Fernand Léger dans son atelier, 86, rue Notre-Dame des Champs, 1930
Fernand Léger est un
autodidacte de l’art. Il arrive à Paris en 1900 pour faire des études d’architecture qu’il abandonne peu à peu. Recalé au concours d’entrée aux
Beaux-arts, il apprend la technique du dessin en fréquentant assidument les
académies, et la théorie au milieu des artistes qu’il rencontre.
Comme tous les grands peintres de sa génération, à Paris, en 1907, il est bouleversé par la rétrospective Cézanne, et subit pleinement l'influence du maître, dont Le Petit Journal du 18 octobre relate l'évolution dans le goût du public, depuis le Salon des refusés, jusqu'à la consécration posthume de ce Salon d'automne.
Dès cette période d’apprentissage où les influences s’exercent par affinité sur sa sensibilité, c’est une dynamique de l’amitié qui porte Léger vers son œuvre. Elle agit comme une énergie affective dont il résume l'alchimie dans cette formule, relatée par Paul Fierens dans la revue
La Renaissance, en janvier 1929 :
Quand c’est raté, c’est romantique. Quand c’est réussi, c’est plastique.
A la solitude du génie romantique s’opposent les arts plastiques et une approche plus transversale, plus sociale de la création.
Les articles de revues ou de presse numérisés dans Gallica témoignent aussi de cette dynamique. Un rapide tour d’horizon montre combien l’amitié accompagne l’évolution du peintre, à une époque où les groupes, les courants artistiques et leurs soutiens critiques, composent un milieu vivace qui révolutionne les formes picturales, notamment avec le cubisme.
C’est dans cette mouvance cubiste que Léger se situe d’abord, comme s’en fait l’écho André Salmon dans
L’Europe nouvelle, rubrique « Semaine artistique » du 19 février 1919, ou, plus tard, Serge Romoff dans cet article de
L’Humanité, pour la rubrique « Les arts » du 23 juillet 1928, ou encore, en 1935, Tériade dans la revue
La Bête noire. Cependant le peintre, souvent loué pour son sens de la couleur, reste à la marge du cubisme « classique » incarné par Picasso, Braque, Juan Gris. Apollinaire souligne cette différence en créant pour lui et Robert Delaunay la catégorie du
cubisme orphique. Le même Apollinaire qui écrit aussi qu’il se sent «
bien content » de voir un tableau de Léger, un peu comme on dit à un ami qu’on est « bien content » de le retrouver.
B. Cendrars, J. Börlin, D. Milhaud, F. Léger, revue La Danse
Ainsi l’article que lui consacre Maurice Raynal dans le premier numéro des
Cahiers d’art (fondés par Christian Zervos, en janvier 1926), est-il truffé de références à l’homme, son caractère, la nature de son génie. De même en 1933, le dossier que lui consacre la même revue ouvre ses pages à une série de critiques :
Zervos,
Hoppe,
Erhenbourg,
Levesque,
Laugier, d’artistes :
Milhaud,
Corbusier,
Ozenfant, et de poètes :
Cendrars,
Apollinaire,
Salmon, pour qui le rapport à l’œuvre ne se sépare pas d’une proximité avec l’homme Léger.
Corollaire de cette polyphonie sympathique, Fernand Léger est coutumier des créations collectives dans le monde du spectacle, souvent en duo ou en trio avec Cendrars et Milhaud. Il réalise des
décors pour les
Ballets Suédois, sur
Skating Rink, et
La création du Monde. Au cinéma il travaille notamment avec l’architecte Robert Mallet-Stevens pour les décors de
L’Inhumaine (1924), de Marcel l’Herbier. L’année précédente il avait réalisé l’affiche de
La Roue, d’
Abel Gance. Il se lance aussi à ce moment, avec l’américain Dudley Murphy, dans la réalisation du film
Ballet mécanique, synthèse cinématographique de la danse, de la musique contemporaines et de la peinture cubiste.
Magazine Regards, mars 1946
Pour conclure cette revue partielle des articles sur le peintre disponibles dans Gallica, évoquons les formes plus intimes qu’il a donné à sa pratique du dialogue artistique. Telles que les livres qu’il réalise avec ses amis poètes, René Char, Blaise Cendrars. Ou l’importance du dialogue avec les musiciens évoqué par Louis Cheronnet dans l’article « L’expression murale chez Léger », paru dans la revue Art et décoration, en 1938. Il rapporte ces propos :
Eric Satie était hanté par le désir de réaliser une musique d’accompagnement, musique sans intention, qui glisse sans appuyer, que l’on entend mais que l’on n’écoute pas. Il prétendait que les rapports sociaux seraient considérablement améliorés si l’on savait, par exemple dans une salle de restaurant, dans un endroit public, dans un ménage, réaliser ce problème d’acoustique moyen.
Préoccupation sociale, réflexion sur la fonction environnementale de l’art, qui trouveront leur forme tout au long de l’œuvre de Fernand Léger.
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