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Jules Beaujoint, dit aussi Jules de Granpré (1830-1892)

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2 mai 2016

Jules Hippolyte Beaujoint nait le 12 juillet 1830 à Grandpré (Ardennes). Il va à l’école de Verdun, où encore lycéen, il rédige dès 1848 des articles pour le journal Le propagateur des Ardennes. Il poursuit ses études à Reims puis à Paris, où son père l’envoie pour faire son droit. Mais le jeune homme préfère écrire dans des journaux du Quartier Latin, en compagnie d’amis tels Jules Vallès ou Clémenceau.

Il fait notamment campagne contre Louis-Napoléon Bonaparte, ce qui l’oblige, après le coup d’état et la proclamation de l’Empire, à s’enfuir à Bruxelles.Il y collabore pendant près de trois ans à un journal socialiste, l’Omnibus. Son père, furieux, lui coupe les vivres, et Jules Beaujoint vit difficilement, en manque d’argent. Après une publication au vitriol sur le bagne de Cayenne, il est mis en résidence forcée. Il s’y soustrait pour aller voir le révolutionnaire Auguste Blanqui, ce qui lui vaut une condamnation à plus de deux mois de prison. Mais cette peine n’est pas totalement négative pour lui, car une pétition signée par des démocrates belges circule et lui vaut une petite notoriété : il arrive à placer alors un grand nombre d’articles dans la presse.

Finalement, Jules Beaujoint rentre à Paris en 1863, sans garantie d’impunité. Il ne sera cependant pas inquiété. Il délaisse alors totalement la politique pour ne se consacrer qu’à l’écriture. Les Nuits de Paul Niquet  sont un de ses premiers textes, peinture d’un cabaret lieu de crimes et de débauche. L’auteur est attaqué en justice par les héritiers du tenancier de l’établissement « Le Père Lunette », qu’il fréquentait pour y étudier les habitués, originaux et excentriques, forçats libérés ou en rupture de bans. Beaujoint gagne le procès, ce qui lui procure un certain renom. Commence alors pour lui une période de publication intense. En 1867, il est admis au sein de la Société des gens de lettres. Il rédige, peut-être par amitié pour Vallès, un feuilleton pour son journal La Rue en 1870. Il se trouve un éditeur, Fayard, auquel il va rester fidèle. Une partie de ses récits sont édités sous un pseudonyme, celui de sa ville de naissance : Jules de Granpré. Après deux ans de maladie, il s’éteint à Paris le 23 décembre 1892.                                                                                                                                                                                                                                   

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S’il est attiré parfois par la science et l’ésotérisme (Le Magicien moderne, récréations amusantes de physique et de chimie, 1878, et L’Art de prédire l’avenir. Divination par les songes. Les Pressentiments, 1878), il s’intéresse surtout, en tant qu’écrivain, aux anecdotes historiques et aux faits divers, ce que reflète bien son abondante bibliographie. On peut en effet distinguer trois facettes dans son œuvre. D’abord les histoires des monuments et des anecdotes des cours royales : Les Reines galantes (avec A.-M. Dumonteil, 1873), L’Alcôve des reines (1879), Histoire des Tuileries Histoire du Palais-Royal (1881), Histoire de l’Hôtel-de-Ville de Paris. (1882), Les Mystères du Palais de l’Élysée (1887).

Puis, parallèlement à ces ouvrages, les romans historiques : Les Enfants du Père Duchêne, roman historique (1871), Mémoires d’un geôlier de la Bastille (1874), Les Oubliettes du Grand Châtelet (1874), Cartouche, roi des voleurs , Le Capitaine Mandrin (1885), Les Quatre Sergents de La Rochelle (1890-1892).

Enfin, on y trouve les reconstitutions de faits-divers plus ou moins romancés : Les Nuits de Paul Niquet (1867), Mémoires d’un agent de police, drames, mystères, révélations (1868), La Femme coupée en morceaux (avec Louis Noir, 1877), La Malle sanglante, assassinat de l’huissier Gouffé, affaire Eyraud et Gabrielle Bompard (1890) ou encore Les Auberges sanglantes.

La malle sanglante : assassinat de l'huissier Gouffé, affaire Eyraud et Gabrielle Bompard / [par Jules de Grandpré [Beaujoint] -  A. Fayard (Paris), 1890. -  1039 p. : ill. ; gr. in-8

 

Mais cette diversité cache un ensemble assez cohérent : que ce soit une relation historique ou une fiction, passée ou présente, il y privilégie toujours les amours conflictuelles, la violence des faits et des descriptions. Il est parfois difficile de démêler l’invention de la réalité, même dans ses essais. Ce qu’il explique bien dans la préface des Reines Galantes : « Il y a des dénouements tragiques et ténébreux, des énigmes dont on ne déchiffre qu'avec peine les caractères de sang, et il y a telle folie qui réclame du conteur toute la prudence du langage. Car, nous devons en prévenir le lecteur notre respect pour la vérité des faits ne va pas jusqu'à la laisser toute nue, et nous savons que la Vérité, échappée de l'alcôve ou sortie du puits, a besoin d'une tenue décente pour faire son chemin dans le monde. »

Une de ses grandes techniques aussi est de s’emparer des faits divers, contemporains ou anciens, pour en faire des romans reposant sur « le bruit et la fureur ». Ainsi, l’affaire Gouffé, qui défraya la chronique en 1889, donne lieu au récit La Malle sanglante l’année suivante. Et voici la mort de Gouffé, qui montre un aperçu de la brutalité parfois de son écriture : « Il était huit heures un quart lorsque Gouffé, d'un cœur léger, sonna au rez-de-chaussée de la séduisante Gabrielle […] Dès qu'il fut à sa portée, la fille se jeta de côté et Eyraud bondit sur sa proie […] Gabrielle, terrifiée, demeurait immobile, blême et sans voix. Eyraud appuyait son genou sur la poitrine de sa victime qui râlait sourdement, mais presque sans convulsion, écrasé qu'il était par la pression qu'il subissait. Quand, enfin, l'assassin, qui observait attentivement sur le visage de Gouffé les progrès de l'agonie, crut que c'était fini, il desserra péniblement ses mains qui avaient pris la gorge comme dans un étau, puis reporta son regard terrible sur sa complice. Celle-ci, tremblante, tomba alors sur le tapis. L'assassin se rassura encore en examinant de près les yeux éteints de l'huissier Gouffé, et respira comme un travailleur après une honnête besogne. »

Malgré cette violence, voici comment le voyait un écrit de l’époque : « Ecrivain officiel de l'éditeur Fayard. Ce Beaujoint barbu, à l'aspect farouche, a écrit les Mémoires de Paul Niquet, Enterrée vive, les Mémoires du forçat Poucet, l'Auberge de Peyrebelle, l’Auberge aux tueurs ! etc., etc. Cet écrivain sanguinolent est au fond l'homme le plus inoffensif de la terre, timide comme une demoiselle, pudique comme une vierge de Nanterre; il ne croit pas à ses scélérats, et rit de leurs crimes ! »

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Son roman le plus célèbre est sans conteste L’Auberge sanglante de Peirebeilhe. Edité en 1888, il se vend à plus de 200.000 exemplaires. Inspiré de l’affaire criminelle qui a défrayé la chronique en 1833 (et du récit de son ami Jules Vallès paru dans son ouvrage La Rue  publié en 1866), il servira en partie de source au fameux film L’Auberge rouge de Claude Autant-Lara, avec Fernandel dans le rôle du moine, qui connaitra lui-même un remake en 2011 (réalisé par Gérard Krawczyk, avec Gérard Jugnot).

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