Le « Groupe littéraire autonome » au Vietnam des années 1930
Le « Groupe littéraire autonome » - Tự Lực Văn Đoàn (1932-1941) est l’un des cercles littéraires les plus importants des années 1930 au Vietnam.
Fondé en 1933 à Hanoi par Nguyễn Tường Tam (alias Nhất Linh), le groupe se compose initialement des journalistes pionniers du journal Phong Hóa [Les Mœurs] (1932-1936), Trần Khánh Dư (alias Khái Hưng), Hồ Trọng Hiếu (alias Tú Mỡ), Nguyễn Tường Long (alias Hoàng Đạo), Nguyễn Tường Lân (alias Thạch Lam) et Nguyễn Thứ Lễ (alias Thế Lữ). Se joint ensuite au groupe Ngô Xuân Diệu (alias Xuân Diệu). Ces sept écrivains forment le noyau du groupe Tự Lực Văn Đoàn. Le groupe se fait connaître d’abord par sa revue Phong Hóa (1932-1936) qui est suivi du journal Ngày Nay [Aujourd’hui] (1936-1946). Ce mouvement crée également sa propre maison d’édition appelée Đời Nay [Vie contemporaine] (1933-1945) qui réunit de nombreux écrivains et artistes de la jeune génération, tels que Trọng Lang, Đoàn Phú Tứ, Trần Tiêu, Thanh Tịnh, Huy Cận ainsi que les peintres Nguyễn Gia Trí, Tô Ngọc Vân, et d’autres.
Khái Hun̛g et Nhất Linh, Gánh hàng hoa... , 1934.
L’intitulé « Groupe littéraire autonome » – Tự Lực – s’explique d’abord par son statut administratif. C’est en effet la première organisation vietnamienne fondée par des personnes privées, indépendamment de toute autorité publique, ne servant pas d’organe du pouvoir colonial comme les journaux et les éditeurs vietnamiens contemporains. Leur esprit autonome et moderniste se montre surtout dans leurs principes directeurs, formulés par l’essayiste et romancier Hoàng Đạo dans son article « Les dix vœux de la jeunesse » (« Mười điều tâm niệm »), publié le 13 septembre 1936 dans le journal Ngày Nay (Traduction de Daniel Héméry) :
1) Refuser l’ancien mode vie et de pensée, 2) Croire au progrès, 3) Vivre selon un idéal, 4) S’engager dans l’action sociale, 5) Forger son propre caractère, 6) Reconnaître le rôle de la femme dans la société, 7) Promouvoir l’esprit scientifique, 8) Œuvrer sans souci des honneurs et des titres, 9) Développer son propre corps, 10) Avoir l’esprit d’organisation.
Les romans du groupe Tự Lực vont particulièrement marquer l’histoire littéraire vietnamienne. Le roman moderne en vietnamien romanisé – le quốc ngữ –, suivant le modèle européen, n’a commencé à se développer qu’au début du XXe siècle avec la parution sous forme de feuilletons dans des revues. Dans le Sud, c’était la figure de Hồ Biểu Chánh qui dominait avec ses romans populaires, dont le premier Ai làm được ? [Qui peut le faire ?] publié en 1922. À Hanoi, Tố Tâm – roman éponyme de Hoàng Ngọc Phách – et Quả dưa đỏ [La pastèque rouge] de Nguyễn Trọng Thuật, parus tous les deux en 1925, consacraient le triomphe du roman moderne, qui fut dès lors accueilli plus largement par le public. La rédaction de romans témoigne, d’une part, d’une rupture avec la littérature ancienne presque exclusivement écrite en vers. D’autre part, elle souligne le perfectionnement d’une langue vietnamienne qui s’est modernisée depuis la démocratisation de sa forme écrite romanisée et la capacité des écrivains vietnamiens contemporains à approfondir leurs idées, à explorer des sentiments dans un genre littéraire plus libre et plus étendu. Les romans du groupe Tự Lực contribuent activement à cette évolution et illustrent l’apogée de la création romanesque du Vietnam de la première moitié du XXe siècle.
Pour aller plus loin
- Xuân Bào BÙI, Le Roman vietnamien contemporain tendances et évolution du roman vietnamien : 1925-1945 (1972),
- Maurice DURAND & Tran-Huan NGUYEN, Introduction à la littérature vietnamienne (1969),
- Giang-Huong NGUYEN. « Hà Hương phong Nguyệt – le premier roman vietnamien »,
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