En 1968, il part pour Besançon pour son année de Khâgne. Lors d’une manifestation, il fait la connaissance de musiciens et découvre grâce à eux la technique du picking et le folk américain via la reprise de chansons de Graeme Allwright. C’est durant cette période qu’il monte le groupe éphémère de reprises Les Kangourous qui assureront la première partie de Colette Magny au théâtre de Besançon.
De retour à Brest, il monte avec Jacques Materne un club folk sur le principe de l’Hootenanny du Centre Américain de Paris. Ce club se réunit une fois par semaine dans une « baraque » du quartier Saint-Martin. Durant les années 1968-1969, les scènes ouvertes qu’il organise lui permettent de faire la connaissance d’Annkrist et de Patrik Ewen, futurs compagnons de route et de vie sur le projet Névénoé. Durant un séjour à Leverkusen en Allemagne dans le cadre de ses études, il se familiarise avec la technique de la guitare classique. De retour à Brest, il monte avec Patrik Ewen un duo folk et les deux hommes se produisent dans les bistrots, notamment le Stivel.
Après une soirée Chez Georges, cabaret parisien où l’on peut entendre à cette époque Jacques Bertin, Gilles Elbaz ou encore Bernard Lavilliers, il oublie de se réveiller et manque l’heure d’un oral décisif pour ses études. Catastrophé dans un premier temps, il réalise que cet acte manqué n’est que le déclencheur d’un souhait profond ainsi qu’un nouveau tournant déterminant dans sa vie.
Avec son ami Patrik Ewen, il souhaite se consacrer entièrement à la chanson. Tous deux démarchent les M.J.C., les « Mille clubs » de jeunes, des bistrots et enconre les cabarets de la région pour se produire. Durant cette période, ils signent chacun un premier 45 tours pour le label Kelenn fondé par Alain Guel, Glenmor et Xavier Grall. Gérard Delahaye leur propose alors de produire son premier 33 tours, mais il reçoit une fin de non-recevoir : « ce que tu fais n’est pas breton, cela ne nous convient pas ». C’est dans ce contexte, qu’en 1973, Gérard Delahaye et Patrik Ewen décident de fonder, dans l’esprit communautaire de l’époque, la coopérative Névénoé. Elle tire son nom du roi breton Nominoë et de Névez, qui signifie "nouveau". Une première souscription est lancée et permet rapidement l’enregistrement du premier album de Gérard Delahaye :
La Faridondaine.
Melaine Favennec, Kristen Noguès, Annkrist ainsi le poète Yvon Le Men vont progressivement rejoindre l’association Névénoé. Ce petit noyau d’amis participe aux enregistrements des disques des uns et des autres, partagent les mêmes scènes, et au fil du temps participent au « bouillonnement » culturel et militant breton de ces années 1970.
Autour de la sphère Névénoé gravite également de nombreux musiciens dont Gildas Beauvir, arrangeur de talent, Pierre Datry ou encore Bertrand Floch qui participent, à partir de 1974, à la création d’un très grand nombre d’albums du label. L’illustrateur Claude Fonteyne réalise le logo du label ainsi que plusieurs pochettes de disques dont celles des disques 45 tours de Gérard Delahaye, Le crabe vert et La princesse Dorothée, ou encore la pochette de la Basse dance de Melaine Favennec. L’illustratrice Mosca de Selva réalise en linogravure la pochette de la Basse dance : c'est à cette occasion que Gérard Delahaye rencontre l'illustratrice et lui propose de réaliser le visuel de la pochette du Printemps, dont l'original est sa fresque réalisée au Mans sur le mur d’une école primaire.
Gérard Delahaye revient également lors de cet entretien sur les enregistrements réalisés pour Névénoé : des débuts sur un deux pistes dans une maison perdue dans les Monts d’Arrée qu’il loue avec Patrick Ewen à l’enregistrement du Printemps au studio 20 près d’Angers sur un 16 pistes. Entre les deux, l’équipe de Névénoé connaîtra les studios C.A.S.E., situés dans le château de Kernabat et tenus par Léon Guillou, également Chef de chœur de la Maitrise de la Cathédrale de Saint-Brieux, ou encore le Manoir Kevern, lieu de résidence de la chanteuse et harpiste Kristen Noguès.
En 1979, l’aventure Névénoé prend fin, mais les amis musiciens resteront proches. Gérard Delahaye poursuit sa carrière et reviens au cours de cet entretien sur les labels avec lesquels il a travaillé au cours des ans (Les Éditions Pluriel, Blue silver, L’Oz production) et sur le label qui a créé en 1991, toujours avec la complicité de Patrik Ewen : Dylie.
Entretiens réalisés à Saint-Jacques-De-La-Lande chez Gérard Delahaye en présence de Jean-Rodolphe Zanzotto (pour les questions, Bibliothécaire) et de Luc Verrier (Ingénieur son) les 7 et 8 juin 2022.