Promenade au fil de la Seine
Au promeneur parisien du XXIe siècle, la surface de la Seine peut paraitre bien calme, quand autrefois, mille et une activités se déroulaient sur le fleuve, façonnant la physionomie des berges. Grâce à Gallica, remontez l’histoire de la Seine guidé par la gallicanaute Joh Peccadille.
Mais portons-nous un peu plus loin, à la hauteur du désormais mal nommé Pont Neuf…c’est en fait le plus ancien pont (encore debout !) de Paris, les autres ayant depuis longtemps été emportés ou simplement détruits. Le titre de "Pont Neuf" est resté, mais l’ouvrage a failli se dénommer "pont des pleurs" : en effet, le jour de la pose de la première pierre, Henri III, très affecté, ne pouvait retenir ses larmes en pensant à ses deux mignons morts lors d’un duel, quelques jours plus tôt.
Commencés en 1578, les travaux ne seront achevés qu’en 1607, sous Henri IV. Cet ouvrage rassemble alors de nombreuses nouveautés : même s’il s’appuie sur l’île, il est le seul à franchir dans son entièreté et d’une traite le lit de la Seine ; il est également le premier pont de la capitale dépourvu de maisons, ce qui fait qu’on peut y admirer le paysage. Enfin, comble du luxe, il est pourvu de trottoirs qui protègent les piétons des dangers de la circulation… en théorie, car en pratique, les trottoirs et demi-lunes furent vite envahis de marchands. Les embarras du Pont Neuf, sa foule et son agitation devinrent un motif récurrent de la littérature et de l’imagerie de Paris, comme en témoignent ces extraits du Tableau de Paris, publié par Sébastien Mercier en 1781 ou bien encore certaines estampes fort amusantes.
À l’extrémité du pont, un bruit de fond ne manquera pas d’intriguer le promeneur provincial, peu familier du spectacle de la capitale. Il émane d’une grosse construction qui borde l’ouvrage : c’est la pompe Samaritaine, qui puise l’eau de la Seine pour alimenter les fontaines des alentours. Eh oui, le parisien boit l’eau du fleuve, réputée pour sa qualité… puisqu’elle est aérée par les remous de l’eau et l’intense activité qui se déroule à sa surface !
La pompe Samaritaine, construite au cours de la première décennie du XVIIe siècle, est la première machine élévatrice d’eau dans Paris. Son nom lui vient de la statue qui l’ornait : Jésus et la Samaritaine auprès du puit. Fort utile au quotidien de Paris, cette pompe fut reconstruite en 1712 par Robert de Cotte et restaurée par Soufflot et Gabriel en 1771. De ces travaux du XVIIIe siècle, le Gallicanaute pourra consulter tous les plans et coupes. Ils sont si précis que vous pourrez même vous lancer dans la reproduction en maquette !
Si une telle construction, accrochée au pont, peut paraître à nos yeux contemporains bien curieuse, c’était une chose tout à fait familière aux Parisiens d’autrefois qui pouvaient franchir le fleuve sans même apercevoir son eau puisque les ponts étaient, depuis le Moyen-Age, couverts de maisons ! Ainsi le pont au Change doit-il son nom aux changeurs d’or et aux orfèvres qui y avaient élu domicile.
Un tel emplacement n’était pas sans risque : plusieurs incidents émaillent l’histoire des ponts de maisons parisiens : les colères du fleuve, crues, débâcles (quand les glaces se brisent et emportent tout sur leur passage) étaient une menace permanente pour les maisons, qui pouvaient s’écrouler sous la menace de l’eau. C’est ce qui arriva, pont Marie, en 1658, quand le fleuve arracha deux piles du pont et les maisons qu’elles supportaient, tuant dans la catastrophe 55 personnes. Ces maisons ne furent pas reconstruites, laissant une large trouée sur le fleuve depuis le pont restauré.
Penchons-nous donc sur le parapet pour admirer la vue et observer l’agitation des quais. Ne soyez pas surpris de ne pas les voir entièrement construits ! En bien des endroits, la berge présente sa pente douce aux bateaux. Voyez comme on s’y active : les bateaux accostent, les déchargeurs besognent. Eh oui, à l’époque, Paris est un gigantesque port ! Chaque port a son nom et sa spécialité : ici les pierres, là le vin, là-bas, le foin, plus loin encore le blé. Voyez les chevaux qui se baignent, à deux pas du port au blé, ou encore ces lavandières qui étendent de grands draps : la Seine a toutes ses utilités et il n’est pas rare qu’on y trouve des embouteillages !
Observons maintenant ensemble un morceau du plan Turgot, cette immense vue à vol d’oiseau, élevée par Louis Bretez à la demande de Michel Étienne Turgot, autour de 1734-1739. Reconnaissez-vous cette île, un peu en amont de l’île Saint-Louis ? Non, elle ne vous dit rien ? C’est normal : l’île Louviers a depuis longtemps disparu, rattachée à la rive pour former le quai (et le boulevard) Morland. Les drôles de formes que l’on y voit dessinées sont des chantiers de bois, nom que l’on donnait au lieu où l’on rangeait le bois destiné à la construction et au chauffage. L’île était, pour ce stockage, fort pratique, car l’on ne craignait pas la propagation dangereuse d’incendie.
Notre promenade imaginaire au bord du fleuve s’achève ici, mais mille documents vous attendent sur Gallica pour la prolonger en toute autonomie. N’hésitez pas à profiter des Sélections consacrées à Paris pour vous faciliter ce voyage !
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Joh Peccadille
Diplômée de l'Ecole du Louvre et de l'Ecole des Chartes, Joh Peccadille est une Gallicanaute spécialisée dans la valorisation du patrimoine par les technologies numériques.
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