Le Blog
Gallica
La Bibliothèque numérique
de la BnF et de ses partenaires

Le Tour de France de Gallica 2018, étape 19 : chez Millaris et Mulat-Barbe

0
27 juillet 2018

Entre pics et pèlerinages, l’étape Lourdes-Laruns réserve aux géants de la route une échappée parsemée d’un souffle sacré et singulièrement hantée d’un cataclysme météo. Gallica se penche sur ces phénomènes.

En 1990 Lourdes avait vu naître la première victoire d’étape soviétique sur le Tour (Konyshev), dans une équipe sous pavillon saint-marinais, alors que le maillot vert était est-allemand. C’est le principal miracle à mettre à son actif dans la Grande boucle, prodige qui, on l’a su plus tard, ne suffit pas à sauver le pacte de Varsovie.
 
En effet l’exiguïté de sa géographie sacrée, que Bernadette Soubirous devait, elle, parcourir à pied, n’est pas à l’échelle d’une telle épreuve cycliste. Un peloton, à vive allure, en dresse rapidement l’inventaire : les différents domiciles de la sainte, la grotte et sa source, le sanctuaire, tout est concentré dans un rayon d’un kilomètre. Quant au pèlerinage entier depuis le nord, trop rectiligne pour les étapes de notre Tour, il outrepasse les dimensions des courses d’un jour, avec la disparition de l’austère Bordeaux-Paris. 
 
Lourdes n’en demeure pas moins l’idéale ville-départ pour s’aventurer vers des sommets moins orthodoxes, tout empreints de la mythologie de l’ancienne Vasconie. Non pas la figure du célèbre dieu Abellio dont les inscriptions votives couvrent le Comminges voisin, mais deux personnages tutélaires des récits pyrénéens dont la geste habite ces montagnes de Haute-Bigorre.

Le Pic du Midi de Bigorre depuis le Tourmalet (vers 1890)

C’est d’abord vers le Tourmalet, au pied du Pic du Midi de Bigorre, demeure du légendaire Millaris, pasteur géant aux troupeaux innombrables, que filent les coureurs. La légende le donne vaincu à l’âge de 909 ans par la première neige tombée sur ces sommets qu’elle n’avait jamais effleuré. Millaris demande à l’un de ses fils d’en lancer une boule vers la montagne. Mais, erreur tragique, ce dernier la projette vers la vallée où depuis il neige chaque hiver. Le cataclysme provoque la mort du patriarche et l’exil de ses enfants, qui, suivant l’Adour, fondent Bagnères-de-Bigorre. Au kilomètre 56 les coureurs vont traverser la cité, nouvelle demeure des hommes déchus du paradis montagnard.  Toutefois ils ne pourront que contempler, à distance respectueuse, le tombeau de Millaris autour duquel l’étape, dans une ronde troublante, fait cercle avant de filer vers Laruns. Le centre géographique du parcours sera donc cette « Croix de Béliou », à proximité de Campan, qui marque la sépulture du héros. Il en demeure un bloc étrange, en forme de croix, dont une face montre la figure d’une divinité préchrétienne (certains veulent y voir Abellio) et l’autre un Christ surmonté du sigle INRI. La coutume était de se découvrir au passage ou d’ajouter une pierre au monticule environnant, luxe que le règlement de course actuel ne permet plus.

Le Bigorre (P. Duval, XVIIème siècle)
 

La descente du Tourmalet vers Luz-Saint-Sauveur sera ensuite l’occasion de visiter le pays de l’autre géant de ces montagnes, Mulat-Barbe, qui reposerait à Gèdre, plus au sud. Lui est agriculteur, près du cirque de Troumouse. À 900 ans il tombe malade et reste aveugle parmi ses sept fils, géants comme lui. La première neige, encore, voit s’effondrer son empire : il succombe alors qu’on lui donne à toucher la substance inconnue et sa famille se disperse. Une autre version, néanmoins, le donne victime de la guerre déclenchée par l’irruption des flocons. Mulat-Barbe désespéré par le conflit dans lequel sont happés ses enfants aurait demandé à l’un d’eux de le frapper de la lame d’une faucille incandescente, avant-goût de la bataille dantesque mais non-violente qui ne manquera pas d’éclater sur les pentes de l’Aubisque.

 

Deux vues du Pic du Midi d’Ossau offertes par A. Lamy à E. Reclus (1886)
 

Une chose reste certaine, ces deux récits ouvrent une ère nouvelle où les hommes résident dans les vallées. L’arrivée finale du peloton en Béarn, au cœur de la vallée d’Ossau en sera la plus ferme illustration. Après l’interlude mythologique des cimes, ce sont les saints de l’église qui reprennent le pas. La descente finale vers Laruns ramène les coureurs au cœur de la Via Tolosana de Saint-Jacques de Compostelle, la plus orientale, au pied des deux sommets du Pic du Midi d’Ossau.

Pour aller plus loin
Les cartes de la région Occitanie numérisées par la BnF dans les sélections Cartes de Gallica. 
 

Ajouter un commentaire

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et de courriels sont transformées en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.