La presse étalagiste

Ce quatrième billet s’inscrit dans le cycle « L’art de la devanture en France (XIXe-XXe siècles) ». En se concentrant sur les deux principales revues spécialisées d’alors, la Revue internationale de l’étalage et Parade, il aborde la question de la presse étalagiste corporative.

La presse étalagiste, pendant la première moitié du XXe siècle et en particulier entre 1909 et 1938, sert autant de support de définition que de diffusion des principes de l’étalagisme moderne alors en cours de caractérisation. Elle s’adresse essentiellement à un lectorat de spécialistes de l’étalagisme ou de commerçants amateurs désireux d’embellir leur devanture.

La Revue internationale de l’étalage, créée en avril 1909, est le premier mensuel corporatif étalagiste français. Publiée jusqu’en 1938 malgré une interruption pendant la Première Guerre mondiale, ses titres et sous-titres varient à plusieurs reprises. Jusqu’en 1914, elle conserve son premier sous-titre : organe mensuel du commerce de détail, nouveauté, confection, tailleur, chemisier. Puis, jusqu’en 1930, elle devient la Revue internationale de l’étalage, de la confection et de la nouveauté : organe mensuel du commerce de détail. Enfin, entre 1931 et 1938, ils se raccourcissent pour Revue de l’étalage : organe mensuel du commerce de détail.

Couverture du premier numéro (avril 1909), Revue internationale de l’étalage, no 1, avril 1909

 

 L’étalage est l’aimant qui attire les affaires.

Soigner votre étalage c’est soigner votre fortune. ”

 

La Revue internationale de l’étalage est d’abord dirigée par le publiciste Maurice-Philippe Favre-Bulle, désireux de vulgariser ses idées en matière de publicité. Son réseau, composé des publicitaires les plus renommés d’alors comme Étienne Damour, lui permet de nommer Octave Jacques Gérin rédacteur en chef dès la création de la revue. Plus tard, pendant l’entre deux-guerres, elle n’est plus gérée que par Alfonse Laloue puis F. Prost.

Indépendante, son prix est multiplié par plus de cinq entre 1909 et l’arrêt de la publication, passant de 6,50 francs à par an en France et 8,50 francs à l’étranger, à 35 francs en France et 40 à l’étranger. Cette augmentation du prix s’explique, à partir de 1920, par les difficultés économiques dues à la Première Guerre mondiale à peine achevée, puis quatre ans plus tard par l’augmentation du coût des matières premières. La vente au numéro apparaît seulement à partir de 1920.

D’emblée, il s’agit pour la revue de « faire œuvre utile » auprès des détaillants en leur présentant, de façon accessible, des procédés étalagistes efficaces pour attirer la clientèle.

Maurice-Philippe Favre-Bulle, « Notre but », Revue internationale de l’étalage, n°1, avril 1909, p. 1

Dès son premier numéro, la rédaction de la revue promet donc de fournir, au-delà du texte, une iconographie abondante constituée de gravures et photographies pour aider ses lecteurs à produire les meilleurs étalages artistiques et commerciaux. La promesse sera tenue jusqu’à l’arrêt de la publication en 1938. De plus, les leçons théoriques et formelles appliquées aux étalages s’accompagnent d’essais sur le commerce et la publicité, de conseils juridiques destinés aux commerçants et de questions syndicales et corporatives. Chaque numéro s’achève généralement par une page de petites annonces professionnelles et parfois plus insolites. Un véritable « courrier du cœur » d’étalagistes y figure en effet dès la fin des années vingt.

Petites annonces. Mariages, Revue internationale de l’étalage, n°12, décembre 1928, p. 16

En janvier 1927 paraît le premier numéro du second géant de la presse corporative étalagiste de l’entre-deux-guerres : Parade. Ses colonnes en justifient la création qui, a priori, pourrait sembler superflue et faire double emploi avec le précédent. Le décorateur Maurice Dufrène, auteur du premier article, attribue son originalité à la revendication artistique qu’il porte. Si sa consœur postulait déjà l’existence d’un art de l’étalage en 1909, il souligne la défense inédite des collaborations entre industrie étalagiste et architectes-décorateurs opérée par Parade. Il n’est donc pas étonnant que Dufrène, alors directeur artistique de l’atelier d’art La Maîtrise des Galeries Lafayette et vice-président du Salon d’automne et de la Société des artistes décorateurs, y soit choisi comme rédacteur. Dans cette même logique, l’architecte-décorateur René Herbst en est le premier directeur jusqu’à la fin de l’année 1931 où lui succède l’étalagiste Jean Poirier.

