Petit Papa Noël, quand tu descendras du ciel… (épisode 1)
A l’approche des fêtes, Gallica vous emmène sur les traces du Père Noël dans la littérature et la presse pour la jeunesse. Découvrons d’abord la longue histoire des cadeaux offerts aux enfants à l’occasion des fêtes de fin d’année.
« En ce moment tout est aux étrennes et pour les étrennes. C’est partout un tel encombrement de jouets sur les boulevards, dans les rues, dans les maisons, que Paris est devenu vraiment inhabitable pour tout le monde, si ce n’est pour les marmots et pour les marchands ».
Edouard Fournier, Histoire des jouets et des jeux d’enfants.
Ce texte qui nous paraît tout à fait d’actualité date en réalité de… 1889.
Des rituels de dons de jouets aux enfants existent dans l’Antiquité dès le Ve siècle avant J.C, notamment lors de fêtes célébrant l’enfance de Zeus ou de Dionysos. Dans le monde romain, l’usage est de fêter la nouvelle année en s’offrant mutuellement des cadeaux, en l’honneur de la déesse Strenia, ce qui a donné le mot étrennes. En outre, les enfants reçoivent des figurines et des noix au moment des Saturnales, la période qui encadre le solstice d’hiver.
La célébration de la naissance du Christ le 25 décembre se met en place au IVe siècle : la thématique chrétienne de la lumière s’installe sur d’anciens cultes païens. L’évangile selon Saint Matthieu complète le récit de la naissance de Jésus en évoquant les Mages et leurs présents symboliques (l’or, l’encens, la myrrhe) : cet épisode semble avoir fonctionné comme la matrice des futurs cadeaux à tous les enfants. Dès lors, l’image de la Nativité, de l’Adoration et de la Sainte famille prennent une importance croissante dans la culture occidentale médiévale.
Dès le Moyen Âge et pendant toute l’époque moderne, les enfants et les jeunes gens obtiennent fruits secs, pommes et gâteaux, en procédant à des tournées et à des quêtes de maison en maison. L’une des chansons accompagnant ces quêtes, un rondeau d’Adam de la Halle du XIIIe siècle, contiendrait la première mention de « Messire Noël » (No sires noeus). Ces rituels sociaux qui concernent tout un village ou un quartier seraient liés à la mort, elles commencent à la veille de la Toussaint : pour Claude Lévi-Strauss, les enfants servent d’intermédiaires entre les morts et les vivants, recevant des cadeaux destinés à empêcher les premiers de revenir troubler les seconds. Noël constitue le point d’aboutissement de ces efforts, le « triomphe de la vie ».
Sous l’Ancien régime, le don de jouets s’installe solidement au Nouvel An. A partir du XVIIe siècle, les jouets du commerce sont vendus en un marché de fin d’année, dans des baraques et des étals qui permettent aux parents d’acheter les étrennes qu’ils vont offrir à leurs enfants. E.J.F. Barbier, dans son Journal historique et anecdotique du règne de Louis XV, décrit en 1747 le dernier jouet à la mode, le pantin : « toutes les boutiques en sont remplies pour les étrennes ». La littérature pour la jeunesse du siècle des Lumières confirme cet usage des dons de jouets. Dans l’épisode de « La petite fille grognon », issu de l’Ami des enfants d’Arnaud Berquin (juin 1782), la petite Rosalie est appelée chez sa mère la veille du jour des étrennes : « Quelle fut sa surprise de voir la chambre éclairée de vingt bougies, et la table couverte des joujoux les plus brillants ». Les jouets du jour de l’an sont l’occasion d’une leçon de morale qui situe le don de jouets dans un système de récompense/punition.
À l’époque moderne apparaissent également des donateurs surnaturels de cadeaux aux enfants qui préparent la voie au Père Noël du XIXe siècle, notamment Saint Nicolas et l’Enfant Jésus. Saint Nicolas, évêque de Myre en Turquie aux IIIe-IVe siècles, est connu pour de nombreux miracles, le plus célèbre étant la résurrection de trois écoliers dépecés par un boucher. A partir du XVIe siècle, il est réputé apporter des cadeaux, déposés de maison en maison dans les chaussures placées à cet effet. Le double maléfique du saint, son accompagnateur chargé de punir et de distribuer des verges au lieu des cadeaux (qui deviendra le Père Fouettard), apparaît un peu plus tard. Des tableaux de Jan Steen montrent cet usage du don de jouets pour la Saint Nicolas dans la Hollande du XVIIe siècle, ce qui constitue notre première imagerie de Noël : la famille réunie, la cheminée avec le soulier, la distribution de cadeaux. Dans certaines zones protestantes, Saint Nicolas a été éliminé par la Réforme protestante au profit de l’Enfant Jésus (Christkind), d’où un déplacement de la date des cadeaux à Noël en l’honneur de l’Enfant Jésus, devenu lui-même donateur.
Pendant tout le XIXe siècle en Europe, une multitude de donateurs surnaturels se juxtaposent et cohabitent avec Saint Nicolas (qui donne son nom à une revue) et l’Enfant Jésus, en fonction des régions et des cultures religieuses. La figure de l’Enfant Jésus donateur se maintient jusqu’au début du XXe siècle dans les livres pour enfants (Le sabot de Noël, 1889), la presse (Belles images, 29 décembre 1910), sur les affiches d’étrennes (A la ménagère, 1910), jusqu’aux Mémoires d’une jeune fille rangée, dans lesquelles Simone de Beauvoir se souvient d’avoir trouvé « incongru que le tout-puissant petit Jésus s’amusât à descendre dans les cheminées comme un vulgaire ramoneur ». Des anges peuvent à l’occasion le remplacer ou le seconder, par exemple dans la version française de Pierre l’ébouriffé. Des personnifications féminines, à la fois bénéfiques et maléfiques, existent également : Sainte Lucie dans les pays scandinaves, Tante Arie dans l’Est de la France, la Befana en Italie qui apporte des cadeaux pour l’Epiphanie, ou autres fées de Noël. Les rois mages en Espagne ou la figure de Polichinelle ou d’Arlequin sur les affiches d’étrennes figurent également parmi les donateurs.
Dans le prochain épisode, nous verrons comment le Père Noël va progressivement prendre le pas sur les autres figures.
Commentaires
Bravo
Merci, article dense, riche, informé. Merci vraiment et bon Noël à tous.
Un cadeau, cet article !
Un cadeau, cet article ! Merci pour l'étrenne.
Un Noël historique et féérique!
L’histoire est un grand conte de Noël... Merci pour ce voyage extraordinaires!
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