En 1827, rapporte la seconde fille de Victor Hugo dans son journal, « Liszt arriva un jour au milieu de ses adeptes, ayant Cromwell sous le bras ». Il « leur montra le livre, et en désignant la préface, il leur dit : voilà notre Bible. » Cette anecdote en dit long sur sa place dans le mouvement romantique. La pièce elle-même, pourtant digne d’être redécouverte, a pratiquement disparu des mémoires, mais sa préface rayonne encore « comme les tables de la Loi sur le Sinaï », écrira encore Théophile Gautier en 1872. Son immense succès tient pour une part à l’alacrité de son style, pour une part à la nouveauté de ses idées. C’est un pamphlet d’une efficacité redoutable contre le théâtre classique et, pis encore, néo-classique, qui régnait alors sur les scènes françaises. Art poétique du siècle ou de Victor Hugo, qui l’appliqua finalement dans toute son œuvre, il développe trois idées principales : la liberté dans l’art, la revendication du grotesque, l’autonomie du génie. Il suscita des réactions proportionnelles à la pyramide des âges : les aînés, comme Chateaubriand, en prirent ombrage ; les contemporains furent pour la plupart emplis d’admiration ; les cadets enfin lui vouèrent un culte durable.