Première page et couverture de Parade, Parade, n°1, janvier 1927, p. 1

Le premier numéro ne comprend que quatre pages, mais son succès lui permet rapidement d’augmenter sa densité. Le deuxième numéro en compte déjà huit, et dès le mois de mars, la revue annonce une prochaine augmentation à douze pages. Au mois de juin, une note manuscrite de Franklin Grenet, l’imprimeur-gérant, indique que ce numéro, qui n’est alors que le sixième, est déjà tiré à 10 000 exemplaires. Rapidement, le nombre de pages augmente encore pour atteindre la vingtaine pendant les années trente. Au départ, le numéro est vendu 1,75 franc (près de la moitié du prix d’un numéro de la Revue internationale de l’étalage au même moment), l’abonnement français coûte 18 francs et l’étranger 25 francs. Mais il s’agit d’un prix d’appel proportionnel à sa taille. Alors que le nombre de pages augmente, le prix augmente lui aussi : en mai 1927, il passe 2,25 francs le numéro, et les abonnements reviennent respectivement à 25 et 40 francs. Au début de la deuxième année de parution, le prix augmente à 3 francs. Un nouvel abonnement français sur six mois, moyennant 20 francs, est disponible, et les tarifs annuels sont de 30 francs en France et 50 à l’étranger. En décembre 1930, la revue connaît une nouvelle augmentation : 4 francs l’unité, 25 l’abonnement de six mois, 45 l’annuel français et 75 l’étranger.

Note manuscrite de Franklin Grenet, 10 juin 1927, Parade, n°6, juin 1927, dernière de couverture

Les articles publiés dans Parade rassemblent une large iconographie de vitrines et devantures réalisées avec goût et adaptées aux marchandises à vendre. Ses différentes rubriques prouvent la diversité des thématiques et des produits (dentelle, fleurs, plumes, parapluies, confiseries, vins, pharmacie, gants, blanc, tissus, bijoux, sport, etc.) pour lesquels la revue propose des scénographies majoritairement conçues en France. De plus, et à l’instar de la Revue internationale de l’étalage, Parade propose des projets d’étalages, publie l’agenda professionnel de l’étalagiste, des demandes et offres d’emplois, des annonces de revente de matériel et d’accessoires d’occasion. Au total, ce sont pas moins de 164 numéros, exclusivement consacrés à l’art de l’étalage, qui paraissent jusqu’en 1953.

Au royaume des jouets, Personnages et mécanismes de J.A.F., Au Printemps, Paris, Parade, n°73, janvier 1933, p. 11

Ces deux revues ne sont pas les seuls titres de presse étalagiste français à paraître pendant l’entre deux-guerres. Trois autres revues corporatives abordent ces thématiques : la revue mensuelle Étalages et présentations fondée par Charles Sol en décembre 1932, Magasins et bureaux, organe officiel de la Chambre syndicale des entrepreneurs d’installations de magasins et bureaux et des industries annexes de France et des colonies, publié mensuellement à partir de février 1926 et jusqu’en 1935 et Façade, créée à la fin des années trente dans la continuité de la revue précédente à laquelle elle est associée. De la même manière, des revues spécialisées paraissent à l’étranger : l’anglaise Display, les états-uniennes Fairchilds International Magazine ou Display World, les allemandes Werbekunst, Die Reklame, Schaufensterkunst und Technik ou encore Reklame Praxis ainsi que les hollandaises De Réclame, De Étalage Revue, Nouveauté ou Etalagekunst.

 

Le cycle consacré à l’art de la devanture en France aux XIXe et XXe siècles vous est proposé dans le cadre d’un projet de recherche associé au département Droit, économie, politique de la BnF. Retrouvez ici l’intégralité des billets du cycle.