Les Lois de la chevalerie
Chapitre XXIX
̶ Vous ne pouvez comprendre, Rebecca, combien il est impossible à l'homme nourri dans le véritable esprit de la chevalerie, de se voir enchaîné dans l'inaction comme une femme, quand des prouesses de bravoure se passent presque sous ses yeux. L'amour des combats est l'essence de notre vie : la poussière qui s'élève au milieu de la mêlée est l'atmosphère dans laquelle nous respirons librement. Nous ne vivons, nous ne désirons vivre qu'autant que nous sommes victorieux, que nous acquérons du renom. Telles sont, jeune fille, les lois de la chevalerie, auxquelles, nous jurons d'obéir, et auxquelles nous sacrifions tout ce que nous avons de plus cher.
̶ Hélas ! vaillant chevalier, dit la belle juive, n'est-ce pas un sacrifice fait au démon de la vaine gloire, une offrande passée par le feu pour être présentée à Moloch ? Quand la mort a brisé la lance de l'homme de guerre, et l'a renversé de son cheval de bataille, que vous reste-t-il pour prix du sang que vous avez versé, des fatigues et des travaux auxquels vous vous êtes livré, des pleurs que vos hauts faits ont fait couler ?
̶ Ce qu'il nous reste ! s'écria Ivanhoé, ce qu'il nous reste ! la gloire, jeune fille, la gloire qui dore nos tombeaux, et qui immortalise notre nom ! […] Vous voudriez éteindre le feu pur de la chevalerie ; ce qui distingue le noble du vilain, le chevalier du paysan et du sauvage; ce qui, rend la vie moins précieuse que l'honneur ; ce qui nous fait supporter les fatigues, les travaux et les souffrances ; ce qui nous apprend à ne rien craindre que l'infamie.
Walter Scott, Ivanhoé, 1819, 1820 pour la traduction.
> Texte intégral : Furne, Paris, 1830-1832