Cartographier Paris : plans généraux de la capitale jusqu'à la fin du XVIIIe siècle

Retrouvez une sélection de plans majeurs de l'histoire de la cartographie parisienne du XVIe au XVIIIe siècle, accessibles dans Gallica. Elle est organisée en grands types de représentations icono-cartographiques, déterminés par les études de référence sur les plans de Paris.

La « ville circulaire » est le premier paradigme icono-cartographique identifié par l’historien Jean Boutier, dans son essai d’ensemble sur la cartographie de Paris, en introduction de l’ouvrage Les plans de Paris, des origines à la fin du XVIIIe siècle. L’espace urbain est représenté sous forme d’un cercle, scindé verticalement par la Seine séparant la Ville, à gauche, de l’Université, à droite. Les premiers plans du XVIe et du début du XVIIe siècle suivent ce schéma, tel le plan dit « de la tapisserie » (image ci-contre, dans une version dessinée au XVIIIe siècle à partir d'une copie de l’original perdu). 

Ce mode de représentation de Paris est en usage dès la première partie du XVIe siècle ; il perdure dans de nombreux plans publiés au cours des deux siècles suivants. Les techniques cartographiques évoluent, avec l'application de nouvelles méthodes de mesure et de levers topographiques, sans pour autant abolir le recours à l’image circulaire et à l’orientation propre à ce paradigme, notamment sur le plan de l’ingénieur du roi Jacques Gomboust, en 1646-1647 (image ci-contre) ou celui de Pierre Bullet, en 1676, et ses nombreuses rééditions par Jaillot au cours du XVIIIe siècle. 

Pivoté de 45 degrés par rapport au type circulaire, avec le Sud-Est en haut, et la Seine coulant en diagonale, ce deuxième paradigme de « mise en carte » de la capitale met en avant la monumentalité urbaine et les dispositifs défensifs de la ville, pacifiée par Henri IV. Il trouve ses origines dans deux plans de grands formats publiés en 1609, respectivement par François Quesnel, peintre, et Benedict Vassalieu dit Nicolay, ingénieur militaire. Sans supplanter la représentation circulaire, ce choix iconographique est ensuite très employé dans la production de la seconde moitié du XVIIe siècle.  

Le cartographe Albert Jouvin de Rochefort (1640-1710) dresse un plan général de Paris vers 1672. Le caractère innovant de la représentation et le choix d’orientation de la ville fondent l’identification d’un troisième paradigme, celui de la « ville réorientée » : le Nord est en haut à gauche et la Seine désormais placée horizontalement. Même si des plans antérieurs utilisent cette disposition, celle-ci s’impose dans la production à partir des années 1690, en partie en raison des nombreuses rééditions du plan de Jouvin de Rochefort.

Durant une cinquantaine d’année, de 1690 à la décennie 1740, cette représentation de Paris devient ainsi la plus courante. Elle est déclinée par les cartographes français  tels Nicolas de Fer, Jean-Baptiste Nolin, Claude Roussel ou Charles Inselin, mais aussi par de nombreux éditeurs européens. Elle persiste jusqu dans les années 1780, alors que parallèlement s'impose peu à peu une dernière innovation dans la mise en carte de Paris, qui participe à une standardisation de la représentation de la capitale dans la production éditoriale ultérieure. 

La quatrième et dernière mutation dans la manière d’orienter la ville se retrouve dans le Plan de la Ville et Faubourgs de Paris, Dressé sur les Observations Astronomiques de l'Académie Royale des Sciences ; et sur les Opérations géom[étriques]. de Guillaume Delisle de la même Académie, dont une première version date de 1716 (image ci-contre). Le Nord, comme sur les cartes géographiques à plus petite échelle, est situé exactement en haut du plan. Le long titre de ce plan général en expose les principes : une nouvelle triangulation pour les mesures de l’espace représenté, et l’étendue de la ville disposée sur une division en carrés obtenus à partie des méridiens et des parallèles.

La nouvelle proposition iconographique du plan de Delisle participe à la fixation de l’image de la capitale dans les plans généraux jusqu’à la période révolutionnaire : elle s’impose définitivement dans les décennies 1730-1740 grâce à une série de plans comme ceux de l’abbé Delagrive (image ci-contre) ou d’éditeurs allemands. Au-delà de la simple question de la représentation, c’est à cette époque que se précisent les enjeux et les principes méthodologiques pour dresser des plans, qui s’appuient sur les outils et opérations géométriques développées au cours du XVIIIe siècle et qui soient tout à la fois précis et utiles pour l’analyse de la ville et de ses transformations. Parallèlement, la diversité des modes de représentation cartographique de Paris se réduit et les profils, plans cavaliers ou autres vues à vol d’oiseau de la capitale sont de moins en moins courants dans la production.

A rebours des nouvelles conventions cartographiques, le plus fameux plan de Paris au XVIIIe n’est pas un plan « géométrique » mais une vue à « la perspective cavalière, sans point de vue ni distance »: le plan dit « de Turgot », dressé par Louis Bretez de 1734 à 1739 sur les ordres de Michel Etienne Turgot, prévôt des marchands de Paris. Achevé en 1739 et gravé avec magnificence, ce plan est un outil de promotion, un véritable monument à la gloire de la capitale du royaume et de son image. Il met en scène le paysage urbain et ses modifications les plus récentes, en figurant en élévation l’architecture et le bâti. Tiré à près de 2500 exemplaires, il connut un grand succès et fut largement diffusé. Composée de  20 feuilles séparées, mais assemblables, il peut se présenter sous trois formes : en rouleau,  en portefeuille, ou plus fréquemment, relié en volume, tel l’exemplaire dont est issue l’image ci-contre.

Dans la continuité chronologique de cette sélection sur la cartographie de la capitale sous l'Ancien Régime, découvrez une page dédiée aux plans de Paris des XIXe et XXe siècles accessibles dans Gallica. 

En complément de la présente page sur les plans généraux, retrouvez une page de sélection chronologique consacrée aux recueils et atlas de plans à grande échelle, du XVIIIe au XXe siècle : des premiers recueils de plans divisés par quartier, aux atlas municipaux, en passant par les différents ensembles de plans cadastraux disponibles dans Gallica. 

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