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Quelques « vedettes » des salons caricaturaux : Edouard Manet (1832-1883)

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Apparition scandaleuse de la peinture moderne, Manet souhaite cependant être reconnu par l’institution et exposer au Salon. Ses toiles, les réactions qu’elles suscitent, son bras de fer avec le jury sont très présents dans les salons caricaturaux, ces comptes rendus humoristiques. Allons donc rire au Salon…

« Edouard Manet ou le triomphe de l’absence. » L’Eclipse, 1876, 14 mai

(Tous les tableaux de Manet furent refusés par le jury en 1876.)

 

" Je n’ai pas plus de reconnaissance pour les critiques qui me louent, que de colère pour ceux qui m’éreintent. En me louant et en m’éreintant ils me font de la réclame et s’en font à eux-mêmes. C’est leur métier. Je fais le mien. " E. Manet

 

Ce n’est que tardivement, à près de trente ans et après un refus du jury en 1859, que Manet expose pour la première fois au Salon en 1861. Il y présente Le chanteur espagnol, salué par Théophile Gautier et qui reçoit une mention honorable et M et Mme Auguste Manet.
 

 

Refusé au Salon de 1863, Manet expose néanmoins ses trois envois au Salon des Refusés organisé sur décision de l’empereur : Mlle V. en costume d’Espada, Jeune homme en costume de majo et Le déjeuner sur l’herbe. On reconnaît ce dernier dans La Vie parisienne et dans le compte rendu caricatural de Randon de l’exposition du Pavillon Manet de 1867. Randon en souligne le caractère scandaleux :

 

En 1864, « Don Manet y Courbertos, y Doréos, y Ribera, y Zurbaran de Las Batignolas » expose à nouveau une toile d’inspiration espagnole Episode d’une course de taureaux. Ici, les caricatures de Bertall et Cham nous permettent d’avoir une vision totale de la toile que l’artiste choisit de découper par la suite en deux morceaux (L’homme mort ou Le torero mort, La Corrida ) selon une pratique qu’il adopta à plusieurs reprises. Les légendes soulignent l’inspiration de Manet et la tonalité de sa palette.

 

En 1865, Manet crée le scandale en présentant au Salon la prostituée Olympia, à qui l’on conseille de « prendre un bain impérieusement réclamé ». Les caricaturistes font aussi allusion au bouquet de fleurs de la chanson Le Baptême du petit ébéniste, à la mère Michel et à son chat : le fameux chat noir de ce tableau sera désormais le symbole figurant le peintre sous le crayon des dessinateurs…

 

 

Refusé en 1866, exclu de l’Exposition universelle de 1867, Manet expose en 1867 cinquante toiles (dont Le déjeuner sur l’herbe, Olympia, Le fifre) dans un pavillon qu'il fait construire à l'angle de l'avenue Montaigne et de l'avenue de l'Alma à Paris (Exposition de l’Alma), comme Gustave Courbet l’avait fait en 1855 et le fera aussi en 1867. Il entend ainsi s’adresser directement au public. Cette exposition a fait l’objet d’un compte rendu caricatural de plusieurs pages par Randon dans le Journal amusant, l’on y retrouve ainsi des dessins d’œuvres qui n’ont pas été exposées au Salon :

 

Si Manet est absent au Salon de 1867, le portrait exposé par son ami Henri Fantin-Latour impose une présence du peintre… Bertall le représente hostile aux peintres académiques habitués du Salon, tels Gérome et Cabanel.

 

Manet est de retour au Salon en 1868 avec Une jeune dame en 1866 (ou La femme au perroquet), souvent caricaturée. Gill fait allusion à La femme au perroquet de Courbet.

 

 

Mise en exergue d’un détail, jeux de mots, effets plastiques, les dessinateurs font appel à divers procédés pour faire naître le comique à propos du Portrait d’Emile Zola exposé la même année.

 

Le balcon, exposé en 1869, où figure Berthe Morisot, est aussi particulièrement souvent croqué. Bertall, ayant recours à l’univers enfantin, transforme les personnages en poupées mais reconnait cependant à Manet des « progrès réels » !

 

 

Manet expose aussi cette année-là Le déjeuner qui met en scène son fils :

 

En 1870, Manet expose Eva Gonzalez et La leçon de musique. Son dessin est attaqué, tout comme le physique de ses personnages et sa palette de « charbonnier » de blanc et de noir…

Cette même année Fantin-Latour expose Un atelier aux Batignolles, représentant un cercle d’artistes de la nouvelle peinture autour de Manet. Bertall file la métaphore religieuse de Jésus et de ses disciples : « Allez et peignez et vous éclairerez le monde… »

 

 

Le combat du Kearsarge et de l’Alabama, combat naval de la Guerre de Sécession américaine qui se déroula au large de Cherbourg, est présenté au salon de 1872. La composition et le cadrage sont soulignés par les caricaturistes. Reparait aussi le chat noir d’Olympia

 

Admis au salon de 1873, alors que le jury fut particulièrement sévère, Manet y expose Le bon bock

 

…et Le repos, portrait de Berthe Morisot, dame ayant « ramoné elle-même sa cheminée », qui recueille ainsi à nouveau les reproches de noirceur et de « saleté » :

 

En 1874 Manet refuse de participer à la première exposition impressionniste, fidèle à son souhait d’exposer au Salon et de faire évoluer les conditions d’accès à celui-ci. Il s’y emploiera par diverses actions et pétitions. Seul Le chemin de fer est admis cette année-là. Stop et Cham retiennent de celui-ci sa composition et la grille qui semble enfermer les personnages.

 

L’année suivante, en 1875 Manet expose Argenteuil. Le trait enlevé, Cham s’inquiète des « indispositions de peinture » de Manet… Hadol et Stop retiennent l’intensité du bleu de la Seine, « fabrique d’indigo », « mur bleu ».

 

 

A nouveau refusé en 1876, Manet n’expose pas. En 1877, Nana est refusée, il expose uniquement Portrait de Faure dans le rôle d’Hamlet, croqué par Cham, et par Stop . En 1879, le peintre présente En bateau et Dans la serre (Jardin d’hiver). Stop dans ses deux dessins accentue les compositions novatrices de Manet, les cadrages serrés qui n’hésitent pas à couper les motifs :

En 1880, le Portrait d’Antonin Proust est croqué par Stop et Chez le Père Lathuille par Stop et Nidrac.

 

Le Portrait de M. Pertuiset, le chasseur de lions figure au Salon de 1881, ainsi que le Portrait de M. Henri Rochefort qui reçoit une médaille d’honneur de 2e classe. La légende de la caricature de ce dernier nous donne des informations sur la disposition de l’accrochage dans la salle du Salon.

 

 

En 1882 enfin, Manet expose Un bar aux Folies-Bergère, que l’on retrouve sous le crayon d’Henri de Sta dans son Comic-Salon :

 

En compagnie de Manet, se termine cette série de billets du blog Gallica.
Notre visite humoristique du Salon de peinture et de sculpture nous a permis de rire dans ses salles d’exposition, par le talent et la malice des artistes auteurs et dessinateurs des salons caricaturaux…
 

 

Fin

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