Jugements et critiques
Rémy de Gourmont
« [Œuvre] d’une originalité furieuse et inattendue […], dépassant en folie, de très loin, cette sorte de déséquilibre que les sots de l’aliénation mentale qualifientde ce même mot : folie. »
(« La littérature Maldoror », Mercure de France, février 1891)
André Breton
« Le verbe, non plus le style, subit avec Lautréamont une crise fondamentale, il marque un recommencement. C’en est fait des limites dans lesquelles les mots pouvaient entrer en rapport avec les mots, les choses avec les choses. Un principe de mutation perpétuelle s’est emparé des objets comme des idées, tendant à leur délivrance totale qui implique celle de l’homme. À cet égard, le langage de Lautréamont est à la fois un dissolvant et un plasma germinatif sans équivalents. »
(« Préface aux Œuvres complètes de Lautréamont », G. L. M., 1938)
Aimé Césaire
« Il inventa la mythologie moderne.
Vivifiant le pavé des capitales, la stupeur des lycées, le reps des salons, la bêtise lasse des murailles, la tiédeur des lupanars et des prisons, électrisant à grandes passes solennelles le drapeau du marécage, dans la déroute immense des cloportes, il déclame à grande voix de tempête la strophe surréaliste des maelsröms du sang. »
(« Isidore Ducasse, comte de Lautréamont. La Poésie de Lautréamont belle comme un décret d’exportation », Tropiques, n°6-7, février 1943)
Francis Ponge
« Ouvrez Lautréamont ! Et voilà toute la littérature retournée comme un parapluie ! Fermez Lautréamont ! Et tout, aussitôt, se remet en place. Pour jouir à domicile d’un confort intellectuel parfait, adaptez donc à votre bibliothèque le dispositif Maldoror-Poésies »
(« Adaptez à vos bibliothèques le dispositif Maldoror-Poésies », Les Cahiers du Sud, n°275, 1946)
Gaston Bachelard
« Chez Lautréamont, la conscience d’avoir un corps ne reste donc pas une conscience vague, une conscience endormie dans une heureuse chaleur ; au contraire, elle s’éclaire violemment dans la certitude d’avoir un muscle, elle se projette dans un geste animal longtemps oublié par les hommes. »
(« Lautréamont, poète du muscle et du cri », Les Cahiers du Sud, n° 275, 1946)
Julien Gracq
« C’est seulement […] dans la lumière d’une perspective historique […] que peut s’éclairer pleinement, dans les dernières années du Second Empire, l’apparition si inattendue […] des Chants de Maldoror. À qui se propose de le considérer de sang froid […], le livre se présente comme un jet, d’une roideur et d’une force terrible, et qui témoigne assez par son bouillonnement rythmique de geyser à quelles nappes souterraines et séculairement comprimées cet épanchement intarissable trouvait à s’alimenter. »
Maurice Blanchot
« Si l’œuvre en prose a pu de notre temps, soit par le roman, soit par l’essai, prétendre à une forme réservée généralement au poème, si elle a réussi aussi bien que la poésie à nous imposer cette idée que la littérature est une expérience et que lire, écrire, ne relève pas seulement d’un acte qui dégage des significations, mais constitue un mouvement de découverte, c’est à la tentative et à la "folie" de Lautréamont que nous le devons. »
(« Préface aux Œuvres complètes de Lautréamont, Le Club français du livre, 1950)