Le Blog
Gallica
La Bibliothèque numérique
de la BnF et de ses partenaires

Ambroise Vollard et les estampes d’Edouard Vuillard

0
4 juin 2021

À l’occasion de l’exposition « Vollard, Petiet et l'estampe de maîtres » qui se tient à Paris, au Petit Palais jusqu'au 29 août 2021, l’occasion nous est donnée de revenir sur le parcours du marchand d’art Ambroise Vollard et de découvrir les estampes d’Édouard Vuillard dont certaines sont présentes dans les collections de Gallica.

   Jean-Louis Forain, portrait d’Ambroise Vollard, 1905.

 
Au début du 20e siècle, Ambroise Vollard est un marchand d’art incontournable, tout comme Léonce et Paul Rosenberg ou Paul Durand-Ruel. C’est lui qui fait découvrir au monde de grands maîtres comme Paul Cézanne, Paul Gauguin, Vincent Van Gogh, Henri Matisse, Pablo Picasso…, avec lesquels il noue des relations allant de l’entente commerciale à de grandes amitiés en passant par la détestation, mais toujours en reconnaissant talent et génie. Facilement identifiable grâce à son physique imposant, Suarès écrit de lui  « qu’on aurait dit un géant, mais un géant mou et calme, rien ne prédisposait cet homme sans relations, ni argent, ni expérience à une prestigieuse carrière dans le monde fermé et féroce de l’art parisien. »

 
Ambroise Vollard naît sur l’île de la Réunion en 1866. En 1887, il part en métropole pour ses études de droit d’abord à Montpellier puis à Paris. De plus en plus passionné par les estampes et la peinture, il finit par se lancer dans leur commerce. En 1890, dans son appartement, il effectue avec succès une première vente des dessins et estampes de Félicien Rops, Théophile-Alexandre Steinlen et Constantin Guys, achetés sur les quais. C’est lors d’une vente de tableau de Manet qu’il rencontre Renoir et Edgar Degas.
 

Maurice Denis, Odilon Redon, 1903
 

Il se tourne également vers de jeunes artistes de l’avant-garde comme Maurice Denis qui lui présente ses connaissances Nabis : Bonnard, Vuillard, Sérusier
 

Pierre Bonnard, Odilon Redon,1902

Les affaires marchant bien, il ouvre sa propre galerie, la Galerie Vollard en 1893. Une  petite galerie qui devient rapidement reconnue au sein d’un réseau de connaisseurs.

 

Édouard Manet, photographie de Nadar (1820-1910).
 

En 1895 une exposition de tableau de Cézanne dans sa galerie donne lieu à des critiques mitigées mais révèle le peintre à de nombreux artistes et collectionneurs envoûtés. Vollard se fait une réputation de dénicheur de talent qui n’a pas peur des échecs et en profite pour s’assurer le monopole des œuvres de Cézanne.
 


Estampe de Pissaro, Portrait de Cézanne, 1874
 

Vollard organise de nombreuses expositions remarquables tout en diversifiant son activité. Il se lance dans l’aventure de l’édition : « Ambroise Vollard Editeur » et demande à ses connaissances, surtout les Nabis, d’illustrer les livres d’art et de poésie qu’il publie.
 

Ambroise Vollard, Paul Cézanne publié, Paris 1914

 

À cette époque, il compte des clients américains en vogue comme Gertrude Stein ou Albert C. Barnes  mais aussi des clients russes comme Ivan Morozov et Sergei Chtchoukine.
 
Vollard, Vuillard et les Nabis
Le mot nabis viendrait de l’arabe, il signifierait orateur ou annonciateur. Mais il est traduit en occident comme « prophète » ou « illuminé ». Les Nabis se regroupent autour de Paul Sérusier et cherchent à libérer leurs œuvres du réalisme tout en la nimbant de spiritualité. Les sujets sont donc souvent inspirés par le christianisme, mais sont aussi teintés d’ésotérisme, de japonisme et d’orientalisme. L’idée est de retrouver un caractère sacré à la peinture. Parmi les Nabis qui côtoient Ambroise Vollard, on peut citer Pierre Bonnard et surtout Edouard Vuillard.
 
C’est au Lycée Condorcet que Vuillard rencontre ses premiers collègues comme Sérusier et Maurice Denis. En 1885, il quitte le lycée et rejoint l’atelier de Diogène Maillard où il reçoit des rudiments d’enseignements artistique et se décide à y faire carrière, rompant avec la tradition familiale de l’armée. C’est en 1889 que Maurice Denis le convainc de rejoindre un petit groupe dissident de l’académie Julian qui s’autoproclame Nabis. En tant que Nabis, Vuillard représente beaucoup de scènes d’intérieur et de scènes de vie quotidiennes à l’atmosphère douce. On le qualifie d’artiste « intimiste ».
 

Édouard Vuillard, Intérieur à la suspension, Paris, 1899.

