L’autographe de la Ballade en fa majeur op. 38 (MS-107), donné à la bibliothèque du Conservatoire par Camille Saint-Saëns en 1919, fut achevé à Nohant en septembre 1839 et appartient à la période de prépublication. Chargé de repentirs, il transmet une version très différente de celle que Robert Schumann, dédicataire de l’œuvre, entendit à Leipzig en 1836 : y manquait notamment la section du Presto con fuoco et la pièce se terminait dans le ton de départ (un fa majeur de pastorale-sicilienne à 6/8). A l’été 1839, Chopin demanda à son copiste, Julian Fontana, de lui retourner le manuscrit à Nohant pour y insérer des retouches. Les nombreuses changements qu’il y introduisit indiquent qu’il ne craignait pas d’envoyer à son éditeur et à ses copistes un autographe chargé de corrections et qu’il revoyait et perfectionnait ses textes jusqu’à la dernière minute.
Le manuscrit autographe de la Berceuse op. 57 (MS-115) témoigne d’une version intermédiaire de l’œuvre, dépourvue des deux premières mesures avec l’ostinato de la main gauche seule. Minutieusement calligraphié et ne comportant que quelques corrections, cet autographe était destiné à l’éditeur français Meissonnier, mais il fut rejeté par le compositeur qui, en dernier recours, avec le remplacement du titre l’œuvre « Variantes » par le titre de « Berceuse », opta pour la version musicale que l’on connaît.
Chopin établissait une nette démarcation entre les œuvres qu’il destinait à la publication et les pièces réservées à son entourage, ses amis et ses élèves. S’il se plia volontiers à la mode du feuillet d’album, il ne souhaitait pas que ces pièces, à caractère privé, « voient le grand jour ». Aussi, il recopia pas moins de quatorze fois la Valse en fa mineur op. 70 n° 2, qui ne fut éditée qu’à titre posthume, en 1855, par Julian Fontana. Trois autographes de la pièce font partie des collections du département de la Musique : ceux que le compositeur destina à ses élèves Marie de Krudner, Élise Gavard (MS-117) et Charlotte de Rothschild (MS-110). Ces manuscrits comportent des variantes rédactionnelles introduites par le compositeur au moment de la réalisation de la copie, témoignant d’une conception ouverte de l’œuvre, qui n’est jamais figée ou fixée de manière inaltérable et qui laisse une large part à l’improvisation.