Sciences pour tous, épisode 6 : livres pour la jeunesse (1850-1900) 2/2
Autour de l’exposition Sciences pour tous, 1850-1900, présentée à la Bibliothèque nationale de France jusqu’au 27 août 2017, découvrez l’âge d’or de la vulgarisation scientifique à destination de la jeunesse.
Dans ce vaste mouvement de la science pour tous qui connaît son apogée entre 1850 et 1900, il y a une certaine ambiguïté concernant le public visé, comme en témoigne le titre de cet ouvrage de Louis Figuier : Connais-toi toi-même : notions de physiologie à l'usage de la jeunesse et des gens du monde (1879). Après 1850, il devient difficile de différencier la lecture adulte de la lecture de jeunesse puisque face à la science, la majorité des adultes semble aussi démunie que les enfants. Nombre de livres et de revues s’adressent à ce public large et familial qui englobe les adolescents. D’où un niveau de vulgarisation élevé, fidèle à l’actualité de la recherche, qui n’évite ni les mots savants, ni les descriptions techniques approfondies.
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La structuration par collections est l’une des innovations éditoriales du XIXe siècle, qui se caractérise par un mouvement de concentration, de structuration et de rationalisation du monde de l’édition. Pour intéresser un public nombreux, les éditeurs du Second Empire découvrent des méthodes commerciales nouvelles : la fidélisation du public par la collection, l’investissement dans la publicité, la complémentarité entre un périodique et une collection. Les livres sont mis à la portée de toutes les bourses grâce à la multiplication d’éditions différentes par la présentation et le prix. En 1853, la maison Hachette crée la « Bibliothèque des chemins de fer » qui se subdivise rapidement en collections thématiques. À partir de 1857, la « Bibliothèque rose illustrée » s’adresse à la jeunesse, et comprend des titres scientifiques, comme ces Récréations chimiques sous couverture brochée rose ou ces Récréations physiques vendues sous cartonnage rouge et or. Les volumes de la « Bibliothèque des merveilles » dirigée par Edouard Charton, qui fait une large place aux sciences et techniques, deviennent des classiques des distributions de prix.
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Pour se démarquer du livre scolaire, la littérature pour la jeunesse accorde une place croissante à l’image, grâce aux possibilités techniques nouvelles. Le concept de science amusante s’affirme, s’appuyant sur la conviction déjà ancienne qu’on instruit mieux en amusant. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, le ton devient moins didactique, les vulgarisateurs professionnels prennent une place croissante et multiplient les mises en scène pour enchanter le monde, s’ingéniant à découvrir des merveilles partout dans la nature. Même les objets les plus ordinaires invitent à l’aventure (Voyage scientifique autour de ma chambre d’Arthur Mangin, Histoire d’une bouché de pain de Jean Macé, etc.). Nombreux sont les récits scientifiques qui empruntent la forme du conte, du roman d’exploration ou de la robinsonnade, comme dans les Aventures d’une fourmi rouge de La Blachère ou les Huit jours dans un aquarium, rédigés par le grand scarabée des eaux en personne ! On s’efforce de rendre la science agréable en jouant sur la tendresse et la proximité (Promenade d’une fillette autour d’un laboratoire de Paul Gouzy), le narrateur pouvant être un membre de la famille, un instituteur ou un médecin.
L'histoire d'une bouchée de pain (Bibliothèque nationale de France sur Vimeo)
L’un des meilleurs représentants de cette tendance est l’éditeur Pierre-Jules Hetzel, qui crée en 1864 avec Jean Macé la revue le Magasin d’éducation et de récréation destinée à un public familial, et publie les romans de Jules Verne. Les connaissances y sont présentées en jouant sur la fantaisie, le merveilleux, la fiction, pour répondre à l’aspiration à l’évasion du jeune public. Ce courant de la science récréative déclenche une vive polémique avec les partisans d’une vulgarisation plus rigoureuse, comme Sainte Beuve ou Louis Figuier.
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Mademoiselle Lili (Bibliothèque nationale de France sur Vimeo)
Les années 1890 à 1914 sont marquées par un certain essoufflement. Dans le monde de l’édition de manière générale, la période est marquée par une crise de surproduction. Du côté de la vulgarisation scientifique, on constate que le livre scolaire tend à prendre le relais. En effet, les lois scolaires des années 1880 installent un enseignement de sciences et techniques à tous les niveaux de l’instruction publique. Le mouvement avait commencé plus tôt dans les lycées, et atteint l’école primaire sous forme de leçons de choses et de manuels. Les deux modèles se rejoignent de plus en plus. À l’école, la pédagogie par l’image entre dans les programmes et dans les manuels.
Les ouvrages de vulgarisation ne disparaissent pas des catalogues, mais sont incorporés à des collections qui ne mettent plus la science en vedette. On assiste à une sorte de dissolution du livre de vulgarisation parmi les lectures familiales et les ouvrages pratiques.
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Néanmoins, le public enfantin se voit encore proposer des ouvrages de vulgarisation adaptés à son âge. Les éditeurs scolaires comme Larousse et Delagrave profitent de leur savoir-faire et de leur notoriété. Les ouvrages de Tom Tit (La Science amusante,1889 ou Pour amuser les petits, 1893) remportent ainsi un grand succès. Le livre de vulgarisation, pour survivre, doit se démarquer le plus possible du manuel scolaire et privilégier le divertissement.
La science amusante (Bibliothèque nationale de France sur Vimeo)
À l’exception de quelques plumes prestigieuses de Jules Verne ou Camille Flammarion, la vulgarisation n’a pas réussi à constituer un genre littéraire à part entière.
Vous pourrez admirer quelques-uns de ces ouvrages dans les salles de lecture de la Bibliothèque nationale de France à l’occasion des Journées européennes du patrimoine.
Pour prolonger votre lecture, retrouvez tous les billets autour de l'exposition "Sciences pour tous, 1850-1900" ! Retrouvez également l’exposition en ligne sur le site Sciences pour tous !
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