La diversité des écritures
Bibliothèque de l'Ecole des chartes. 1944, tome 105. pp. 5-63.
"C'est de la plus ancienne des chartes privées sur parchemin, la charte d'une dame Clotilde, que nous allons nous occuper dans les pages suivantes. Ce précieux document mérite, en effet, à bien des égards, qu'on l'examine de plus près qu'on ne l’а fait jusqu'ici. Il est l'acte original sur parchemin le plus ancien qui se trouve en France, puisqu'il est antérieur de plusieurs années au premier diplôme original du roi Thierry III, dont la chancellerie fut peut-être la première à ne plus faire usage du papyrus."
Les ateliers de copie des monastères mérovingiens se sont essayés à différentes expériences calligraphiques dont subsistent quelques centaines de manuscrits et fragments en écritures onciales et semi-onciales, de tradition antique, et en écritures cursives. Les plus anciens de ces scriptoria sont situés dans l’aire de plus grande influence romaine, dans le Sud et la vallée du Rhône (Lyon), mais d’autres sont fondés sur tout le territoire de la Gaule : Corbie, Tours, Flavigny, Bourges, Fleury, Saint-Médard de Soissons, chacun élaborant sa propre écriture, comme la minuscule anguleuse et étirée de Luxeuil, l’écriture dite az de Chelles ou la graphie saccadée de Laon. Les textes diffusés sont principalement des Bibles et leurs commentaires, des œuvres des Pères de l’Eglise et aussi des codes de lois. Mais l’usage de l’écrit persiste au-delà du livre dans les pratiques de chancellerie, les épitaphes et des inscriptions plus ou moins faciles à déchiffrer sur tous types d’objets. Ces jeux de lettres prennent la forme de vœux, de rébus, de pseudo-textes, de monogrammes comme sur la bague de sainte Radegonde (réunissant les lettres de son nom en un seul dessin), ou encore de formules magiques telles qu’« abracadabra » (abrasax), répété avec ivresse sur la croix de Lausanne.