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Le myrtillier commun

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23 septembre 2024

On raconte que pendant la Seconde guerre mondiale, les pilotes anglais consommaient des myrtilles dans le but d’améliorer leur acuité visuelle. Outre la protection oculaire qu’elle apporte par son fort pouvoir antioxydant, le myrtillier commun possède bien d’autres usages.

Dictionnaire des sciences naturelles, 1816-1845
BnF, Sciences et techniques, S-11359
 

Le myrtillier commun (Vaccinium myrtillus L.) appelé aussi airelle, airelle myrtille, maurette, brimbelle, raisin des bois, est une plante mellifère appartenant à la famille des Éricacées. Anciennement reconnue sous le nom de Vacciniée, elle constitue avec ses cousines la bruyère, le rhododendron, l’azalée, la gaulthérie couchée ou encore la busserole une petite famille des plantes à fleurs (ou angiosperme) dites évoluées. 

Jean-Jules Beauverie, Atlas colorié de la flore alpine : Jura, Pyrénées, Alpes françaises, Alpes suisses. 1906
BNF, département Sciences et techniques, 8-S-13078

Le nom de genre Vaccinium est une transcription latine du mot grec Υάκινθος qui désigne la jacinthe à fleur violette. Il a été galvaudé suite à diverses erreurs d’interprétation, puis pérennisé par Carl von Linné en 1753 pour définir les airelles. Le nom d’espèce provient du latin médiéval myrtillus, emprunté du grec murtos : myrte (par allusion à la ressemblance avec la plante). La flore européenne comprend 13 espèces d’airelles regroupées sous le terme de Vaccinium parmi lesquelles figure le myrtillier.

 

Sous-arbrisseau vivace à feuilles caduques et à rameaux anguleux ailés, il peut mesurer de 20 à 60 cm. Les feuilles sont ovales-aiguës, alternes et finement dentées, les fleurs blanc-rosées sont disposées en grelots, solitaires ou regroupées par deux à l’aisselle des feuilles. Le fruit est une baie d’un noir bleuâtre, pruineuse et globuleuse. La floraison a lieu d’avril à juin, les fruits sont mûrs de juin à septembre et se ramassent traditionnellement à l’aide d’un peigne.

 


Paul Testart, Épinal, Nid de verdure, La Cueillette des Myrtilles, (carte postale). 1880-1945
Bibliothèque multimédia intercommunale d''Épinal, CP 2300 P/R
 

Vaccinium myrtillus est une plante mésophile (qui se développe sous des températures modérées) présente dans presque toute l'Europe et en Asie occidentale. Grâce à son réseau de tiges souterraines, elle peut constituer des populations importantes. Elle est très commune en montagne jusqu’à 2500 mètres d’altitude et apprécie les bois clairs au sous-sol siliceux, les tourbières en voie d'assèchement et les landes sur sols acides.
C’est à l’Antiquité que les premiers écrits sur le myrtillier commun apparaissent. Dans Recherches sur les plantes (Historia plantarum) rédigé entre 320 et 310 av. J.-C., Théophraste évoque les plantes du mont Ida. Il y fait allusion à l’Ampelos idaea (μπελος περ τυ δηv = Vigne qui pousse aux alentours du mont Ida, Airelle à fruits noirs), soit une sorte d’arbuste aux baies noires dont les caractéristiques morphologiques se rapprochent davantage du myrtillier que de la vigne.

« La vigne » pousse dans la partie de l’Ida qu’on appelle les monts Chauves. Elle doit son aspect buissonnant à de petites tiges courtes. Ses rameaux atteignent environ vingt travers de doigt ; sur le côté s’y attachent des grains de raisin noirs, de la taille d’une fève et de saveur douce, qui renferment une sorte de pépin tendre. La feuille est arrondie, entière et petite. » (Théophraste, Recherches sur les plantes. 2, Livre III-17, 6. 1989)


Henri-Louis Duhamel Du Monceau
Traité des arbres et arbustes qui se cultivent en France en pleine terre. Tome 2, 1755, p. 366
BnF, département Réserve des livres rares, 4-S-1685 (2)
 

Selon la théorie d’Hildegarde de Bingen, le fruit qu’elle nomme « De Waltberis » contient « beaucoup de froid et ferait plus de mal que de bien ». Il faut attendre les commentaires de Mattioli sur le De materia medica de Dioscoride pour voir apparaître la description botanique du Myrtillus correspondant à l’espèce décrite par Théophraste. Il y fait référence à l’astringence de la plante alors utilisée pour tanner les cuirs dont elle resserre, épaissit et améliore l’aspect des peaux. Outre ses qualités gustatives, c’est l’aspect dessicatif de la feuille sèche mais aussi du jus qu’il préconise pour restreindre les flux du corps et l’excès d’humidité (en interne comme en externe).


Pierandrea Mattioli
Commentaires de M. Pierre André Matthiole,... sur les six livres de Ped. Dioscoride...,1579, p. 161
BnF, département Arsenal, FOL-S-539
 

Dans ses usages à visée médicinale, sont utilisés la feuille sèche et le fruit sec ou frais. L’abbé Kneipp préconise les fruits séchés contre la diarrhée : « Souffrez-vous d'une petite diarrhée, prenez de temps à autre quelques myrtilles crues, mais desséchées ; mâchez et avalez-les. » Désinfectante des intestins, elle s’avère utile contre les entérites aigues, le muguet de la bouche et la stomatite aphteuse. La feuille est également régénératrice des épidermes et des épithéliums avec des qualités antiprurigineuses contre l’eczéma et permet la résolution des petites plaies.
Quant à la baie fraîche, elle est réputée pour sa forte teneur en vitamines A et C. Ses anthocyanosides (substances responsables de la colorations des végétaux) sont principalement recommandés pour améliorer la microcirculation dans les troubles capillaires et veineux mais aussi vantés pour développer l’acuité visuelle (notamment la vision crépusculaire). Ainsi, les baies auraient été utilisées par la Royal Air Force pendant la Seconde guerre mondiale et continuent aujourd’hui à être consommées par certains les pilotes.

Paul Hariot, Atlas colorié des plantes médicinales indigènes, 1900, p. 94
BnF, département Sciences et techniques, 8-TE142-216
 

Connues pour leur fort pouvoir colorant, « les baies de myrtilles desséchées servent aussi à colorer le vin  ». Le fruit charnu et délicieux est utilisé pour faire des confitures, des tartes ainsi qu’une eau-de-vie estimée connue sous le nom d'Eau de Myrtille dans les Vosges. En Norvège, une sorte de vin de fruit à base de groseilles et de myrtilles se vend sous le nom de « vin véritable ».
 
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