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Nicolas Venette, médecin rochelais

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1 juin 2021

Le nom de Nicolas Venette est passé à la postérité car il a rédigé le premier traité de sexologie occidental. Mais il s'est aussi intéressé à d'autres sujets tout aussi inattendus.

Frontispice : cours d'anatomie et de dissection. Extr de : [Illustrations de Anatomia hepatis], 1659

Enseignement de la chirurgie au XVIIe siècle

Nicolas Venette naquit à La Rochelle en 1633. Il fit ses études de médecine à Bordeaux. En 1657, ayant obtenu le diplôme de docteur, il décida de parfaire sa formation à Paris en suivant les cours de chirurgie et d'anatomie donnés par Guy Patin (1601-1672), professeur au Collège royal - l'actuel Collège de France. Doyen de la Faculté de médecine de Paris de 1650 à 1651, Patin était un personnage atrabilaire, défenseur acharné de la théorie des humeurs et des privilèges de sa corporation. Car il y eut de longue date une rivalité féroce entre la Faculté de médecine de Paris et la confrérie de Saint-Côme. Celle-ci avait voulu créer sa propre école de chirurgie  mais la Faculté de médecine refusa aux professeurs  le droit de porter la robe longue et le bonnet carré, arguant que l'enseignement de la médecine était son privilège. En 1640, un arrêt du parlement donna raison aux médecins, imposant, en outre, la présence d’un de leurs représentants aux cours d’anatomie. En 1660, nouveau procès intenté à la confrérie de Saint-Côme : cette fois elle fut dissoute et les chirurgiens empêchés d'exercer. En 1686, grâce à la réussite de la Grande opération sur la fistule anale du roi, on assista au retour en grâce de la chirurgie.

Portrait de Gui Patin, en buste, de 3/4 dirigé à gauche : [estampe] Masson, Antoine, graveur

Le Collège royal de médecine de La Rochelle

Après avoir voyagé en Europe, Nicolas Venette revint dans sa ville natale. En 1668, il y enseigna la chirurgie et l'anatomie aux étudiants, la pharmacie aux futurs apothicaires. Quelques années plus tard, médecins protestants et catholiques s'affrontèrent, ces derniers l'emportant en 1681 : l'exercice de la médecine fut désormais réservé aux médecins agrégés du Collège royal de médecine de La Rochelle. Pour y être admis, iI fallait être catholique, avoir deux ans de pratique et présenter six actes (ou thèses) de médecine devant un jury. Si bien qu'à partir de 1683, les protestants n'ont plus le droit d'exercer. Nicolas Venette fut médecin agrégé et même doyen de ce collège. En 1792, les assemblées révolutionnaires abolirent les sociétés savantes et corporations issues de l'Ancien régime.

Le Professeur de médecine et ses élèves.1509 (Collections de la BNU strasbourg)

Le scorbut

Venette est né cinq ans après le siège de La Rochelle de 1627-1628 pendant lequel la famine fut telle que les habitants en furent réduits à se nourrir de leurs animaux familiers, voire de cadavres humains. L'état de santé des survivants avait forcément été durablement atteint. Par ailleurs, il s'agissait d'une ville portuaire d'où partaient les bateaux pour de longues expéditions. Ces deux facteurs expliquent qu'il se soit particulièrement investi dans des recherches sur le scorbut : en effet, cette maladie apparaissait dans les populations affamées des villes assiégées et dans les équipages embarqués sur les voiliers pendant de longues périodes. Etymologiquement ce mot vient du hollandais scheurbuik, lui-même issu du danois skjoebug et signifie déchirement de la bouche. Les troubles se manifestent par le gonflement douloureux des articulations et surtout des gencives qui saignent abondamment.  En 1671, le médecin rochelais rédigea son Traité du scorbut, ou l'on peut connoistre fort exactement la plus part des maladies qui arrivent sur la mer, leurs causes, leurs signes et les remedes. Il y prescrivait des antiscorbutiques comme le cresson, le raifort et le cochléaria et on prit alors l'habitude de cultiver dans  l'entrepôt des vaisseaux, salades et légumes et d'emporter des citrons. Venette fut le premier à établir une relation entre cette maladie et la privation d'aliments végétaux frais et, à ce titre, il est considéré comme le précurseur dans les maladies de la carence. Même si le principe antiscorbutique présent dans les citrons et les oranges - autrement dit l'acide ascorbique - et la notion de vitamine C ne furent découverts que tardivement au vingtième siècle.

Nicolas Venette rédigea aussi :

Venette Nicolas, gravure-burin (Collections de la BIU Santé)

Le premier traité occidental de sexologie

Mais c'est son fameux traité De la génération de l'homme ou Tableau de l'amour conjugal, réédité 183 fois en sept langues, qui contribua à sa notoriété. En cette seconde moitié du XVIIe siècle, le titulaire d'une charge honorifique ne pouvait se permettre de faire paraître cet ouvrage : d'où sa première sortie à Amsterdam en 1686 sous le pseudonyme de Salocini, Vénitien (anagramme de son nom). Alors que les mariages étaient arrangés et conclus comme des contrats, Venette prétendait démontrer qu'une relation charnelle, voire un sentiment amoureux, pouvaient exister entre les époux. Par son approche novatrice et débridée de la sexualité, par un mélange de propos sérieux et légers, l'ouvrage cultivait une certaine ambiguïté. Au fil des éditions, son auteur s'attacha à en justifier la publication comme un instrument de vulgarisation scientifique, alors que beaucoup lui refusaient précisément ce rôle  Le plus souvent le traité se forgea une réputation sulfureuse de livre susceptible de corrompre la jeunesse et indécent. En outre, le philosophe et médecin libertin Julien Offray de La Mettrie y faisait référence dans son Ecole de la volupté :  preuve pour ses détracteurs qu'il s'agissait bien d'une incitation au libertinage.

De la génération de l'homme, ou Tableau de l'amour conjugal / par Mr Nicolas Venette, 1702.

 L'homme apparaît donc comme un personnage complexe aux intérêts éclectiques. Sous les traits de l’honorable doyen du Collège de médecine se dissimulait un épicurien : un état d’esprit évidemment impossible à afficher en cette période où les préceptes cléricaux étaient prégnants. Peut-être peut-on voir aussi en lui un humaniste dans cette volonté d'offrir un outil de vulgarisation scientifique à une société tenue volontairement dans l'ignorance de sa sexualité par l'Eglise ?

Le quai au pied de la tour de la Chaîne. D'après la gravure de Le Bas, dessiné sur les lieux pendant les années 1749 et 1750 par P. Garreau, père et fils, ingénieurs du Roy.

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