Le Blog
Gallica
La Bibliothèque numérique
de la BnF et de ses partenaires

Le tremblement de terre de Lisbonne de 1755

0
31 octobre 2024

Le 1er novembre 1755, un tremblement de terre détruit en grande partie la capitale portugaise. Si l’activité tellurique est incessante, et si Lisbonne n’est pas la seule victime de ce séisme, cette catastrophe naturelle fait l’objet d’un intérêt intellectuel et d’un écho international inédits.
 

Lisbone Abysmée (Le tremblement de terre de Lisbonne de 1755, au Portugal)

La physionomie générale de Lisbonne dans la première moitié du XVIIIsiècle est jusqu'ici celle d’une ville prospère, grâce au commerce transatlantique, mais qui compte de fortes disparités sociales.
 

En 1755, la capitale portugaise n’en est pas à son premier séisme, elle garde en mémoire les fortes secousses de 1309 et de 1351. Mais le tremblement de terre de 1755 est particulièrement meurtrier, même s’il est difficile de connaître précisément le nombre de victimes : les estimations actuelles oscillent entre 10 000 et 20 000 victimes, et non 100 000 comme évoqué dans un premier temps. Le séisme provoque un raz-de-marée qui submerge Lisbonne, qui est ensuite en proie à des incendies incontrôlables. Au Portugal, la région Baixa et le Sud de l’Algarve sont également très touchés ; au Maroc, Marrakech, Casablanca, où la plupart des maisons sont détruites, ainsi que Meknès ; en Espagne, Cadix et Grenade.
 

Les commerçants étrangers, notamment anglais et hambourgeois, nombreux à Lisbonne, relatent le drame dans leurs échanges épistolaires, ainsi que les correspondants des gazettes, notamment à Madrid : la nouvelle se répand ainsi rapidement aux quatre coins de l’Europe.
 
La reconstitution en images de l’évènement est parfois loin d’être fidèle, qui condense en une seule image des faits ayant eu lieu à différents moments : ainsi l’on met en scène de façon simultanée le soulèvement de la terre, le tsunami et les incendies, la fuite des habitants et la mise en place de campements de fortune.
D’autres images recourent à la technique comparative : l’on montre la ville avant et après le tremblement de terre :
 

 Lisabon, oder Ruinen dieser Mächtig und Prächtig gewesnen Sdatt, wie selbige den 1. november 1755.
an dem fest Aller Heilligen, durch eine Erschrökliche Erd-Erchütterung ausgesehen.
1756

Parce que ce tremblement de terre survient le jour de la Toussaint, il ébranle tout particulièrement les penseurs de l’époque, qui cherchent à connaître les causes du désastre : est-ce la fatalité, ou bien le châtiment de Dieu infligé à une humanité coupable ?
Certaines publications s’en tiennent à décrypter la mécanique à l’œuvre dans les tremblements de terre, telles le Mercure de France de mai 1756 qui parle des chaînes de probabilité qui ont conduits au tremblement de terre, ou les Mémoires historiques et physiques sur les tremblements de terre, d’Elie Bertrand, publiés en 1757. D’autres contemporains, tels le Jésuite italien Gabriel Malagrida, ou le fondateur britannique du méthodisme, John Wesley, voient en la conduite des Lisboètes, prétendument trop attachés aux biens terrestres, la cause du séisme meurtrier.
 
Voltaire, pour sa part, publie d’abord Poèmes sur la destruction de Lisbonne en 1756. A l’argument avancé par certains que Dieu punirait les Lisboètes pour leurs péchés, Voltaire rétorque que ni Paris, ni Londres, aux mœurs dissolues, n’ont été détruites.  Contre Leibniz, qui, dans son Théodicée rédigé en français, affirme que ce monde est le meilleur des mondes possibles, Voltaire adopte une position de doute et d’incompréhension des desseins divins, qui transparaît également dans Candide ou l’optimisme, publié en 1758, où Leibniz est caricaturé en la figure de Pangloss, le maître à penser de Candide.
 
Rousseau, pour sa part, dans sa Lettre sur la providence à Voltaire, du 18 août 1756 relativise le malheur des victimes du séisme en insistant sur l’immortalité de l’âme, et sur le fait que la justice divine ne peut se mesurer que dans l’au-delà.
 
Diderot poursuit cette polémique philosophique avec ironie dans Jacques le Fataliste, en la personne de Jean, frère de Jacques, qui meurt lors du désastre lisboète. A la question du maître de savoir ce que son frère allait faire à Lisbonne, Jacques lui répond, sans ambages, « chercher un tremblement de terre qui ne pouvait se faire sans [nous], être écrasés, engloutis, brûlés, comme il était écrit là-haut ».
A Lisbonne, la question cruciale est de savoir si l’on reconstruit ou non la ville au même endroit. La famille royale, qui résidait au palais de Belém au moment du drame, élit provisoirement domicile à Ajuda, dans des baraquements de bois. Si Saint-Pétersbourg est construite ex nihilo au début du XVIIIe siècle, décision est prise de reconstruire Lisbonne au même endroit, sous la direction de Sebastião José de Carvalho e  Melo, futur marquis de Pombal. Une opération qu’il décrira en détail dans ses mémoires.
La reconstruction de la ville s’est effectuée par étapes, avec des ruines toujours visibles au Couvent des Carmes (Convento do Carmo) et à Cascais un siècle plus tard. Elle n’aurait jamais pu se faire sans l’or apporté du Brésil,  comme l’a rappelé Roger Bastide. De nos jours, la capitale portugaise abrite un musée consacré à cette catastrophe.

Ajouter un commentaire

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et de courriels sont transformées en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.