Le rugby féminin en France
Dans les années 60, le rugby féminin fait son apparition notamment dans l’est du pays avec les Violettes de Bourg-en-Bresse. Mais, ce n’est pas la première fois que les femmes pratiquent ce jeu ; il faut revenir au début du siècle pour jouer à la barrette.
Une pratique féminine quelque peu ressemblante au rugby
Mais revenons un siècle en arrière, si le rugby date selon la légende de 1823 (William Webb Ellis), il va de soi qu’il ne concerne que les hommes, il faut attendre encore une centaine d’années pour voir émerger une pratique féminine quelque peu ressemblante au rugby. Ambiance en ce début du 20e siècle, il n’est pas question que les femmes s’adonnent à une quelconque activité physique. Le monde est rempli de personnage que l’on qualifierait de misogyne aujourd’hui. Des exemples suffisent à comprendre l’époque : le baron Pierre de Coubertin, celui-là même qui réhabilita les Jeux olympiques en 1888, déclarait à propos des femmes et le sport : "Une olympiade femelle serait inintéressante et inesthétique". Frantz Reichel, un des principaux dirigeants du rugby de l’époque dénigre la pratique, il déclare dans la presse :
Je suis tout à fait contre ! Les femmes n’ont rien à faire sur un terrain rugby. Elles ne peuvent pas y jouer. C’est dangereux pour elles et sans élégance. Elles ont assez de sports comme ça ; qu’elles s’en contentent."
Mais les femmes ne baissent pas les bras, des sections féminines de gymnastique voient le jour en même temps que le Femina Sport, un club omnisport exclusivement féminin situé à Paris, proche de la porte d’Orléans. La doctoresse Marie Houdré à l’origine de la constitution de cette section était une membre active et en deviendra rapidement la présidente. Pratiquer le rugby comme les hommes n’était pas envisageable pour une femme ? Qu’à cela ne tienne, les femmes joueraient, dussent-elles changer les règles du jeu. La réflexion était engagée. Restait à la formaliser. La barrette était née !
Un jeu basé sur l’adresse et l’évitement
Il s’agissait d’une autre forme de rugby, dite adaptée, aujourd’hui, on la qualifierait de "nouvelle pratique", il n’y avait que 12 joueuses sur un terrain plus petit. Pas de dribbling pour que ces dames ne chutent pas, les plaquages ne sont que des tenues, un jeu basé sur l’adresse et l’évitement. La barrette devait être gracieuse ! Elle était sous surveillance malgré la bienveillance de la Fédération féminine et sportive de France. Le Féminin Sport profite de ces déplacements pour développer le jeu, en organsinant des démonstrations à Lille, Toulouse ou Bordeaux. D’autres sociétés féminines s’initient à ce jeu et un championnat de Paris et même de France avec plusieurs dizaines d’équipes s’organise peu à peu. En avril 1922, au Stade Élisabeth a lieu la première rencontre officielle entre deux équipes du Fémina Sport. Une foule de curieux assiste à cette démonstration, accompagnée même par le ministre de l’Hygiène, de l’Assistance et de la Prévoyance sociales, Paul Strauss qui préside le match.
La barrette est en plein essor, Marie Houdré utilise habilement ses bases de médecine pour expliquer que "c’est sans danger pour les femmes qui veulent pratiquer". Elle ajoutera dans ses écrits, qu’"une femme en bonne forme physique pouvait aussi être très utile dans la société", ce qui ne plaisait forcément pas aux hommes.
Campagne de presse
La presse de l’époque renforce la pensée populaire : les femmes n’ont pas leur place dans ce sport si masculin. On juge cette pratique dangereuse, sans élégance et qui pourrait remettre en cause la fécondité selon des médecins qui estiment même qu’au regard de la constitution trop frêle des femmes, le rugby représente un danger pour elle et leur corps. Même les sportives ont un avis négatif comme la joueuse de tennis Suzanne Lenglen qui s’exprime dans les journaux : "le Rugby pratiqué par la femme n’a rien d’esthétique, et je suis opposée à cette mode nouvelle".
Le mouvement s’essouffle, en 1923, la Fédération française de rugby (FFR) interdit à ses clubs de mettre leurs terrains à la disposition du rugby féminin. La plupart des matches se déroulent alors au petit matin, sans public. Pourtant, une rencontre de Barette est organisée en lever de rideau opposant le XV de Paris à l’Armée française au Stade Jean Bouin. 8000 personnes assistent à ce match, un record pour des femmes. Il faudra attendre bien des années pour voir une pareille affluence pour un match de rugby féminin.
La barrette disparait à l’approche de la guerre faute de pratiquantes, les femmes retrouveront le ballon ovale grâce à de nouvelles pionnières que furent les Violettes de Bourg-en-Bresse 35 ans plus tard. Mais cette fois-ci, le rugby sera le même que pour les hommes. Le premier match de l’équipe de France aura lieu en 1982 et la Fédération intégrera les filles en 1989. Un peu plus de 100 ans après les déclarations du baron Pierre de Coubertin, le père des Jeux olympiques modernes, il n’est pas anodin de signaler que l’équipe de France Féminine à 7 a récolté la médaille d’argent aux Jeux olympiques de Tokyo, sans doute le revers de la médaille.
L'Olympiade Culturelle est une programmation artistique et culturelle pluridisciplinaire qui se déploie de la fin de l’édition des Jeux précédents jusqu’à la fin des Jeux Paralympiques. La série "200 ans de ballon ovale : l’histoire du rugby" de Gallica s'inscrit dans la programmation officielle de Paris 2024.
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