Les chants de la Commune
À l'occasion des commémorations des 150 ans de la Commune, nous vous proposons de (re)découvrir en chansons cette période de l’histoire de France par une sélection d’enregistrements conservés dans les collections de la Bibliothèque nationale de France.
Le 17 septembre 1870, Paris est encerclé, les troupes prussiennes sont aux portes de la capitale. Depuis juillet, la France est en guerre contre une coalition d'états allemands menée par les Prusses. Commence alors le siège de Paris, une des périodes les plus difficiles de l'histoire de ses habitants : toutes les denrées sont rationnées à l'extrême, on manque de tout, on meurt de faim et on meurt de froid, l'hiver étant d'une rigueur exceptionnelle. La classe populaire ouvrière, déjà plongée dans un état de misère extrême par l'arrêt économique de la capitale, est bien sûr la plus durement touchée.
Au désespoir et à la peur se joignent rapidement la colère et la révolte. La patrie est en danger, le gouvernement provisoire de la jeune République née de la défaite de Sedan s'avère incapable de contrer l'avancée de l'ennemi. Des patriotes se réunissent alors en clubs politiques révolutionnaires, refusant la défaite et la soumission : le souffle des révolutions de 1789 et 1848 et les idéaux d'une république réellement démocratique et populaire enflamment à nouveau les esprits. À plusieurs reprises, des manifestions importantes (octobre 1870 puis janvier 1871) réclamant une Commune font trembler les rues de Paris et le gouvernement en place, qui les répriment alors violemment.
La chanson Bonhomme, composée par le blanquiste Emile Dereux en 1870, est un hymne vibrant à l'esprit révolutionnaire de la France et un véritable appel au peuple à lutter et refuser un gouvernement tyrannique et injuste.
le bourgois railler ta misère
Il dit que ton sang dégénère
que ta race autrefois si fière
se courbe aujourd'hui sous la peur
Bonhomme, bonhomme, qu'as-tu fais de ton coeur ?
(...)
Bonhomme, n'entends-tu pas
ce refrain de chanson française
ce refrain, c'est la Marseillaise
celui qui fit quatre vingt treize
à ce chant là quitte l'outil
Bonhomme, bonhomme, va chercher ton fusil !
Et vive la Commune, bon dieu
et vive la Commune!
Un héritage musical : les chants des précédents mouvements révolutionnaires
Dès le commencement de la guerre, puis face aux désastres militaires et à l'annonce du gouvernement en place d’une capitulation imminente devant l’armée prussienne, des chants patriotiques et revendicatifs, promouvant la voix et le courage du peuple, seront déjà à l’honneur, puisés dans les répertoires créés lors des révolutions et contestations sociales précédentes des XVIIIe et XIXe siècles : Le chant du départ, chant révolutionnaire républicain (1794), Le chant des ouvriers (1846-48), Le chant des soldats de Pierre Dupont (1848), ou bien encore La Canaille, le chant des gueux (écrit par Alexis Bouvier en 1865).
► Le chant des ouvriers (paroles et musique de Pierre Dupont, 1846)
Hymne de la révolution de 1848
(Bibliothèque nationale de France - AP-4643)
► Le chant du départ (paroles de M.J. Chénier, musique d'E. Méhul, 1794)
(Bibliothèque nationale de France - Pathé saphir 3160)
Les premiers chants de La Commune
Demain, bourgeois, vous pourrez regoinfrer.
Bismarck attend au château de Ferrières
Que dans Paris, Thiers lui dise d’entrer.
Favre griffonne un dernier protocole,
Trochu renonce à son plan incompris…
C’est le vieux Badinguet qui a quitté Paris, Qui va crier partout que Paris sera pris ; Ce sont les Parisiens qui lui ont répondu « Va donc, mon vieux Badingue, Paris n’est pas perdu. »
Paris n'est pas perdu ! (Anonyme, 1870)
► L'Armistice (Alphonse Leclerc, 1870)
Histoire de France par les chansons
Le Chant du monde, 1961
(Bibliothèque nationale de France - E-19401)
Bismarck, nous n’en voulons pas.
Nous nous levons tous en masse
Pour répondre à l’insolent ;
Pas un ne fait la grimace,
Qu’il soit rouge, noir ou blanc ;
Fier de courir au combat
Pour l’honneur et la justice !
Le chant des insurgés
La Prise de Paris, Mai 1871, La Barricade de la place Blanche défendue par des femmes : [carte postale, 1871]
(Ville de Paris / Bibliothèque Marguerite Durand)
La foule chante la Marseillaise. Mais l’Empire l’a profanée ; nous, les révoltés, nous ne la disons plus.