 

Vuillard s’illustre principalement dans la peinture d’intérieurs, de figures, de portraits, de natures mortes de composition murale ou de décors de théâtre, notamment le  théâtre d'avant-garde qu’il connaît grâce à ses amis Nabis. Il est également co-fondateur du Théâtre de l'Œuvre, qui propose des pièces issues du répertoire d'Ibsen, Strindberg et Maeterlinck. Cette activité de scénographe et de décorateur a profondément marqué sa peinture, tant dans la forme que dans le contenu.
 

 

Vuillard fait rarement poser des modèles, préférant peindre des sujets dans des actions quotidiennes. Il peint de nombreux ensembles décoratifs sur commandes pour orner des  appartements, des hôtels particuliers, des villas… Il est également connu pour son activité de graveur à une époque où cet art est concurrencé par la photographie. Son activité de graveur est facilitée par le développement de la lithographie en couleur.
 

Édouard Vuillard, L'âtre, 1899

 

On se souvient surtout de lui pour ses douces scènes d’intérieur et de vie quotidienne, avec un travail qui mêle motifs décoratifs et coups de pinceaux sensibles, créant une atmosphère contemplative et feutrée. Il est élu membre de l’Académie des beaux-arts en 1938, mais il tombe malade et meurt début 1940. Il est inhumé à Paris au Cimetière des Batignolles.
 

Édouard Vuillard, A travers champs, Paris, 1899

 

Édouard Vuillard, Intérieur aux tentures roses, Paris, 1899

 

Vollard et les Estampes 
Durant les années 1890 et pendant la première décennie du XXe siècle, Ambroise Vollard joue un rôle prépondérant dans le renouveau de l'estampe.
En juin 1896, la première exposition organisée dans ses nouveaux locaux est consacrée à l'Album des peintres graveurs, première édition de grande envergure de Vollard. En 1897 il publie l’Album d'estampes originales de la galerie Vollard auquel les artistes Nabis collaborent. À cette époque, Pissarro écrit à son fils :

Vollard va avoir une presse lithographique rue Laffitte. Ce brave créole est épatant ; il virevolte d'une chose à l'autre avec une facilité épatante

 
La fin du géant
La Première Guerre mondiale oblige Vollard à fermer sa galerie. Après la fin du conflit, il préfère recevoir ses clients dans son appartement, rue Grammont. Il profite de cette période pour se consacrer à sa « maison d’édition » de livres d’artistes moins rentable que la vente de tableaux mais qui constitue la vraie passion de sa vie. L’un de ses livres les plus connus est Souvenirs d’un marchand de tableau publié pour la première fois en 1936.
 


Ambroise Vollard, Souvenirs d'un marchand de tableaux, Paris, 1937
 

Vollard supervise toutes les étapes avec l’artiste sur lequel porte l’œuvre, le graveur, l’imprimeur, étudiant soigneusement le choix du papier, les caractères d’imprimerie et les rapports entre texte et images.
 


Degas, catalogue pastel dessin, Paris, 1919
 

Vers 1924, Vollard déplace ses activités de marchand et d’éditeur dans un hôtel particulier de la rue de Martignac, dans le Faubourg Saint-Germain. Le 22 juillet 1939, il est victime d'un accident de la route alors qu'il se rend dans sa propriété du Tremblay-sur-Mauldre et meurt sur le coup à l’âge de 73 ans. Les causes exactes de sa mort demeurent inconnues, mais selon la légende, il aurait pu avoir la nuque brisée par une plaque de cuivre ou une sculpture d’Aristide Maillol en personne. Une étrange ironie, que cet homme qui avait réussi sa vie et était devenu riche grâce aux œuvres d’art, ait eu cette même vie enlevée par l’une d’entre elle. Vollard laisse derrière lui une riche collection d’au moins cinq milles œuvres qui ne furent pas toutes recensées.  
 

 

Les péripéties du trésor de Vollard
Cette collection, un véritable trésor, connut également des rebondissements dignes d’un roman. La partie réservée à ses ayant-droit est vendue pour payer les frais de successions. Une autre partie est confiée à Erich Šlomović un collectionneur juif yougoslave secrétaire et peut être courtier non-officiel de Vollard. Slomovic confie 141 œuvres aux coffres de la banque Société Générale. En 1940 Erich Šlomović, emporte 429 autres œuvres en Yougoslavie où il les expose à Zagreb. Il est arrêté et meurt dans un camp de concentration en 1942.
 
La collection qu’il avait emportée est récupérée par le Musée National de Belgrade. Les collections conservées par le Musée de Belgrade ainsi que celles conservées dans les coffres de la Société Générale font l’objet d’âpres procès, après la guerre, entre la Banque, l’état Yougoslave, les héritiers de Erich Šlomović et les héritiers d’Ambroise Vollard. Les procès s’étalent de 1960 à nos jours. Une partie de la collection conservée à la banque est vendue à Paris et à Londres par Sotheby’s en 2010. De nombreux tableaux sont également vendus secrètement durant la guerre ou ont disparu.

 
Pour aller plus loin

Ajouter un commentaire

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et de courriels sont transformées en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.