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Sarah Bernhardt : portraits et représentations d’une vedette (2)

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13 octobre 2020

Gallica publie une nouvelle sélection consacrée aux portraits d'artistes du spectacle vivant de la fin du XVIIIe siècle au milieu du XXe siècle. Pour l'inaugurer, nous vous invitons à découvrir l'iconographie consacrée à Sarah Bernhardt, tragédienne mythique et première "star médiatique". Après un premier article consacré à la photographie, revenons aujourd'hui sur les affiches et caricatures figurant la "Divine".

Alfons Mucha, Publicité Lu Lefèvre-Utile, reproduction de la mention manuscrite de Sarah Bernhardt, 1904

Si Sarah Bernhardt sait particulièrement bien exploiter les atouts de la photographie, elle sait également tirer parti du format de l’affiche de théâtre. L’affiche devient en effet à la Belle Époque un outil publicitaire de premier plan pour le théâtre, alors divertissement favori des Français, et surtout des Parisiens. Le nombre de théâtres dans la capitale a presque quadruplé entre 1860 et 1914, et pour assurer leur promotion, ils investissent les nombreuses façades et devantures qu’offrent les larges rues haussmanniennes ou encore les colonnes Morris installées à partir de 1868. Sarah Bernhardt s’entoure très tôt de grands maîtres de l’affiche de l’époque pour les pièces dont elle est la vedette, comme Manuel Orazi pour l’affiche de Théodora (1884) de Victorien Sardou, ou Eugène Grasset (le créateur de l’enseigne du cabaret Le Chat noir) pour celle de Jeanne d’Arc (1890) de Jules Barbier.

 

Mais elle se montre aussi ouverte à la nouveauté, et contribue à lancer notamment la carrière d’Alfons Mucha (1860-1939), jeune artiste tchèque arrivé à Paris en 1887 qu’elle rencontre le 24 décembre 1894. Celui-ci se trouve être le seul illustrateur encore présent à cette date à l’atelier de l’imprimeur Lemercier, lorsque Sarah Bernhardt le sollicite en urgence pour la création de l’affiche de Gismonda de Victorien Sardou, qu’elle doit jouer le 4 janvier 1895 au Théâtre de la Renaissance. L’affiche de Mucha plaît tant à l’actrice qu’elle scelle une collaboration qui se poursuivra jusqu’en 1902 pour de nombreuses pièces : La Dame aux camélias, Lorenzaccio, Médée, Hamlet, La Tosca... pour lesquelles Mucha crée parfois affiches, décors, costumes et même bijoux.

Les propositions de l’artiste sont en effet audacieuses et innovantes, et dessinent un véritable « style Mucha », dont les caractéristiques deviennent très vite identifiables par le public parisien. Tout d’abord, le format d’affiche, assez inhabituel, puisqu’il est très étroit et allongé et présente Sarah Bernhardt en pied, presque en grandeur nature. La figure de l’actrice, très stylisée, prend quasiment tout l’espace de l’affiche, se rapprochant en cela de l’esthétique de l’affiche de music-hall qui met au centre des vedettes comme Yvette Guilbert ou Mistinguett. Sa pose met en avant une spécificité du personnage - le regard halluciné de Médée le couteau à la main, ou la douce mélancolie de Marguerite Gautier toute de blanc virginal vêtue, comme on le voit sur les affiches de Médée et de La Dame aux camélias - et par là, donne à voir l'étendue du jeu de l’artiste.
 

 
 

  Alfons Mucha, Affiches pour Médée (1898) et La Dame aux camélias (1896), lithographies en couleurs

Le choix des couleurs est également novateur : Mucha use d’une palette très variée, composée d’ors, de bronzes, d’argents, de tons clairs, qui contrastent avec les aplats de couleurs franches rouges, jaunes ou blancs qu’a alors l’habitude de voir le passant parisien sur les affiches de Jules Chéret ou Toulouse-Lautrec.
Usant de traits caractéristiques de l’Art nouveau comme la typographie ronde, le motif de la balustrade sur laquelle s’appuie la comédienne ou encore les motifs floraux ornementaux de l’affiche de La Dame aux camélias, Mucha introduit également souvent une inspiration byzantine dans ses compositions, visible notamment dans la partie supérieure de l’affiche de Médée où le titre et le nom du théâtre figurent sous forme de mosaïque, ou encore dans l’attention toute particulière donnée aux détails, par exemple dans les somptueux drapés des costumes de la comédienne, ou encore les fleurs des cheveux de Médée. Quant au texte, il est réduit au minimum et s’intègre parfaitement à la composition, toute l’attention se concentrant sur le dessin, qui va parfois jusqu’à se superposer aux lettrages : la représentation magnifiée de Sarah Bernhardt parle d’elle-même et suffit seule à faire venir les foules.

Outre ces photographies et affiches, la presse, qui diffuse de très nombreuses caricatures de Sarah Bernhardt, contribue à faire connaître son visage de tous. En effet, peu d’actrices auront fait l’objet d’autant d'attaques dans la presse. Les critiques, souvent très acerbes et violentes, portent aussi bien sur son jeu que sur son physique (on se moque de sa maigreur, sa pâleur, ses cheveux blonds, sa santé fragile), ses origines, ses voyages, ses animaux, son anticonformisme assumé… Elle est affublée de surnoms tels que « Sarah Barnum », donné par sa rivale Marie Colombier dans son pamphlet du même nom, « Damala aux camélias », né à la suite de son mariage avec l’acteur Damala, ou encore « La Mère Lachaise », parce qu’elle va visiter les troupes au front.
 


Caricature anonyme parue dans Le Canard, le 15 avril 1882, gravure sur bois
 

Des caricatures et des portraits-charges réalisés par des artistes comme Toulouse-Lautrec, André Gill, Caran d’Ache, Alfred Le Petit ou Jean-Louis Forain sont largement diffusés dans la presse française (notamment dans L’Éclipse, Le Journal amusant, La Lune rousse et Le Grelot), et internationale, qui a même pu organiser parfois des concours de caricatures.

 

Caricatures parues dans Comoedia, le 22 juin 1911

Des dessins humoristiques moins polémiques représentent également la comédienne dans ses rôles ou en compagnie d’autres personnalités du spectacle. Yves Marevéry (1888-1914), qui a réalisé des croquis des personnalités du théâtre les plus en vues de la Belle Époque, la capte à plusieurs reprises, comme dans ce dessin où elle danse avec le dramaturge Tristan Bernard.

 


Yves Marevéry, Sarah Bernhardt et Tristan Bernard, crayon et encre, vers 1910-1914 
 

Sarah Bernhardt est devenue grâce à sa remarquable maîtrise de la publicité une des figures les plus connues des Français de la Belle Époque. Elle reste aujourd’hui encore une icône très familière du public.


Pour aller plus loin : la sélection sur les portraits d'artistes de la scène (du XVIIIe au XXe siècle), que vous pourrez découvrir lors d'une rencontre Gallica prévue le 17 novembre à 17h30 sur le site François-Mitterrand. Toutes les informations ici.

Et pour découvrir une autre facette de Sarah Bernhardt, l'article de Nathalie Hersent sur le premier récit de l'actrice, "Dans les nuages : impressions d'une chaise", publié dans le cadre de la série "Fières de lettres" (BnF/Libération).

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