Le transit de Vénus : expéditions astronomiques françaises en 1769 (2)
C’est à partir de l’observation du passage de Vénus devant le soleil que les astronomes ont établi les premières mesures de la distance de la Terre au Soleil. En 1761 puis 1769 la France envoie plusieurs savants en différents points du globe pour observer le transit de Vénus, phénomène de portée astronomique majeure.
Les expéditions de 1769
En 1769, les savants français partent vers de lointains horizons pour préciser les résulats obtenus en 1761. Ces nouvelles expéditions peuvent être organisées grâce à une carte des lieux d’observations, établie dès 1760 par Joseph Jérôme Lefrançois de Lalande.
L’astronome explique aussi l’importance de l’observation de 1769 :
C’est donc au passage de 1769 qu’il est réservé de nous instruire, avec la dernière exactitude, de la distance du Soleil à la Terre, & , par une suite nécessaire, de l’éloignement de toutes les planètes entr’elles, &, par rapport à nous, de leurs grandeurs réelles & de leurs forces attractives ; ce sont là les plus belles questions de l’Astronomie & de la Physique céleste : le passage de Vénus est donc le phénomène le plus important que nous attendions actuellement.
Le Gentil de la Galaisière
En août 1766 Le Gentil s’installe à Manille aux Philippines où il pense que les observations seront meilleures qu’à Pondichéry. Cependant, suite à des difficultés avec le gouverneur des Philippines qui pourrait l’empêcher d’observer le transit, il décide de rejoindre Pondichéry où il arrive le 27 mars 1769.
La guerre entre la France et l’Angleterre s’est achevée en 1763 mais Pondichéry, depuis sa rétrocession, reste en grande partie en ruines car elle a été rasée par les anglais. Pourtant, grâce au gouverneur, un laboratoire est construit en deux mois.
Le Gentil est prêt pour le passage de Vénus prévu le 3 juin. Mais, alors que depuis plusieurs jours le ciel est clair et le temps calme, des bourrasques de vents bousculent ses instruments et des nuages viennent obstruer la vue du transit, l’empêchant une nouvelle fois d’accomplir ses travaux. Il doit retourner en France et relatera sa malchance en ces termes :
On doit néanmoins à Le Gentil la réussite d’avoir formé et instruit deux de ses amis restés à Manille et qui ont pu profiter d’un temps clément pour ramener des mesures de ce transit.
Jean Chappe D’Auteroche en Californie
Après son voyage en Russie, huit ans auparavant, Jean Chappe doit rejoindre un endroit désolé de la pointe sud de la Basse-Californie, le Cap de San Lucas, au Mexique. Chappe est accompagné de trois personnes : le mathématicien J. P. Pauly, le dessinateur Alexandre Jean Noël et l’horloger Dubois pour la conservation des instruments. Ils embarquent sur le Nouveau Mercure, au Havre, le 27 septembre 1768 et prennent la mer le lendemain, direction Cadix au sud de l’Espagne où ils arriveront le 17 octobre. De là, ils traversent l’Océan Atlantique à bord d’un navire de guerre espagnol et débarquent le 6 mars à Vera Cruz, sur la côte est du Mexique. Ils rejoignent Mexico le 26 mars. Puis c’est la côte ouest, à San Blas, au bord de la Mer Vermeille (Mer de Cortès), séparant le Mexique continental de la Péninsule de Basse Californie (cf carte ci-dessous). Arrivés à San Blas le 15 avril, ils doivent se rendre au Cap de San Lucas au sud de cette dernière. Quatre jours plus tard ils partent sur un paquebot mais subissent des vents très faibles qui rendent la traversée bien plus longue que prévue ; le temps passe et les vivres s’épuisent. Le 18 mai, soit deux semaines seulement avant l’observation prévue le 3 juin, la côte de la Basse Californie est bien visible mais le Cap est encore assez éloigné.
Carte du Mexique dressée au Dépôt de la Guerre / par Mr. Niox, Capitaine d'Etat-Major, 1873
Pour gagner un temps précieux et suite à une discussion controversée avec les espagnols, ils décident finalement d’aller à San Joseph (aujourd’hui San José del Cabo), avant le Cap. Après avoir jeté l’ancre le 19 mai, ils rejoignent la côte en barque en franchissant la dernière barrière de hautes vagues et installent le laboratoire. En dépit d’une maladie contagieuse et mortelle sévissant à San Joseph, Chappe préfère rester plutôt que d’aller à l’abri au Cap, de peur de manquer le jour proche des observations du transit. Le 3 juin, il mène à son terme ses travaux astronomiques. Mais la maladie l’emporte le 1er août. Ses précieux relevés sont sauvés par M. Pauly, ainsi que son journal qui servira plus tard à la rédaction de son voyage en Californie.
Les voyages des astronomes français en 1761 et 1769 permettent de participer aux premières mesures de la distance Terre Soleil. Le transit de Vénus au cours des siècles suivants permettra d’affiner des résultats pour lesquels ces savants ont bravé bien des obstacles, souvent au péril de leurs vies, car ils avaient conscience de l’importance de leurs travaux.
Commentaires
Transit de Venus
Merci pour ce retour dans le passé et cet article très intéressant.
Les carnets de voyages des astronomes nous donnent toujours une foule précieuse d'informations, je ne connaissais pas le parcours et l'histoire du transit de Venus.
Effectivement, le passage de Venus est un phénomène fantastique qui m'a toujours intriguée. Toutes ces observations du globe n'ont pas fini de nous inspirer 🌏
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