Les architectes de la Bibliothèque nationale : des décorateurs hors-pair
Au cœur du deuxième arrondissement, entre la rue Richelieu et la rue Vivienne, un ancien palais princier abrite depuis trois siècles les collections de la Bibliothèque nationale de France. Découvrez l’histoire de ce site à travers des documents méconnus disponibles sur Gallica.
De la seconde moitié du XIXe siècle à la seconde moitié du XXe siècle, quatre architectes se succèdent pour donner au site Richelieu de la BnF sa physionomie actuelle. Au cœur de leurs projets, ils accordèrent tous un soin particulier aux décors et à l’ornementation des bâtiments.
Henri Labrouste : le fondateur (de 1854 à 1875)
Unanimement reconnu pour son rôle pionnier dans l’utilisation du métal en architecture (comme à la Bibliothèque Sainte-Geneviève), Labrouste était également un décorateur hors-pair. Héritier des grands architectes du XVIIIe siècle, il avait un grand souci du décor et s’attacha à étendre ses conceptions esthétiques aux moindres détails de son architecture, des travaux de sculpture ornementale aux peintures des murs, jusqu’au mobilier destiné à occuper les espaces créés.
Ce soin du décor est tout particulièrement observable dans la grande salle de Travail du département des imprimés, qui porte aujourd’hui son nom : il donna un cahier des charges très précis pour le décor végétal des parties supérieures, ou encore pour les grandes cariatides encadrant l’entrée du magasin central. Labrouste dessina lui-même les grands calorifères de la salle, les chaises, tables, jusqu’aux encriers !
Ces conceptions décoratives avaient été largement explorées par l’architecte dans la rotonde des Petits-Champs, destinée à abriter le cœur de Voltaire et sa statue par Houdon. Un décor néogrec fut réalisé sur les murs et de grandes armoires en chêne virent meubler la pièce en 1869 : les archives de la BnF en conservent les projets de la main de Labrouste. Il ressort de ses créations une grande unité de décor, unique en son genre, et qui participe de la renommée de l’architecte.
Jean-Louis Pascal et Alfred Recoura : héritage et innovations (de 1875 à 1932)
Les deux architectes qui suivirent eurent la lourde tâche de succéder à Labrouste dans ses travaux de modernisation de la Bibliothèque. Héritiers d’une grande tradition artistique, et soucieux de préserver les éléments de décor anciens – comme le Salon Louis XV que Pascal fit remonter dans le bâtiment donnant sur la rue Vivienne – ils firent également preuve d’une grande modernité en construisant l’immense Salle ovale, destinée à la lecture publique, et édifiée avec les matériaux modernes.
Dans la lignée de Labrouste, de nouveaux motifs décoratifs furent mis à l’étude et un intense travail de réflexion autour du mobilier de la Bibliothèque fut engagé : en témoignent les nombreux projets sortis de l’agence Recoura. Dans ces années 1920, les structures et les motifs s’inscrivent pleinement dans le style Art déco alors en pleine expansion, tranchant avec les projets antérieurs des deux architectes, encore fortement inspirés par le « style Labrouste ».
Cependant, ils surent s’approprier les architectures antérieures en respectant le style du bâtiment : en témoignent les projets de poignées de fenêtres dans l’aile Robert de Cotte ou les magnifiques lampes à abat-jour en opaline verte dessinées par Recoura lors de l’électrification de la salle Labrouste.
Michel Roux-Spitz : la modernité assumée (de 1932 à 1954)
L’arrivée de Michel Roux-Spitz à la Bibliothèque nationale signifie l’introduction de lignes résolument modernes à la Bibliothèque nationale : l’architecte redessine complètement l’intérieur de l’aile ouest de l’hôtel Tubeuf destinée au département des Estampes, et agrandit considérablement le magasin central construit par Labrouste.
Les quatre architectes qui se sont succédé à la Bibliothèque nationale du milieu du XIXe siècle au milieu du XXe siècle avaient une acception complète de leur art, de l’architecture au décor, en passant par l’ameublement. Entre modernité et tradition, ils surent respecter l’œuvre dont ils héritèrent en l’adaptant aux enjeux artistiques et fonctionnels de leur époque, dont témoignent les nombreux dessins et projets conservés dans les collections de la BnF.
Pour aller plus loin :
Richelieu. Quatre siècles d'histoire architecturale au cœur de Paris, dir. Aurélien Conraux, Anne-Sophie Haquin et Christine Mengin, BnF Éditions/INHA, 2017.
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