Un éventail pour briller au Réveillon à la Belle-Époque

Est-ce là, l’éventail, une parure, est-ce une arme, est-ce un jouet ? Bien sûr, en tout cas, qu’il ne sert point, comme des niais académiques ont pu croire, « à faire du vent » !

Les Modes : revue mensuelle illustrée des arts décoratifs appliqués à la femme, 1er mars 1901

Dans la physiologie de la toilette féminine au XVIII^e siècle, on trouve la boîte à mouches (l’article de beauté et non de pêche), le flacon de senteurs, les poudres ambrées et bien sûr l’éventail. Un siècle après, ce grand classique des tenues féminines n’a rien perdu de sa superbe. La soirée du Réveillon est l’occasion d’en trouver un de toute beauté !

Où se procurer un bel éventail en 1900 ?

Pour le trouver, direction les grands magasins de nouveautés parisiens à rayons multiples. C’est à l’angle de la rue de Sèvres et de la rue Velpeau que vous pourrez pénétrer dans l’antre des Magasins du Bon marché, dont la construction a commencé en 1869. Dans le doute, prenez une carte et suivez le dessin… !
Non loin des « rayons du blanc », l’enseigne vend à bas prix une panoplie d’accessoires féminins tous plus coquets les uns que les autres. Passez le rayon de la bonneterie et des étoffes nouvelles, tournez à gauche après le comptoir des soieries, vous arrivez au comptoir des articles de Paris. Arrêtez-vous et admirez !

Les grands magasins de nouveautés parisiens, qui fleurissent sous le Second Empire, comblent en effet les désirs consommatoires d’une clientèle aisée parisienne, surtout féminine. Avec pas moins de trente-six rayons en 1882, le Bon marché fait partie des cinq grandes enseignes incontournables, avec Le Louvre, le Bazar de l’Hôtel de Ville, le Printemps et la Samaritaine.
Pourquoi choisir d’aller Au bon Marché plutôt qu’ailleurs ? Parce que c’est une « excellente maison », « solide » et respectable » affirme Octave Mouret dans Au bonheur des dames ! :

Ce sont bien sûr les fameux « huit commandements » d’Aristide Boucicaut, fondateur du Bon Marché qui en font son succès. Par la vitesse de rotation des stocks et la promesse de « vendre tout à petit bénéfice » grâce à une marge bénéficiaire réduite, son commerce moderne réussit à attirer les clientes vers des produits qu’elles n’envisageaient pas d’acheter l’heure d’avant.   Les clientes habitant en banlieue et en province ne sont pas en reste ! Si c’est votre cas, il vous suffit de consulter la « liste alphabétique des localités desservies » par la livraison à domicile ou d’acheter par correspondance, avec le service des expéditions pour la France et l’étranger (à partir de vingt-cinq francs d’achat !). Les fameuses 10 écuries du Bon marché, qu’il vous est possible de visiter hors dimanches et jours fériés, assurent ce service de livraison :  70 palefreniers conduisant 98 voitures attelées aux couleurs du magasin livrent les marchandises tant attendues.

Le Bon marché existe également à Besançon, qui compte 22 rayons en 1895 réunissant « tout ce qu’on peut imaginer, désirer, souhaiter… » :

Comment bien choisir son éventail ?

Entre 1860 et 1910, les modèles et créations du Bon Marché en ont fait un classique de la garde-robe féminine. Pour bien le choisir, suivez les conseils mode de la presse de l’époque !
 « Légèreté des branches, légèreté de la matière » sont les maitres mots pour le mensuel Les Modes ! Et surtout qu’il « laisse deviner le sourire » entre les branches ajourées…
Dans la série des « deux-en-un » ou des « trois-en-un », préférons à l’usage portatif de l’éventail (à droite une lorgnette jumelle, à gauche une tabatière), trop utilitaire à notre goût, l’éventail-peigne, l’éventail-miroir et l’éventail-coiffure, dont vous pouvez admirer un spécimen ci-dessous !

L’éventail-ventilateur à mouvement mécanique (imitation ivoire !) sera réservé aux fortes chaleurs.

