Histoire du dopage dans le sport
Qu'est-ce que le dopage ?
L’origine du mot dopage est incertaine, peut-être du flamand « doope » qui veut dire mixture ou de l’anglais to dope (faire prendre un excitant) ou de l’anglo-américain (administrer un narcotique). Au sens pharmacologique, c’est l’administration d’un produit chimique destiné à améliorer les performances physiques et intellectuelles. Dans le sport, c’est consommer un produit stimulant avant un effort, une épreuve, une compétition, dans l’objectif de se surpasser.
De l'Antiquité au milieu du XIXe : utilisation des substances naturelles
Depuis 4 500 ans, dans les Andes, les feuilles de coca servent à tromper la faim et lutter contre la fatigue. Il y a plus de 5 000 ans, les guerriers chinois buvaient des décoctions à base de chanvre.
Selon l’athlète, Milon de Crotone (VIe s. av. J.-C.), au cours des Jeux antiques, les athlètes cherchaient à augmenter leur force physique par la consommation de quantités considérables de viande. Ce qui était interdit et sanctionné. Les sauteurs mangeaient de la viande de chèvre en raison des aptitudes de cet animal. Les lanceurs préféraient la viande de bœuf. L’objectif était d’acquérir les qualités de l’animal consommé.
A Rome, les gladiateurs consommaient des testicules de taureau censés leur donner de la force. Les chevaux buvaient de l’hydromel pour stimuler leurs capacités lors des courses de char.
En Angleterre, au XVIIe siècle, on raconte que les chevaux de courses recevaient un mélange de cognac et de whisky avant l’épreuve.
Du XIXème siècle à 1945 : les progrès de la science
En 1896, renassent les Jeux olympiques modernes. La compétition demande aux athlètes de se surpasser afin de réaliser des performances physiques, de réaliser des records. De la devise olympique conçue par le Père Didon en 1896 : « Citius, altius, fortius » (plus vite, plus haut, plus fort), Pierre de Coubertin en fait l’idéal des Jeux olympiques renaissant. C'est le fondateur du Comité international olympique en 1894.
Au XIXe siècle, l’industrialisation et la science vont permettre l’isolation des produits actifs et la production de substances chimiques comme l’opium, l’éther, le cannabis, la morphine, l’héroïne, la cortisone, la testostérone… Ces produits ont un effet euphorisant et réduisent la douleur. Mais c’est surtout après la Seconde Guerre mondiale que le dopage prend un essor considérable avec la réussite individuelle. Le sport devient un spectacle, source de profit aux dépens de valeurs ludiques et éducatives. C’est un changement de paradigme sociétal.
La Vie au grand air : revue illustrée de tous les sports, 1905-12-08
De la Seconde Guerre mondiale aux années 1990 : tout est permis
Les amphétamines sont inventées en 1914 par un chimiste allemand pour améliorer les performances des combattants. Elles sont utilisées aux Jeux de 1936. Elles sont mises au point dans les années 1930 pour améliorer les performances des combattants et sont utilisés pendant la Seconde Guerre mondiale par la Royal Air Force. Les Marines américains en prennent lors de la guerre du Viêt-Nam dans les années 1960.
Ce sont des substances de synthèse utilisées pour leurs propriétés psychostimulantes. Elles agissent comme excitant du système nerveux central. Les effets sont une diminution de la fatigue et de l’euphorie. A long terme, ils procurent une dépendance physique et neurologique entrainant de la toxicomanie. Ils peuvent être responsables de mort subite du sportif par collapsus cardio-vasculaire. Tom Simpson est, ainsi, décédé le 13 juillet 1967 sur le Tour de France lors de la montée du mont Ventoux. De même le cycliste danois Knud Enemark Jensen est mort à Rome en 1960 lors du 100 m contre-la-montre par équipes. Ils sont interdits en 1968.
