Manuscrits musicaux de Claude Debussy

Cette rubrique rassemble les manuscrits musicaux de Debussy présents dans Gallica, classés par genre.

Une fois ses grandes œuvres orchestrales et lyriques achevées, Claude Debussy investit le piano pour créer des pages majeures du répertoire pianistique français. Évolutions profondes de l’harmonie, de la tonalité et des rythmes, recherches sur les sonorités : autant d’audaces qui furent poussées de plus en plus loin jusqu’à ses derniers opus de l’année 1915 (En blanc et noir, Douze études). En outre sa musique pour piano, sans constituer une musique à programme, saisit par son pouvoir d’évocation. Parfois qualifiée d’impressionniste, elle témoigne des liens étroits entre Debussy et l’art pictural.

Claude Debussy s’est intéressé très tôt à la mélodie, genre musical particulièrement prisé des salons de la fin du XIXe siècle. Cette prédilection pour la voix, couplée à un sens poétique exceptionnel, persistera tout au long de sa vie, contribuant à  enrichir le répertoire pianistique. Le riche corpus de manuscrits autographes conservé dans les collections de la BnF témoigne de la proximité du compositeur avec les poètes contemporains et d’une réflexion poussée sur la poétique même. Il rend également compte des évolutions majeures qui conduisent le compositeur d’un style romantique encore conventionnel à un langage musical innovant, qui s’ajuste aux innovations stylistiques d’un Pierre Louÿs ou d’un Mallarmé, ouvrant ainsi la voie vers un mélodisme du futur.

Peu importante en nombre mais d’une rare qualité, la musique de chambre occupe une place singulière dans la production de Claude Debussy. La plupart des manuscrits de ses œuvres de chambre qui ont été conservés se trouvent aujourd'hui à la Bibliothèque nationale de France, et sont progressivement mis en ligne dans Gallica.

C’est par l’orchestre que Debussy a posé quelques-uns des premiers jalons de l’évolution de la musique vers la modernité. C’est par l’orchestre aussi que sa musique s’est durablement ancrée dans l’esprit du public et des musiciens. Les manuscrits de ses œuvres pour orchestre visibles en ligne, au nombre d’une douzaine, comprennent à la fois les chefs-d’œuvre les plus incontournables et quelques pièces plus rares – à découvrir ici dans leur état le plus authentique.

Claude Debussy eut de nombreux projets pour la scène, parfois commencés, parfois à peine esquissés (Rodrigue et Chimène, Le Diable dans le beffroi et La Chute de la maison Usher, les Fêtes Galantes, Cendrelune avec Pierre Louÿs, par exemple), mais peu d’œuvres abouties. Pour être réduite en nombre, sa musique de scène n’en reste pas moins incontournable et influença durablement la musique du XXe siècle, en particulier son unique opéra Pelléas et Mélisande et ses ballets Le Mystère de Saint Sébastien et  Jeux. La BnF conserve des manuscrits autographes de ces œuvres ainsi que de son dernier ballet, La Boîte à joujoux.

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La BnF peut s’enorgueillir de conserver une très belle collection de manuscrits de Claude Debussy, la plus riche au monde. Le noyau de la collection est constitué d’un ensemble important de cinquante manuscrits destinés à la gravure, généreusement offerts en 1923 à la Bibliothèque du Conservatoire par l’éditeur Jacques Durand (1865-1928), Les autres manuscrits ont été acquis en salle des ventes ou auprès de collectionneurs privés. On trouve là des copies au net, des brouillons ou manuscrits de travail, ainsi que quelques carnets d’esquisses précieux pour retracer la genèse de l’œuvre.

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La maison de la Place de la Madeleine devient l’éditeur exclusif de Debussy à partir de 1905. Condisciple de Debussy au Conservatoire, Jacques Durand restera proche du compositeur jusqu’à ses derniers instants. La graphie élégante des partitions, le soin apporté à la mise en page, reflètent un souci esthétique assumé, qui s’affirme dès 1902 avec le manuscrit de Pelléas et témoigne de la proximité du compositeur avec les milieux artistiques de son temps.

Mis au net pour la gravure, dont ils portent les marques, la plupart des manuscrits sont calligraphiés par le compositeur au recto des feuillets, le verso restant blanc, et portent souvent des titres rehaussés de couleur. On y retrouve cette élégance et ce souci esthétique, qui est la marque du compositeur et qui transparaît dans les illustrations de couverture de certaines éditions. À ce titre, le manuscrit du Quatuor à cordes, expédié, plié sous pli postal à Eugène Ysaÿe, occupe une place à part : c’est en effet l’un des rares manuscrits « de travail » du compositeur, laissant deviner quelques ultimes repentirs sous les grattages.

De nombreux manuscrits sont également issus de collections privées (ainsi des collections de Tinan, André Meyer, Prunières). Ils proviennent soit d’amis proches dédicataires des œuvres (Alice Peter, belle-sœur de René Peter, Robert Godet, etc.). La dédicace à l’épouse de Lucien Fontaine, ami fidèle de Debussy, portée sur un manuscrit du « Tombeau des Naïades », troisième des Chansons de Bilitis, est à ce titre significative :

Ce manuscrit à Madame Lucien Fontaine pour sa fête et pour l'assurer une fois de plus de ma particulière  sympathie, et de ma joie d'etre (sic) son tres (sic) fidèle Claude Debussy Mercin. 23. Aout 98.

Plusieurs partitions ou esquisses sont également offerts à Emma Bardac (1862-1834), qui épouse Debussy en 1908 et sera la mère de leur fille Chouchou.

Cette tendance du compositeur à honorer ainsi les femmes de sa vie apparaît dès les années 1883 avec ce carnet de « Croquis musicauw » comportant plusieurs esquisses de mélodies sur des textes de  Maurice Bouchor et Charles Cros, offert par le compositeur à sa première épouse, Rosalie Texier dite « Lily » (1872-1932). Le témoignage de Robert Godet, prétendant que Debussy « ne se mettait à écrire un ouvrage que lorsqu’il l’avait achevé dans sa tête, et sans aucun secours instrumental », s’il est certainement fondé, demande cependant à être nuancé. Des esquisses sont ainsi conservées pour certaines œuvres de grande envergure, comme Pelléas ou Ibéria, mais également pour certaines œuvres pour lesquelles le compositeur a eu moins de facilités, comme le fameux Final de la Sonate pour violon. Cinq carnets d’esquisses sont ainsi conservés dans les collections. Leur étude souvent complexe permet néanmoins de préciser dans certains cas la chronologie des œuvres. La présence dans le même carnet d’esquisses pour les Scènes au crépuscule  et du Quatuor à cordes a ainsi permis de préciser la période de composition de ce dernier , par recoupement avec des lettres au Prince André Poniatowski, alors mécène de Debussy.