Cartes du Japon dans la collection d'Anville

La première édition de cette carte de Mercator date de 1606. Mais elle est directement inspirée de la carte intitulée Iaponiae insulae descriptio publiée par Abraham Ortelius (1527-1598) à Anvers en 1595 dans son atlas Theatrum orbis terrarum. Ortelius put établir cette carte grâce aux informations du cartographe portugais Luis Teixeira. Elle constitue une véritable révolution dans la cartographie du Japon, représenté comme un archipel composé de trois îles principales : Bungo (Kyūshū), Tonsa (Shikoku) et Iaponia (Honshū). L’existence de Hokkaidō est encore inconnue, mais le progrès est considérable par rapport à la représentation occidentale du japon aux XVe et XVIe siècles sous la forme d’un haricot comme on peut le voir sur une autre carte du monde de Mercator en 1587.

Jean-Baptiste d’Anville possédait une autre édition non coloriée de cette carte en latin datée de 1607-1608. Dans sa collection, les feuilles des atlas étaient démontées et réparties pour répondre aux contraintes du classement géographique et parfois aussi les planches découpées pour les mêmes raisons.

Le géographe d’Anville entretenait tout un réseau de correspondants composés non seulement de savants français et étrangers mais aussi de divers voyageurs pour pouvoir établir ses cartes avec la plus grande exactitude possible.  Parmi les sources de cette carte, il cite les Jésuites de Chine, informateurs privilégiés installés à la cour de l’empereur, alors qu’à la même époque ils étaient interdits au Japon. Dans les collections du département des Cartes et plans est aussi conservé le manuscrit préparatoire à la gravure de la carte ce qui nous renseigne sur ses méthodes de travail.

La renommée de d’Anville s’explique aussi par la diffusion de ses œuvres à l’étranger. Ce fut le cas de cette carte qui fut publiée en Allemagne chez Homann à Nuremberg en 1749 sous le titre : Tartariae Sinensis mappa geographica. Un exemplaire est conservé dans la collection sous le n° 7271.

La diversité des interprétations se traduit par des cartes très différentes. L’île de Hokkaidō appelée à cette époque Terre de Jesso (mais aussi Yeço, Eso, ou Yesso) cristalise tous les questionnements des cartographes. Le premier problème consiste à savoir si elle ne serait pas rattachée à l’île de Honshū, appelée alors Japon. Guillaume Delisle (1675-1726), le fils de Claude, dans sa Carte des Indes et de la Chine, publiée en 1705 prend le parti de les séparer par la mer mais note quand même ses doutes sur la carte : « On ne scait si la Terre d’Yeço tient au Japon ou non ».

Le second problème consiste à savoir si l’île de Hokkaidō ne serait pas rattachée au continent asiatique. Et là, deux nouvelles hypothèses divergentes s’opposent. Dans sa Carte d'Asie de 1723, Guillaume Delisle choisit de rattacher la « Terre d’Eso » à la Tartarie en s’appuyant sur des sources russes. Plus tard en 1735, Jacques-Nicolas Bellin (1703-1772) qui travaille déjà au Dépôt de la Marine publie une Carte des isles du Japon qui représente l’île de Hokkaidō complètement confondue avec la péninsule du Kamtchatka, nouvellement découverte par les explorateurs russes. La carte de Bellin est très influencée par un carton figurant sur la carte du Japon (Imperium Japonicum), publiée dans l’ouvrage de Kaempfer en 1727. Le problème n’est définitivement résolu qu’en 1787 lorsque La Pérouse découvrit le passage au nord-ouest de Hokkaidō.