Dans les années 1970, apparaissent les corticoïdes qui ont un effet anti fatigue, anti douleur, anti stress et facilite la récupération. La prise répétée de corticoïdes constitue un danger pour l’athlète. Le cortisol s’avère nocif pour les fibres musculaires, les problèmes gastriques et les défenses immunitaires. Ils figurent sur la liste des substances interdites par la législation sur le dopage en 1987.
Culturisme / Arwed Mathuszczik, 1983
Les stéroïdes anabolisants sont également largement utilisés à partir des années 1970. Ils sont dérivés de l’hormone mâle (testostérone et dihydrotestostérone). Ils accroissent la masse musculaire et l'endurance, ils procurent une diminution de la fatigue dans les périodes d’effort. Ils sont utilisés par les sportifs au cours de l’entrainement particulièrement les haltérophiles, les lanceurs de poids, les nageurs…. Ils sont beaucoup utilisés par les culturistes pour développer leurs muscles et leur poids comme les célèbres Arnold Schwarzenneger ou Steve Reeves.
Les dangers des stéroïdes sont l’élévation de la tension artérielle, des perturbations du métabolisme, des altérations hépatiques et un déséquilibre hormonal, notamment, la virilisation des femmes. Les nageuses de l’Allemagne de l’Est sont dopées à l’hormone mâle (androgènes) de manière systématique et obligatoire. C'est un dopage institutionnalisé. La sprinteuse américaine, Marion Jones, avoue avoir pris des stéroïdes et doit rendre 5 médailles gagnées aux JO de Sydney en 2000. L'autre sprinteuse américaine pour laquelle il existe des soupçons de dopage est, Florence Griffith-Joyner, multi-médaillées et détentrice de records du monde. Elle décède en 1998 à l'âge de 38 ans. De même, le canadien, Ben Johnson est disqualifié en 1988 aux JO de Séoul.
Le CIO a interdit les stéroïdes anabolisants en 1976 aux Jeux de Montréal. Mais, lors des compétitions, leur dépistage est difficile notamment par la consommation de produits masquants.
Natation et aviron / Salmson-Creak, 1924
Les diurétiques sont habituellement utilisés pour perdre du poids. Dans le sport, ils sont utilisés pour masquer le dopage. Ils provoquent de la déshydratation, la perte de minéraux et perturbent le taux de potassium, un excès peut conduire à une crise cardiaque.
Les bétabloquants (digitaline, trinitrine) sont les adjuvants à effet cardiovasculaire. Ils sont utilisés contre le stress ou pour réduire les tremblements. Ils provoquent des troubles du rythme cardiaque, d’impuissance et de dépression. Ils sont utilisés par les athlètes qui cherchent la concentration, comme le tir.
D'autres produits dopants existent, la liste est longue.
Professionnalisation du sport et essor de la biotechnologie
A partir des années 1990, le sport se professionnalise. Le dopage devient de plus en plus complexe et difficile à déceler. Parallèlement, des contrôles anti-dopages se durcissent.
En ce qui concerne les sports de compétition, l'arrêté du 8 décembre 1992 précise la liste des substances dopantes classées en catégories : les amphétamines, les antidouleurs, les corticoïdes, les stéroïdes, les narcotiques, les bétabloquants, les diurétiques, les anesthésiques.
Cet arrêté interdit également le dopage pour les animaux de compétition comme les chevaux.
Durant ces années, c'est surtout le dopage sanguin qui se développe dans le milieu sportif. L'érythropoïétine ou EPO mis au point à la fin des années 1980 est utilisé de manière massive en particulier chez les cyclistes par transfusion sanguine. Son utilisation à des fins de dopage n’est pas sans risque. L’accroissement du nombre de globules rouges associé à la déshydratation due à l’exercice physique intense prédispose l’athlète à des complications thromboemboliques. Ces sujets sont susceptibles de développer des troubles hépatiques et notamment un cancer du foie. Ce mode de dopage a été révélé par l'affaire Festina en 1998.
