Les Familles célèbres d’Italie, par Pompeo Litta
« Je me propose de publier la mémoire des principales familles d’Italie. Voici, en guise d’essai, un premier fascicule, qui contient la famille des Attendolo Sforza : chacun pourra ainsi se faire une idée de la méthode que j’ai employée : elle m’a paru la plus adéquate pour une étude de cette nature. » Telle est la déclaration d’intention qui accompagne la publication des tables généalogiques de la famille Attendolo di Cotignola in Romagna chez l’imprimeur-libraire milanais Paolo Emilio Giusti en 1819. Elle marque les débuts de L’Histoire des familles célèbres italiennes (« Famiglie celebri di Italia »), vaste ensemble de fascicules publiés jusqu’en 1884, détaillant la généalogie de 155 familles italiennes au travers de 1106 tableaux et de 839 illustrations gravées (tombeaux, statues, cartes, armes, médailles…), et constituant véritablement l’œuvre d’une vie.
Pompeo Litta, Duchi di Savoia, 1839
http://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/ark:/12148/btv1b8452313q
Cette vie, c’est celle de Pompeo Litta. Né le 24 septembre 1781, affilié par son père Matteo Litta aux ducs du même nom, cet aristocrate entre dans l’administration après des études dans les collèges de Milan, Sienne et Venise. Il quitte ensuite son poste au ministère de l'intérieur de la République italienne puis à la Consulte d’Etat pour s’engager dans la cavalerie. Blessé et immobilisé à la suite d’une chute de cheval, il entame en 1804 les recherches sur lesquelles se fonde l’Histoire des grandes familles italiennes. De 1819 à 1852, il publie l'histoire de cent treize familles. Il prend part en 1848 au gouvernement provisoire de la Lombardie et est nommé colonel de la garde nationale de Milan. À sa mort en 1852, ses notes sont reprises par F. Oderici, L. Passerini, F. Stefani, F. di Mauro di Polvica, et Costantino Coda, et les publications suivantes faites par leurs soins (cf. Anton Ferrante Boschetti, I Cataloghi dell'opera di Pompeo Litta 'Famiglie celebri italiane'. Note appunti, notizie. - Modena, Società tipografica modenese, 1930-IX. In-4°, 59 p.)
Dès les premières parutions, la renommée de cette entreprise généalogique est faite, à l’étranger notamment. Due autant à son ampleur et à son originalité qu’à la richesse des estampes dont elle s’accompagne, elle suscite commentaires et louanges. Le Bulletin des Sciences historiques, antiquités, philologie y remarque en 1826 « un monument historique élevé à la gloire de l’Italie […] », notant également que « les grandes familles ont joué pour la plupart un rôle important dans leur patrie ; leur influence, la part que quelques-uns de leurs membre ont prise aux événements politiques qui ont si souvent changé la face des choses dans cette quantité de petits états qui divisaient cette péninsule, la gloire que d’autres ont acquise dans les armes, dans l’église, dans les lettres ou dans les arts, tient immédiatement à l’histoire de ces divers états et lui donne sa grandeur et son éclat. » Le Foreign Quarterly Review, quant à lui, relève en 1834 la grande qualité artistique des fascicules : « The plates are beautiful, some of them richly colored, and exhibit the true portraitures of the most distinguished individuals of each family, their coats of arms, the monuments raised to them, the medals cast in their name, etc. As a work of art, it does high credit to Italy, and it may vie with any work of the kind yet produced in any country ».
Pompeo Litta, Colonna di Roma, 1836
http://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/ark:/12148/btv1b8452252g/f17
Cette double tension vers l’art et vers l’histoire est au cœur du projet de Pompeo Litta, qu’il décrit selon ces termes : « Mes études ont pour ambition de mettre en avant l’histoire nationale, et d’apporter une œuvre qui me semble manquer à l’Italie, pour ainsi dire de dresser dans une niche, vide encore, cette statue qu'aucun italien n’avait érigé jusque là. » Il ajoute : « En outre, animé par mon amour pour les Beaux-arts, et tout aussi désireux de préserver le souvenir de nos affaires, je me suis efforcé de réunir ici même les monuments les plus distingués de la famille, tenant à part l'amertume des événements passés, […] tant nombre d'entre eux ont été démantelés et dispersés. » Démarche personnelle, se réclamant d’une objectivité historienne autant qu’une sensibilité artistique, cette entreprise généalogique d’échelle nationale n’est de fait pas anodine, dans le contexte italien du XIXe siècle. Rassemblant les traces d’un passé illustre et l’offrant en histoire partagée, elle coincide avec la construction d’une identité nationale qui, dans l’Italie du XIXe siècle, culmine avec le Risorgimento, et l’unification de la péninsule italienne.
Pompeo Litta, Farnesi Duchi di Parma, 1860
http://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/ark:/12148/btv1b84523589/f21
Numérisés dans leur intégralité, ces fascicules sont désormais accessibles sur Gallica, et à la disposition des généalogistes, historiens, chercheurs… et amateurs d’estampe.
Jude Talbot, département des Estampes et de la Photographie
Publié initialement le 15 mai 2012.
Ajouter un commentaire