La découverte de la tombe de Toutânkhamon
Alors que la fascination pour le trésor de Toutânkhamon renaît avec une exposition à Paris, revenons sur la découverte de sa tombe en 1922, à travers des articles de presse et des photographies qui illustrent le retentissement médiatique de cette découverte
Synonyme de mystère, de trésor et de malédiction, la découverte de la tombe du jeune Toutânkhamon (Nouvel Empire, 18e dynastie) est avant tout une véritable aventure archéologique, qui s’étend sur plusieurs années et qui redéfinit en profondeur la réglementation des fouilles en Égypte. La figure centrale en est l’archéologue anglais Howard Carter, qui travaille dans la vallée du Nil depuis les années 1890. Il est déjà connu pour ses talents de dessinateur au service de l’Anglais William Flinders Petrie ou du Suisse Edouard Naville, notamment dans le temple d’Hatshepsout à Deir el-Bahari. À partir de 1917, il reprend une concession dans la Vallée des Rois, soutenu par un riche Anglais, Lord Carnarvon fasciné par l’Egypte ancienne.
Carter s’intéresse à un roi peu connu du Nouvel Empire, Toutânkhamon (ca 1345-1327 avant notre ère), dont la tombe n’a pas été retrouvée. Cachées par les remblais provenant d’autres tombes voisines, les premières marches menant à la tombe du souverain sont dégagées le 4 novembre 1922. Fin novembre, Carter et Carnarvon pénètrent dans la tombe toujours intacte. Le 30 novembre, la découverte est annoncée dans Le Times de Londres, ce qui provoque l’ire de la presse nationale et du Service des Antiquités. La progression dans la tombe fait l’objet d’un véritable feuilleton relaté notamment par les journaux français :
La Vallée des Rois est au centre de l'attention médiatique et visiter la tombe devient un évènement mondain. Têtes couronnées, hommes politiques et responsables religieux se pressent. Parmi ces hôtes de marque, la reine Elisabeth de Belgique, passionnée d’égyptologie, qui a le privilège d’assister à l’ouverture de la chambre funéraire le 18 février 1923 aux côtés de Carter et du savant belge Jean Capart. Celui-ci publie la même année la première synthèse en français sur cette découverte.
L’intérêt pour la tombe du jeune pharaon est également fort chez les Egyptiens : des clichés de l’Agence Rol montrent une foule (dont des écoliers) au bord du Nil, lors de la réouverture du tombeau en 1924 :
Plus de 10 années sont nécessaires pour sortir, inventorier et dessiner plus de 5000 objets conservés dans la tombe. Des comptes rendus sont publiés dans la presse ou dans les revues académiques. L’équipe anglo-américaine de Carter, qui a installé ses quartiers dans une tombe voisine, mesure, dessine et prend des clichés : fauteuils, tabourets, coffres, corbeilles, éléments de chars, nourriture momifiée, bouquets etc sont extraits soigneusement de la tombe, portés au laboratoire puis à la gare de Louxor ou à un bateau sur la rive ouest pour être acheminés jusqu’au Musée du Caire. Carter, identifiable à son chapeau et à sa moustache prend parfois la pause avec un sceptre quand il ne surveille pas le transport des objets.
En 1923, quelques mois après la mort de son mécène Carnarvon, il publie avec son collaborateur Arthur Mace, The tomb of Tut-Ankh-Amen discovered by the late earl of Carnarvon and Howard Carter. Les deux volumes aux nombreux clichés relatent la découverte de la tombe et montrent, outre les sarcophages et les riches bijoux, des vestiges plus humbles comme des fleurs séchées ou des sandales.
Au cours de ces années de travail, les tensions sont vives avec le directeur du Service des Antiquités, le Français Pierre Lacau, qui œuvrait dès octobre 1922 à une nouvelle réglementation sur les trouvailles archéologiques : elles devaient être désormais conservées en Égypte. Les deux hommes s’opposent sur la manière de fouiller chaque pièce, sur les personnes ayant accès au tombeau, sur la transmission des informations aux journalistes : la tombe devient un enjeu diplomatique.
Il faut dire qu’au-delà de son intérêt archéologique, la découverte de la tombe provoque des soubresauts diplomatiques alors que l’Égypte s’est affranchie du protectorat britannique depuis février 1922. Tandis que les savants étrangers se précipitent dans la Vallée des Rois, les Égyptiens revendiquent cette figure royale issue d’un passé prestigieux et millénaire, dans un mouvement où « pharaonisme » et nationalisme arabe se côtoient. Il ne saurait être question que des objets d’une tombe si bien préservée quittent donc le territoire pour rejoindre des musées anglais ou américains. La polémique entre Égyptiens, Français et Anglais entraîne régulièrement la suspension du chantier, notamment en 1924 :
L’Egypte obtient son indépendance en 1936 mais c’est seulement en 1953 qu’un Egyptien est nommé à la tête du Service des Antiquités. Le trésor est quant à lui toujours conservé au Musée du Caire (jusqu’à son déménagement à venir au Grand Egyptian museum) et continue de fasciner grâce à des expositions qui rencontrent à chaque fois un énorme succès à travers le monde. Enfin, n’oublions pas que, même « phtisique » et « hérétique », Toutânkhamon était aussi « un homme charmant », comme l’écrivait Myriam Harry en 1925.
Pour en savoir plus
- Catalogue de l’exposition Toutankhamon et son temps à Paris (1967)
- Toutankhamon, Le Trésor du Pharaon, exposition à la Villette (Paris) jusqu'au 22 septembre 2019
- Le site BnF Bibliothèques d’Orient avec un focus sur l’archéologie
- L'Egypte, de l'expédition de Bonaparte à la découverte de la tombe de Toutankhâmon, fascine le monde occidental. Pour se pencher sur un autre aspect des explorations égyptiennes, voici le billet consacré à : Napoléon et les journaux de la Campagne d'Egypte.
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