Quand la planète Mars avait des canaux
A l’occasion du 100e anniversaire du décès de Sir Percival Lowell (1855-1916), revenons sur la grande aventure des canaux martiens.
Carte de Mars par Percival Lowell. « Mars », 1895
En 1877, l'astronome Giovanni Schiaparelli, directeur de l'observatoire de Milan, observa la présence de très grandes traces rectilignes sur la surface de la planète Mars, qu’il appela canali, traduit par « canaux » en français. Schiaparelli publia en 1888 sa grande carte des canaux.
Carte d’ensemble de la planète Mars. La Planète Mars et ses conditions d'habitabilité / Camille Flammarion, 1892-1909
Ces canaux martiens furent par la suite aperçus par d’autres observateurs. Si leur découverte constitua une petite révolution, elle ne fit cependant pas l'unanimité, et certains astronomes contestèrent les travaux de Schiaparelli. Au contraire, ces théories eurent beaucoup d'influence sur d’autres astronomes, comme Camille Flammarion, qui réalisa un globe de Mars, publia plusieurs livres et de nombreux articles à ce sujet, relayant largement l’hypothèse des canaux et de la vie sur Mars, et bien sûr, comme Percival Lowell.
Millionnaire passionné par la planète Mars, Percival Lowell fonda son propre observatoire en 1894 à Flagstaff (Arizona), sur la montagne qu’il nomma « Mars Hill ». Il fut le principal promoteur de l’hypothèse des canaux d’irrigation. Il était persuadé que Mars abritait une civilisation avancée luttant contre une importante sécheresse. Il réalisa des dessins et des cartes montrant les canaux et publia ses travaux sur Mars dans trois ouvrages : Mars (1895), Mars and Its Canals (1906) et Mars As the Abode of Life (1908).
La théorie de Lowell devint très populaire et inspira la littérature et la presse. En 1898, c’est la parution de La Guerre des mondes, un des chefs d'œuvres de Herbert George Wells (1866 - 1946). Dans ce roman fortement inspiré des travaux de Lowell, les Martiens abandonnent leur planète mourante pour partir à la conquête de la Terre.
A partir de 1905, des photographies de Mars furent prises depuis l'observatoire Lowell, mais les clichés étaient décevants : leur apparence est floue et diffuse, et ces traits ne ressemblent pas aux lignes noires, nettes et géométriques, des cartes dressées à partir d'observations visuelles.
Photographies de Mars prises à l’observatoire de Flagstaff en 1907
Cependant, aucune des photographies obtenues ne réglera définitivement la controverse des canaux. En 1906, l’abbé Moreux, de l’observatoire de Bourges, publia ses arguments contre l’idée d’une planète Mars recelant la vie. En 1909, à l'aide de la lunette de 81 cm de l'observatoire de Meudon, Eugène Antoniadi découvrit la nature illusoire des canaux.
Carte générale de la planète Mars d’après les observations faites en 1909… par M. E.-M. Antoniadi. La Nature, 1910
Les Canaux de Mars continueront encore longtemps à déchaîner les passions et inspirer l’imaginaire.
« Puis ce furent les fameux canaux de Mars… » Les Belles images, 1915
N'ayant pas eu un très grand succès auprès des astronomes avec ses canaux martiens, Percival Lowell entreprendra parallèlement de rechercher une neuvième planète, au-delà de Neptune, mais il mourra avant de l’avoir trouvée ; il faudra attendre 1930 pour que son successeur, Clyde W. Tombaugh, découvre Pluton.
L’existence des canaux de Mars sera définitivement démentie par les photos de la sonde Mariner 4 en 1965.
Illustration de Mars par Eugène Antionadi (1926).
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