Louise Michel
Louise Michel, comme Jules Vallès, ne souhaitera pas entendre l'hymne de La Marseillaise : « La foule chante la Marseillaise. Mais l’Empire l’a profanée ; nous, les révoltés, nous ne la disons plus » (Mémoires).
Trempez-y vos drapeaux
Beaux enfants de Montmartre
La victoire ou le tombeau
Oui, barbare je suis
Oui, j'aime le canon
Et mon coeur, je le jette
À la Révolution
Oui, mon coeur je le jette
À la Révolution
La danse des bombes - Louise Michel, 1871
On ne voit plus par les chemins,
Que des vieillards tristes en larmes,
Des veuves et des orphelins.
Paris suinte la misère,
Les heureux mêmes sont tremblants.
La mode est aux conseils de guerre,
Et les pavés sont tout sanglants.
Les flibustiers, les gens tarés,
Les parvenus par l'aventure,
Les complaisants, les décorés
Gens de Bourse et de coin de rues,
Amants de filles au rebut,
Grouillent comme un tas de verrues,
Sur les cadavres des vaincus.
Tous ceux qu’on ramasse au hasard.
La mère à côté de sa fille,
L'enfant dans les bras du vieillard.
Les châtiments du drapeau rouge
Sont remplacés par la terreur
De tous les chenapans de bouges,
Valets de rois et d'empereurs.
Ça branle dans le manche,
Les mauvais jours finiront.
Et gare ! à la revanche
Quand tous les pauvres s’y mettront.
Les personnalités marquantes de ce mouvement seront également au centre des créations des chansonniers de l’époque, comme le colonel Louis-Nathaniel Rossel ayant rejoint le mouvement des communards et exécuté en novembre 1871 (La complainte de Rossel, chant anonyme).
Les anti-communards, les "partisans de l'ordre", prendront également la plume et chanteront leur désaccord (Grande et véridique complainte des membres de la Commune de Paris, chanson satirique anonyme de 1871).
► Le temps des cerises (paroles de J.B. Clément, 1866 ; musique d'Antoine Renard, 1868)
Interprété par Yves Montand, Odéon, 1958
(Bibliothèque nationale de France - E-5437)
Les paroles de cette chanson peuvent évoquer aussi bien une révolution ayant échouée qu'un amour perdu. Elle ne fut pas chantée pendant la Commune mais Jean Baptiste Clément dédie en 1882 sa chanson à une ambulancière rencontrée lors de la Semaine sanglante, alors qu'il combattait. "À la vaillante citoyenne Louise, l'ambulancière de la rue de la Fontaine-au-Roi, le dimanche 28 mai 1871."
► L'internationale (paroles d'E. Pottier, 1871 ; musique de P. Degeyter, 1888
(Bibliothèque nationale de France - AP-4644)
Cet hymne au mouvement ouvrier sera écrit en 1871 par Pottier mais ne sera publiée que bien plus tard. Cet chant deviendra l'hymne national de l'URSS jusqu'en 1944. Il est l'un des chants politiques les plus traduits au monde.
Debout ! les forçats de la faim !
La raison tonne en son cratère,
C’est l’éruption de la fin.
Du passé faisons table rase,
foule esclave, debout ! debout !
Le monde va changer de base :
nous ne sommes rien, soyons tout !
La Commune dans l'édition discographique au XXe siècle
Les années 70, années de toutes les contestations et de toutes les utopies, trouvent un écho en la Commune et permettent aux voix des insurgés d'être entendues à nouveau.
Tant que je pourrai traîner mes galoches, je fredonnerai cette chanson-là, que j'aimais déjà quand j'étais gavroche, quand je traversais le temps du lilas.
Que d’autres que moi chantent pour des prunes. Moi je resterai fidèle à l’esprit qu’on a vu paraître avec la Commune, et qui souffle encore au cœur de Paris »
(Les Cerisiers - musique et interprétation : Jean Ferrat ; paroles : Guy Thomas - 1985)
Pour aller plus loin
Une discographie est consultable ici (BnF - "Commémorer la Commune de Paris")
Retrouvez également tous les évènements de la Commune et de nombreux documents des collections de la BnF et de ses partenaires sur le fil Twitter de Gallica.
Commentaires
Discographie de la Commune
Bonjour
Votre papier est très bien. J'y regrette pourtant une lacune. On aurait dû trouver le nom de Marc Ogeret dans les grandes voix du XXe siècle qui ont célébré la Commune.
Bien à vous.
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