Plus de vingt ans séparent le premier projet de publication du recueil des Fleurs du Mal de son édition définitive. En 1845, la quatrième de couverture du Salon publié par Baudelaire annonce un recueil de poèmes intitulé Les Lesbiennes. Baudelaire envisage ensuite de le publier sous le titre Les Limbes (1848), mot teinté à la fois de philosophie fouriériste et de théologie catholique, dans lequel Claude Pichois voit surtout un écho du spleen et de l’attente. Le recueil est alors « destiné à représenter les agitations et les mélancolies de la jeunesse moderne » (Le Magasin des familles).
C’est en 1855 que le titre définitif, suggéré par Hippolyte Babou, s’impose : le poète publie alors quinze Fleurs du Mal dans la Revue des Deux Mondes. Ce titre indique la volonté de Baudelaire d’opérer une révolution esthétique en explorant les idées, les êtres et les images qui poussent sur du « fumier », suivant l’idée selon laquelle la poésie ne peut se restreindre à l’idéal. Moraliste, Baudelaire, tout comme Pascal, voit en l’être humain à la fois l’ange et la bête et veut rendre compte de la « double postulation », vers Dieu et vers le Diable, qui le caractérise.