Voltaire poèteAnnie Angremy
Un père notaire, mais un parrain poète et libertin, entre ces deux exemples Voltaire choisira vite. Introduit dans la société frivole de la Régence, il mène joyeuse vie. D'épîtres galantes en satires et épigrammes scandaleuses, il se retrouve à la Bastille en 1717 pour des vers qui ne sont pas de lui, premier accroc d'une existence vouée à la fuite perpétuelle devant les censeurs. Dans tous les petits genres à forme libre, les satires, les stances, les madrigaux, il incarne à merveille l'esprit de son époque.
Cette poésie fugitive, dite légère, qui évite la rigueur et le style emphatique imposés par la froide raison au siècle des philosophes, convient parfaitement à son tempérament caustique et alerte. Dans son épître sur les Vous et les Tu (« Philis, qu'est devenu ce temps / où, dans un fiacre promenée... »), ou dans ses stances à Mme du Châtelet, il est le successeur de Voiture, Marot, ou La Fontaine. Dans ses échanges avec Frédéric II, le « Salomon du Nord », il est satirique et campe avec une gaieté grinçante, dans l'épître choisie, sa silhouette malicieuse de vieux philosophe décharné, telle que le peintre Huber la fixera à jamais. Mais ce ne sont que « bagatelles », comme ses contes philosophiques, Zadig ou Candide. Ce n'est pas là l'« Homère de la France » que salue avec Frédéric II l'Europe entière. Philosophe, historien, apôtre de la tolérance, Voltaire est aussi pour ses contemporains, dramaturge et poète épique.
Dès la représentation d'Œdipe, en 1718, il est cité comme le premier des poètes français. Jusqu'à sa mort, il va occuper la scène, avec une cinquantaine de pièces, Zaïre, Mahomet, Tancrède, L'Orphelin de la Chine..., Irène, enfin, en 1778. Leurs effets mélodramatiques valent ceux du théâtre romantique, leur portée philosophique et politique leur assure le succès jusqu'à la Révolution, mais l'emploi d'un alexandrin souvent plat et pompeux tue le théâtre en vers qu'il aurait voulu restaurer.
Il est plus heureux dans ses épopées : La Henriade, qui « allie le sublime des images au sublime de la pensée » (La Harpe), et La Pucelle d'Orléans, conçue « dans le goût de l'Arioste », pour laquelle il choisit le décasyllabe, mieux adapté à sa « grêle allégresse » (R. Pomeau).
Le siècle de Voltaire n'est pas celui de la poésie. Force lui est d'en convenir : « Plus une nation devient philosophe, plus les odes à enthousiasme et qui n'apportent rien aux hommes perdent de leur prix. »