D'une manière générale, ne craignez pas l’excès de plumes. Le tout est d’accorder, à la manière des Dolly Sisters, votre tenue à vos éventails, pour un effet grandiose tout en monochrome… !

… ou très chic, toujours en monochrome :

Et pour le motif ? Sachez que les motifs végétaux et animaux sont toujours de bon goût. Pour un éventail très haute gamme peint à la main, la maison Duvelleroy, maintes fois récompensée pour son savoir-faire, sera la meilleure des enseignes. Le Bon Marché de son côté vous propose des éventails pour toutes les bourses : les prix en 1885, par exemple, allant de 3,75 francs, pour un éventail dont le chic repose dans le détail floral « tombant sur la monture », à 19,50 francs pour un motif faune-flore du meilleur effet.
Mais peut-être serez-vous plus sensible au motif papillons ou hirondelles, proposé au catalogue des étrennes de 1884 par le Bon Marché et au rayon « Comptoir de parfumerie » pour sa collection de l’hiver 1892-1893 ?
En 1880, le Bon Marché propose pour 2,45 francs des éventails pour enfants en satin blanc et couleurs avec des fleurs peintes.
Le chic allant de de pair avec l’audace, ne vous refusez pas le luxe d’un « éventail de soirée » à fleurs, vendu par le Bon Marché dès 1878, à un prix non prohibitif.

Les plumes de paon et les plumes d’autruche sont prisés dans les années 20, comme en témoigne La Gazette du bon ton en 1921.

Concernant la matière, « Le grand chic est l’éventail en vernis Martin, ce vernis inventé au XVIII^e siècle, à l’imitation des laques de Chine », selon le Jardin des modes nouvelles.

Accompagnez votre accessoire mode d’un autre accessoire mode !

Pour accompagner votre tenue, choisissez au Bon Marché des « gants longs mousquetaires » à 16 boutons en tissu velouté blanc champagne ou des gants longs à 24 boutons pour bals et soirées !
Ces gants Boucicaut « en chevreau extra » - « dont la haute supériorité est universellement reconnue ! » -, mettront en valeur les jumelles marquises que vous ne manquerez pas de porter (appelées également binocle à manche ou « face à main »). Le Bon Marché en vend dans son catalogue de 1903 ! Au choix, le modèle face à main Louis XVI en métal doublé d’or ou bien le modèle en nacre, certes plus onéreux…
Comble du chic et du pratique, le « sac satin pailleté pour éventail », destiné à ranger l’éventail pendant les danses, qui se transforme en « sac à bonbons » ou en « porte journal » à volonté ! :

Si vous avez moins l’esprit ludique que l’âme coquette, optez pour celui proposé par La Mode de style en 1899, en moire pailletée et brodée :

Plus ornementé, celui présenté en 1899 dans Lectures pour tous :

Sur monture os gravé, sur monture écaille jaspée, sur véritable écaille blonde, noir sur ébène, blanc sur nacre, en dentelle Duchesse, en métal platiné ou en ruban … L’éventail des choix est large au Bon Marché. 

Notons que l’éventail peut également se porter sans rien d’autre que lui-même…

Faites-vous-même votre propre éventail !

Vous préférez, suivant la mode du Do it yourself, fabriquez vous-mêmes vos éventails ? Qu’à cela ne tienne ! Suivez le mode d’emploi de l’éventail pailleté que propose en 1901 la revue L'Art et la mode : journal de la vie mondaine. 
Fournitures :

• 0.80 mètres de taffetas léger, de couleur crème, tilleur ou rose pour une jeune fille
• Quelques grammes de paillettes rondes et longues
• 3 mètres de fil d’or
• Un écheveau de soie fine assortie aux paillettes

Soirée festive et tenue réussie garantie !

Pour aller plus loin :

• À partir des collections Patrimoines partagés des Bibliothèques d’Orient, d’autres images d’éventails
• Les éventails sur le site des bibliothèques spécialisées de la ville de Paris
• Les éventails sur le site du Musée des Arts décoratifs à Paris
• Les éventails des collections du Musée de l’Eventail
• Sur France Culture : « L’éventail rend visible notre place dans la société »