Entre ses essais théoriques et historiques, ses écrits scientifiques (Mémoires sur différents sujets de mathématiques) et philosophiques (Pensées philosophiques, Lettre sur les sourds et muets), ses romans (La Religieuse, Jacques le Fataliste et son maître) ses drames bourgeois (Le Fils naturel et Le Père de famille) ou encore l’Encyclopédie, Denis Diderot a laissé une œuvre prolifique d’une richesse rarement égalée. Ses Salons (tome 1, tome 2 et tome 3), rédigés de 1759 à 1781, ont longtemps été considérés comme l'étalon à l'aune duquel ont été jugées les critiques d'art postérieures. Ils sont aujourd’hui considérés comme une référence majeure de la critique d’art.
À la demande de son ami Melchior Grimm, rédacteur en chef de la Correspondance littéraire, Diderot se rend au Salon carré du Louvre pour la première fois en 1759 afin de rédiger un compte rendu de l'exposition de peinture. Ce sont les artistes de l’Académie royale de peinture et de sculpture qui exposent. Ce premier Salon de Diderot inaugure ainsi la longue série d'écrits sur l'art que nous lui connaissons aujourd'hui. Réservées à quelques souscripteurs prestigieux et princes étrangers, les critiques de Diderot, très libres dans leur ton, s'adressaient surtout aux cours européennes : il s'agissait pour lui de décrire à des personnes hors des frontières françaises les oeuvres exposées. Son regard d’amateur éclairé et de critique s’affine avec le temps, au point que la grande collectionneuse Catherine II de Russie en personne lui demandera conseil. En 1765, fort de son expérience, Diderot écrit son Essai sur la peinture et à la fin de sa vie fait le bilan de son rapport à l'art dans Pensées détachées sur la peinture, la sculpture, l'architecture et la poésie pour servir de suite aux Salons.
Au Louvre, l’écrivain est sensible aux natures mortes de Jean Siméon Chardin, aux scènes pathétiques et moralisantes de Jean-Baptiste Greuze, mais aussi au goût antiquisant du peintre des ruines Hubert Robert. La prédilection du critique est latente pour la peinture des sentiments et des scènes intimistes, où se révèlent les émotions intenses théâtralisées par une grande expressivité du geste mélodramatique.
« En même temps qu’elle fixait le genre du peintre, L’Accordée de village décidait la vocation des idées de Greuze. Il devenait le peintre de la Vertu. Il se faisait le discipline de Diderot son maitre et son flatteur ; il dessinait, il composait d’après les règles et la poétique du philosophe ; il aspirait à réaliser le programme jeté en tête de son théâtre ; il visait, comme lui, à faire résonner ou frémir dans les âmes la corde de « l’honnête ». » (L'art du dix-huitième siècle, Edmond et Jules de Goncourt, p. 304)