Les avancées de la biotechnologie profitent aussi à l'industrie du dopage.
La lutte contre le dopage
Contrôle antidopage / Wolinski
Dès 1954, l'Italie organise la lutte contre le dopage. En 1961, le premier laboratoire antidoping européen est créé à Florence. En 1963 le colloque d’Uriage en France, qui fait date, demande au Parlement européen de promulguer une loi anti-dopage. Il est fait la déclaration suivante :
Est considéré comme doping, l’utilisation de substances et tous moyens destinés à augmenter le rendement, en vue ou à l'occasion de la compétition et qui peut porter préjudice à l'éthique sportive et à l’intégrité physique et psychique
La loi anti-dopage (loi n°65-412) est votée le 1er juin 1965 tendant à la répression de l'usage des stimulants à l’occasion des compétitions sportives.
L'année suivante, il est mis en place un contrôle anti-dopage au cours de diverses compétitions. En 1967, le CIO créé une commission médicale. Elle est chargée des contrôles qui sont principalement des analyses d'urines et de sang qui donnent lieu à de nombreuses caricatures. Elle établit une première liste des produits dopants proscrits par la loi. Les premiers contrôles antidopage des Jeux Olympiques datent de 1968 au JO de Grenoble puis de Mexico. Aux JO de Montréal, en 1976, le CIO interdit les stéroïdes anabolisants. Mais, lors des compétitions, leur dépistage est difficile.
En 1986, le dopage sanguin est théoriquement interdit. C'est l'affaire Festina sur le Tour de France, en 1998, qui marque un tournant dans l'histoire de la lutte contre le dopage.
En novembre 1999, à Lausanne, est créée une Agence mondiale antidopage. Elle est chargée d’établir la liste des substances interdites. Elle est financée par le CIO et les pays européens. Les Etats-Unis ne la reconnaissent pas.
Au lendemain de l'affaire Festina qui a secoué le microcosme sportif avec la révélation que le dopage sévissait à grande échelle dans le cyclisme, le CIO décide de réunir tout le milieu sportif et les gouvernements pour mettre fin à ce mal qu'est le dopage. Cette conférence s'est déroulée à Lausanne en Suisse les 2 et 4 février 1999 et a fait l'objet d'un texte écrit dit Déclaration de Lausanne sur le dopage dans le sport. Cette déclaration a pris effet immédiatement et donné lieu à la création d'une agence internationale anti-dopage indépendante : Agence mondiale antidopage (AMA) opérationnelle dès les JO de Sydney en 2000.
En 2006, est créée l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) qui est une autorité publique indépendante agréée par le Ministère des sports. Ses missions sont la lutte contre le dopage, la prévention et la recherche. Elle travaille avec les fédérations sportives et coopère avec l'AMA.
La pratique du dopage est très ancienne. Le dopage est indissociable de l’histoire du sport. La pharmacopée moderne et la biotechnologie ont pris la relève des breuvages mystérieux d’autrefois. L’industrie pharmaceutique a toujours un temps d’avance sur les contrôles anti-dopages. Les enjeux financiers et la réussite personnelle sont parfois plus forts que les risques sur la santé des sportifs et l'éthique sportive.
Pour aller plus loin
Le doping / André Noret. Paris : PUF (QSJ), 1991
https://www.wada-ama.org/fr/liste-des-interdictions
L'Olympiade Culturelle est une programmation artistique et culturelle pluridisciplinaire qui se déploie de la fin de l’édition des Jeux précédents jusqu’à la fin des Jeux Paralympiques.
La série "Histoire du sport en 52 épisodes" de Gallica s'inscrit dans la programmation officielle de Paris 2024.
Commentaires
collectionneur avisé de revues sportives,statisticien, archivist
Publications sur le dopage assez bien réalisé dans l'ensemble remontant dans l'histoire des faits . Cordiales salutations
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