Jugements et critiques
Nisard
« Qu’est-ce, après tout, que ce condamné ? C’est un être abstrait qui se creuse et s’examine en tous sens ; c’est un esprit de condamné qui s’analyse et se scrute avec une rigueur et une patience toute métaphysique ; c’est comme un empirique qui veut avoir conscience de tout un ordre de phénomènes particuliers qui traversent son âme. Ce criminel n’a pas eu de passé : il vient là, sans antécédents, sans souvenirs : on dirait qu’il n’a pas vécu avant d’être criminel. »
(Journal des débats, 26 février 1829)
Dostoïevski
« Mais quelque chose d’à peu près semblable a déjà été admis plus d’une fois dans l’art : Victor Hugo, par exemple, dans son chef-d’œuvre Le Dernier Jour d'un condamné, a utilisé un procédé presque identique, et bien qu’il n’ait pas introduit de sténographe, il a toléré une invraisemblance encore plus grande en supposant que le condamné à mort avait la possibilité (et le temps) de prendre des notes non seulement durant son dernier jour, mais même durant sa dernière heure, et littéralement durant sa dernière minute. Or, s’il n’avait pas toléré cette fantaisie, l’œuvre même n’existerait pas – l’œuvre la plus réelle et la plus véridique de toutes celles qu’il a écrites. »
(La Douce, « Note de l’auteur », traduction Michel Eltchaninoff)
Robert Badinter
« Trait formidable : ce condamné jamais ne se déclare innocent. Ce n’est point Dreyfus dans sa cellule réclamant la vérité, la justice. C’est un misérable qui de toutes ses forces demande la pitié, la vie. Nous ne savons de lui que ce qui le confond avec l’auteur lui-même, pour que l’identification se fasse plus forte encore : qu’il est jeune, qu’il a une femme, une petite fille, tout ce qui fait la bonté d’une vie, tout ce qui lui donne son prix d’amour et de douceur. »
(Préface au Dernier Jour d’un condamné, éd. Guy Rosa, Le Livre de Poche, coll. Classique, 1989, p. 9-10)