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L’œuvre de Jean Veber (1864-1928)

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22 mai 2013

Le département des Estampes et de la photographie possède un œuvre important de Jean Veber, comprenant 120 lithographies (sur les 219 que compte le catalogue raisonné), quelques dessins préparatoires à des dessins de presse, et plusieurs planches extraites des journaux auxquels il a collaboré. L'ensemble a fait l'objet d'une campagne de numérisation dans le cadre du programme Europeana 14-18.

Jean Veber était peintre mais c’est surtout pour ses dessins de presse et ses lithographies qu’il est parvenu à la notoriété. Il a commencé à dessiner dans Gil Blas puis au Journal, deux publications pour lesquelles travaillait également son frère Pierre en tant que chroniqueur : les deux frères collaborèrent à plusieurs articles illustrés signés Les Veber’s ou Sharp’s Brothers. Jean Veber se fit connaître également par des dessins dans Le Rire, notamment toute une série sur les Souverains. Dans le numéro 212 du 26 novembre 1898, il illustre un texte de Pierre Veber, Le Voyage de Guillaume II en Palestine pour lequel nous possédons plusieurs dessins préparatoires récemment acquis.

Thaïs, projet d'illustration pour la partition de Jules Massenet, 1893. Jean Veber, lithographie en noir, or, bleu, rouge, brun

http://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/ark:/12148/btv1b85775538

 

Parallèlement, il pratique la lithographie et parvient rapidement à une parfaite maitrise de cette technique. Il crée ses premières lithographies en 1893, pour illustrer la partition de Thaïs de Massenet à la demande de l’éditeur Heugel : nous possédons plusieurs essais pour ces lithographies, la partition originale étant conservée à la Bibliothèque-musée de l'Opéra. En 1896, il illustre Mimes de Marcel Schwob et Une passade de son frère Pierre Veber.

Il accède à la célébrité grâce à ses lithographies en feuille dans lesquelles apparaissent ses thèmes personnels. Sa série sur les culs-de-jatte (1896) connait un grand succès et montre son goût pour la représentation de personnages estropiés figurés de manière burlesque, sous l’influence des Caprices de Goya. Il crée également des scènes inspirées de contes : Les maisons sont des visages (1899), Les sorcières (1900), Le diable dans la marmite (1894), le Géant (1905), le Monstre (1907), La Danse devant les nains (1910).

 

La Barbière, 1903. Jean Veber, lithographie en couleur
 

Avant-guerre, il s’illustre dans des scènes de genre, le plus souvent traitées de manière satirique, qui reprennent parfois des peintures, comme L'Arracheuse de dents (1904) Le Philosophe (vers 1907), La correction conjugale (1908). Plusieurs de ces planches ont été éditées par Edmond Sagot. Il aborde des thèmes politiques, notamment à partir de 1904, époque à laquelle il s’équipe d’une presse lithographique. Le Hochet de la République (1904) est la première de ses planches pamphlétaires. Il y dénonce la séparation de l’Église et de l’État figuré sous les traits d’une matrone coiffée du bonnet phrygien serrant dans ses mains un crucifix. Suivront deux lithographies figurant Jaurès. En 1909, paraissent deux représentations célèbres de Clemenceau : dans la première intitulée Le Dompteur, l’homme d’État, le fouet à la main, domine une bête énorme formée par la masse des députés. Dans la 2ème, Le Dompteur a été mangé, l’animal dévore Clemenceau.

 

Les gaz, 1918. Jean Veber, lithographie en noir
 

Aux armes (1914) est la première des lithographies de la série consacrée à la guerre. Une suite d’estampes de 1914 illustrent les exactions de l’armée prussienne décrites dans les journaux de l’époque : la Mort du Curé de Mayenvic, les Derniers moments d’une jeune fille fusillée en Belgique, L’Assassinat du petit héros au fusil de bois de Magny, le Viol d’une enfant par deux soldats pris de boisson… Jean Veber se révèle comme un grand dessinateur dramatique, concentrant chaque récit en quelques scènes. Il s’engage à cinquante ans et part pour la Lorraine : son expérience inspire plusieurs planches relatant des scènes de combat, traitées tantôt de manière réaliste (La Cagna, 1914), tantôt de façon allégorique (Sous la mitrailleuse boche, 1916). En septembre 1916, envoyé sur le front de la Somme à Bouchavesnes, il représente les combats dans une scène dramatique (Bouchavesnes, 1916). Il y fait également l’épreuve tragique des gaz qu’il relate dans l’une de ses planches (Les Gaz, 1918). Cette série se termine par deux lithographies : La Croix de guerre (1918), figurant un poilu supplicié sur la croix de guerre se dressant telle la croix du Christ, et l’autre, Guillaume II, montrant l’empereur prussien à genoux dans une mare de sang. Ces œuvres sont de rares témoignages artistiques des combats vus du côté français : Jean Veber y met tout son talent de lithographe pour relater le quotidien tragique du front.

Céline Chicha-Castex, département des Estampes et de la photographie

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