arrive avec « un équipage de chasseur » (acte 1, scène 10).

À partir du 1er février 1733 jusqu’au 12 décembre 1772, sont mentionnés également les noms des comédiens et des comédiennes participant au spectacle, mais sans que soient précisés les noms des personnages distribués. Durant toutes ces années, les comptes du théâtre sont d’abord rédigés en italien, puis dans un mélange d’italien et de français, par les membres de la troupe, à l’instar de Pietro Alborghetti ou Pietro Paghetti, comédiens spécialisés respectivement dans les rôles de Pantalon et du Docteur. Les registres sont ensuite rédigés intégralement en français (on trouve toujours de l’italien dans les registres de vérification) : en 1741, Jean-Baptiste Linguet, huissier-priseur, devient le premier « caissier du théâtre » à avoir cette fonction officielle : jusqu’au 21 septembre 1774 il contrôle les comptes de façon plus professionnelle, en enregistrant les recettes journalières, en surveillant les dépenses et en dressant des états récapitulatifs, mensuels et annuels. Il devient alors possible de suivre sur plusieurs années le volume des dépenses de personnels car les noms de toutes les personnes affectées au service du théâtre, avec mention de leurs appointements y sont détaillés, qu’il s’agisse des acteurs chantants ou dansants, des musiciens de l’orchestre, des machinistes, mais aussi des ouvreuses et garçons de théâtre (voir le registre tenu par Linguet). Linguet sera remplacé en décembre 1774 par Charles Durozoir qui continuera d’exercer ses fonctions de caissier au sein de l’Opéra-Comique.

Lorsqu’en 1780, la Comédie-Italienne prend le nom d’Opéra-Comique, une partie du personnel de l’ancien Théâtre-Italien est licenciée, une autre renouvelée, mais le caissier Charles Durozoir et l’administrateur Bartolomeo Camerani conservent leur activité au sein de la compagnie, ce dernier étant en activité et rédigeant les comptes du théâtre jusqu’en 1816. En 1783, la troupe de l’Opéra-Comique quitte l’Hôtel de Bourgogne pour s’établir dans une nouvelle salle bâtie sur le terrain du duc de Choiseul baptisée salle Favart.

Les 218 registres de l’Opéra-Comique conservés à la Bibliothèque-musée de l’Opéra sont de nature très disparate. Sans être exhaustif, on peut relever :

- des mémoires concernant l’histoire des différentes salles, depuis l’arrivée des comédiens italiens en 1716 à l’Hôtel de Bourgogne jusqu’à leur installation sur le terrain de l’Hôtel de Choiseul (TH-OC 1 à 4) ;

- des journaux de représentation relatant la chronologie des spectacles et comprenant tous les titres des ouvrages joués de 1801 à 1827 (TH-OC-112 à 114) ;

- des registres de délibérations pour la période allant de 1781 à 1828 : à cette époque, l’Opéra-Comique était organisé en « société » et un Comité composé de neuf membres se réunissaient chaque semaine pour délibérer sur des sujets aussi variés que le règlement du théâtre, l’entrée au répertoire d’ouvrages nouveaux, la censure des textes, les gratifications exceptionnelles qu’il fallait allouer aux acteurs les plus méritants ou encore les congés qu’il convenait d’accorder aux artistes qui en faisaient la demande, comme lorsque Mme Dugazon, après « trente ans d’un service utile et brillant » au sein du théâtre, souhaitait anticiper de sept mois sa retraite (TH-OC-115 à 122, 124 à 135, 241 à 243)

- des registres de correspondance, comprenant copie ou résumé de toute la correspondance entrante et sortante du théâtre, pour la période allant de 1817 à 1830 (TH-OC-136 à 139, 277) ;

- des registres d’émargements du personnel permettant de connaître les appointements fixes des acteurs qui travaillaient au sein du théâtre, pour les années 1796 et 1802 à 1812 (TH-OC-140-149) ;

- des registres d’abonnements renseignant sur la location des loges, ainsi que sur l’attribution de loges ou entrées gratuites (TH-OC-153 à 155, 220 à 222, 225, 243 à 267)

- et, enfin, dans la très grande majorité, des livres de comptabilité récapitulant débits et crédits : s’y trouvent entre autres l’enregistrement des factures, des bons de fournisseurs, des  recettes à la porte et des subventions allouées par l’État au théâtre.

Les journaux de régie de l’Opéra-Comique sont des documents irremplaçables pour replonger au cœur de la vie théâtrale et reconstituer le calendrier des spectacles qui étaient à l’affiche du théâtre. Grâce aux notes que consignait le régisseur, on parvient à savoir, dans le détail, quels étaient aussi les artistes mobilisés pour un opéra, ceux qui, au contraire, faisaient valoir qu’ils ne pouvaient pas jouer le lendemain. Tout ce qui affecte le cours des répétitions – un chanteur indisposé, un chef en retard, un accident de machinerie – ou en diffère l’exécution – obsèques nationales – n’échappe pas à la vigilance du régisseur dont les notes éparses constituent un réservoir d’anecdotes savoureuses sur le théâtre. Ainsi le 25 septembre 1857, « on a demandé à M. Faure de jouer L’Etoile, il a répondu que s’il chantait L’Étoile, il ne pouvait pas continuer à chanter Joconde »…

Même en temps de guerre, on rend compte de l’activité du théâtre. Alors que les représentations ont cessé à l’Opéra de Paris depuis le 3 août 1914 pour cause de la mobilisation générale, et que le théâtre demeure fermé pour une durée indéterminée, il en va différemment à l’Opéra-Comique, où « la situation des armées devenant de plus en plus favorable, la direction décide de donner des matinées le dimanche et le jeudi ». Il devient ainsi possible de suivre au jour le jour la façon dont l’institution théâtrale se démène pour maintenir une programmation en adéquation avec le contexte politique, et l’on ne s’étonnera guère d’apprendre, par exemple, que les premières représentations, qui reprirent le 6 décembre 1914, furent données au bénéfice des soldats blessés et victimes militaires, et que le public pouvait entendre alors La Marseillaise, Le Chant du Départ et des extraits de La Fille du régiment…