C'est à l'âge de vingt-six ans que Victor Hugo rédigea Le Dernier Jour d’un condamné. Si ce livre unique et inclassable, aussi réaliste que fantastique, marque une étape importante dans la longue marche vers l’abolition de la peine de mort en France, c’est d’abord parce que son auteur lui a donné une forme résolument nouvelle. Loin d’écrire un mémoire politique ou social ou de se lancer dans une démonstration théorique comme il y en avait déjà tant, il a passé sous silence la question du crime, celle de l’innocence comme celle du remords, pour se placer tout entier du côté de l’homme, dans un compte à rebours particulièrement angoissant. Sans avenir, le condamné est aussi à peu près sans passé, vivant dans une sorte de présent pur impossible à concevoir comme dans une prison dont les murs se rapprochent. Cet anonymat facilite l’identification du lecteur et l’oblige à prendre position.