À propos de l’auteurRoger Musnik
Walter Scott voit le jour à Edimbourg, le 15 août 1771, au cœur d’une Écosse dont il sera le héraut sa vie durant. Suite à une maladie d’enfance qui le laisse boiteux, il passe quelques années dans les Highlands, chez ses grands-parents qui le bercent de contes et légendes gaéliques. Après des études de droit, il devient sheriff puis chancelier à la cour suprême d’Edimbourg. Marié en 1792, il aura quatre enfants. Pendant des années, il sillonne l’Écosse durant ses vacances, s’initiant à l’histoire du pays et collectant ballades anciennes et récits folkloriques, qu’il publiera en 1802-1803 (Les Chants de ménestrels de la frontière écossaise).
Car Walter Scott, imprégné de mythes celtiques et admirateur des premiers écrits romantiques (il apprend l’allemand pour mieux apprécier les jeunes auteurs germaniques) a des ambitions littéraires. Ses premiers textes, outre des traductions de textes médiévaux, sont des poèmes de style moyenâgeux : Le Lai du dernier ménestrel (1805) et surtout La Dame du lac (1810) qui lui apporte la notoriété. Mais bientôt la gloire du poète Byron occulte sa renommée, et il se tourne vers un genre où il peut donner sa pleine mesure, le roman.
En 1814, il publie anonymement Waverley qui décrit la révolte des habitants de Highlands contre les anglais en 1745. Son succès l’encourage dans l’écriture de romans « écossais » : Les Puritains d’Ecosse (1816), La Prison d’Edimbourg (1818), Rob Roy (1818) ou La Fiancée de Lammermoor (1819). Il devient riche sinon célèbre (il ne reconnaitra qu’en 1827 être le « grand inconnu » auteur des Waverlay novels). En 1819, il change d’époque et de lieux, sinon de style : son nouveau récit se situe à la fin du XIIe siècle en Angleterre : c’est Ivanhoé, et sa gloire devient mondiale. Il s’en rend compte en 1826, lors d’un voyage à Paris où il obtient un triomphe et est même reçu par le roi Charles X. Sa production s’accélère encore : Le Monastère (1820), Quentin Durward (1823), Redgauntlet (1824), le Talisman (1825), Woodstock (1826), La Jolie fille de Perth (1828)…
En 1826, la faillite de ses éditeurs l’entraîne dans une spirale de dettes, et pour les éponger il écrit comme un forcené, notamment des essais (Vie de Napoléon, Histoire d’Ecosse). Il avait restauré un magnifique château à Abbotsford, dans lequel il vivait. Atteint de crises d’apoplexie 1830, il s’y éteint le 21 septembre 1832.
On considère généralement Walter Scott comme le créateur du roman historique. Non que ce genre n’existât pas. Mais ces récits se situaient dans des décors désincarnés, voire fantomatiques, n’ajoutant qu’une touche pittoresque à une narration où seule comptaient relations amoureuses et psychologiques. Avec Scott, le passé s’incarne. Il décrit assez précisément les contrées, les sociétés, les peuples, les mœurs et les mentalités, remettant les évènements dans leur contexte historique et social. Ses descriptions didactiques (que d’aucuns lui reprochent), donnent à voir les objets usuels, la vie quotidienne et les lieux où se situe l’intrigue : l’Angleterre du XIIe siècle (Ivanhoé) ne ressemble pas à la France de l’orée de la Renaissance (Quentin Durward). C’est le cadre historique qui conditionne le récit.
Ses intrigues suivent l’évolution des rapports de force de l’époque considérée : affrontement entre Louis XI et Charles le Téméraire (Quentin Durward), entre Saxons et Normands (Ivanhoé), entre Écossais et Anglais (Waverley), entre une bourgeoisie urbaine et une noblesse archaïque (La Jolie fille de Perth). C’est d’ailleurs une constante chez lui : montrer les luttes entre deux groupes, deux classes, se terminant toujours par un compromis et une fusion plus ou moins pacifique. Une autre caractéristique est l’apparition dans le roman du peuple, qui a ses propres motivations, sa volonté, ses passions, souvent différentes de celles de l’élite. Pour rendre cette complexité compréhensible au plus grand nombre, Scott fait de chaque personnage la personnification de son milieu, de ses intérêts et de son idéologie. Le revers de la médaille est d’affadir la psychologie des protagonistes, devenus des archétypes. L’intrigue amoureuse elle aussi passe souvent au second plan, encore que certaines relations soient plus embrouillées qu’elles n’y paraissent : Scott aime bien montrer les difficultés d’un homme tiraillé entre deux femmes (Ivanhoé, Waverley).
Enfin, une des causes du succès est aussi le brio de la narration, avec ses aventures, ses batailles, son rythme et cette faculté de passer fréquemment du rire aux larmes, de la tragédie à la comédie.
Ce nouveau souffle qu’apporte Walter Scott au roman fait des émules dans toutes l’Europe : Manzoni en Italie, Pouchkine et Gogol en Russie. Cette vague touche particulièrement la France. Pratiquement tous les grands écrivains romantiques vont se mettre au roman historique : Alfred de Vigny, Prosper Mérimée, Honoré de Balzac, Victor Hugo, Alexandre Dumas… Sans compter l’innombrable cohorte des auteurs maintenant oubliés. Cette mode se tarit dans la deuxième moitié du XIXe siècle. C’est la littérature populaire qui continue, jusqu’à nos jours, à porter haut le flambeau de ce genre. Ce qui dévalorise quelque peu la reconnaissance par ses pairs de Walter Scott, relégué jusque dans les années 1970 à la littérature jeunesse avec ses œuvres publiées dans des éditions abrégées. Jusqu’à un renouveau récent des études universitaires.