Jeanne Paquin, première reine de la haute couture française
Jeanne Paquin est la première grande couturière française à connaître un succès international dès la fin du XIXe siècle. Retour sur son parcours grâce à Gallica.
Les débuts d’une grande maison de couture
Jeanne Paquin est alors chargée de concevoir les créations et son mari de gérer l’affaire.
Proche des milieux dreyfusards, ce dernier assiste au procès d’Emile Zola où son altercation avec l’antidreyfusard Paul Déroulède et la demande de duel sont largement relayées par la presse. Le ton est souvent très dur, y compris envers elle. Isidore Jacob, devenu officiellement Paquin à la fin des années 1890, est nommé chevalier de la Légion d’honneur. La légitimité de cette distinction est controversée à la Chambre des députés et dans les journaux, ce qui lui vaut d’apparaître dans le Musée des Horreurs (n°24), série de caricatures antidreyfusardes et antisémites. Au tournant du XXe siècle, Jeanne Paquin et son mari sont proches des milieux politiques qui arrivent au pouvoir, notamment d’Alexandre Millerand et de Pierre Waldeck-Rousseau.
Côté mode, la couturière se démarque par « ses robes du soir romantiques, sa lingerie raffinée et ses tailleurs garnis de fourrure », qui enchantent femmes aristocrates et cocottes. La couturière est également connue pour ses tenues simples agrémentées de quelques détails qui font toute la différence ainsi que pour ses manteaux. Elle est l’une des premières à utiliser le noir, jusque-là surtout réservé au deuil, pour rehausser l’éclat des couleurs.
Sa rivalité avec Paul Poiret se manifeste parfois. Ainsi, en réponse à ce que les Anglo-Saxons appellent la « hobble skirt » (littéralement la jupe étroite qui fait boitiller), elle crée une jupe qui donne plus de liberté de mouvement, en ville, aux courses ou aux thés-tango.
Mlle Odette mannequin. (Paquin) : photographie, tirage de démonstration, Atelier Nadar, 1894-1904
Connue pour son charisme et sa grande beauté, Jeanne Paquin est la première ambassadrice de sa propre maison en portant elle-même ses créations. Elle est sans doute la première créatrice de haute couture à devenir une icône de la mode, au service de sa marque, comme plus tard Coco Chanel.
Paquin, symbole de la mode en France et dans le monde
The New York herald, 19 avril 1896
Publicité pour la maison Paquin, The Chicago tribune and the Daily news, New York, 1920
À la veille de la Première Guerre mondiale, la maison Paquin emploie 2 700 employés et est à son acmé. Depuis 1907, Jeanne Paquin gère pourtant seule l’entreprise suite au décès de son époux. Cela ne l’empêche pas de vouloir continuer à représenter par son nom l’industrie de la mode française à l’étranger et d’étendre l’influence commerciale de sa maison à l’international. Elle est ainsi à l’origine de la création du pavillon Paquin dans le parc Valentino à Turin.
Nos élégances & la mode masculine, 1er août 1911
Jeanne Paquin s’entoure des meilleurs dessinateurs de l’époque, Paul Iribe, Georges Barbier et Georges Lepape pour illustrer ses créations dans un album intitulé L'Eventail et la fourrure chez Paquin. Elle travaille également avec Léon Bakst, costumier des Ballets russes, pour qui elle réalise des robes.
Manteau de théâtre par Paquin, La Gazette du bon ton : art, mode et frivolités, 1912-1913
Le travail de Jeanne Paquin, comme plus tard celui de Jeanne Lanvin et de Madeleine Vionnet, est récompensé par la Légion d’honneur en 1913. Elle est la première femme couturière à recevoir cette distinction.
Cette notoriété lui apporte toujours plus de clientes, issues des grandes familles américaines comme les Rockefeller ou les Vanderbilt, mais aussi des Allemandes admiratives de la qualité française et des Japonaises.
Des ateliers Paquin émergent des couturières de talent comme Jenny Sacerdote qui crée sa propre maison.
Jeanne Paquin participe aussi à de nombreuses œuvres de bienfaisance : fonds collectés pour la Cité universitaire, visite puis aide à la gestion des hôpitaux auxiliaires de Saint-Cloud et don de six ambulances au service de santé, don pour un prix d’hygiène, lutte contre l’alcoolisme ou encore développement de l’instruction populaire.
Maison Paquin, Les Modes : revue mensuelle illustrée des Arts décoratifs appliqués à la femme, 1917
La couturière s’implique aussi dans la vie artistique, en soutenant notamment la carrière de certains artistes par la création du prix Isidore Paquin mais aussi par la commande. Elle lance ainsi la carrière du jeune Mallet-Stevens, avant qu’il ne devienne un des grands noms de l’architecture moderne. Robert Mallet-Stevens conçoit alors des décors historiques notamment pour le stand Paquin à l’exposition de Gand et aménage la villa de Deauville. Toutes ces actions sont aussi une façon de mettre en valeur la marque Paquin. La peinture de Gervex « Paquin à cinq heures » représente les salons d’essayage.
En 1920, Jeanne Paquin se retire des affaires. Restée proche des milieux politiques, elle se remarie avec un diplomate et sénateur du Gers en 1931. La maison Paquin se maintient. Madeleine Wallis puis la comtesse Ana de Pombo lui succèderont. En 1942, c’est Antonio del Castillo qui prendra le relais.
Atelier Paquin et ses couturières : photographie de presse, Agence Rol, 1926
Ana de Pombo est notamment connue pour avoir introduit dans les collections Paquin une influence hispanique et gitane :
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