Jugements et critiques
Charles Baudelaire
« Je n'ai lu qu'ouvrages modernes ; mais de ces ouvrages dont on parle partout, qui ont une réputation, que tout le monde lit, enfin ce qu'il y a de meilleur ; eh bien, tout cela est faux, exagéré, extravagant, boursouflé ! C'est surtout à Eugène Sue que j'en veux, je n'ai lu de lui qu'un livre, il m'a ennuyé à mourir. »
(Lettre à sa mère, 3 août 1838)
Flaubert
« Béranger a usé jusqu'au lacet la bottine de la grisette, et Eugène Sue montre outre mesure les ignobles bottes éculées du chourineur. L'un sent le graillon et l'autre l'égout. Il y a des taches de suif sur les phrases de l'un, des traînées de merde tout le long du style de l'autre. »
(Lettre à Louise Colet, Trouville, 26 août 1853)
Théophile Gautier
« Sue ne procède guère que par 6 volumes in-8° et c’est bien peu, au dire de ses lecteurs de toutes classes, depuis la duchesse jusqu’à la grisette, depuis l’artiste jusqu’au portier : “Quoi ! c’est déjà fini !... Nous ne reverrons plus ces charmants héros, ces délicieuses héroïnes, ces effroyables scélérats qui venaient chaque matin se mêler à notre existence et en varier la monotonie ».
(Histoire de l’art dramatique, t.2, 1858-1859)
Pierre Larousse
« Il mit son talent au service de la seule cause qu'il reconnût digne d'un esprit honnête et éclairé, la cause du progrès ; il étudia cette société qu'il n'avait fait jusque-là qu'entrevoir ; il sonda les abîmes dont il n'avait jamais soupçonné l'existence ; il mit à nu les plaies sociales, dont il ne pouvait réclamer la guérison qu'en les faisant connaître dans toute leur atrocité ; il toucha du doigt toutes les misères ; il dévoila tous les vices, tous les crimes, toutes les hontes de l'humanité; et si, en présentant au public le résultat de ses investigations, il ne sut pas toujours s'arrêter à temps pour éviter le dégoût et les nausées, il réussit du moins à mettre un ferment dans les esprits ; il contraignit son époque à regarder en face le problème dont elle s'efforçait de détourner les yeux. Telle est la part qui revient à Eugène Sue dans l'histoire de nos agitations sociales. C'est, selon nous, son meilleur, son plus précieux titre à la réputation »
(Dictionnaire universel, t.14, 1866-1877)
Ernest Legouvé
« Eugène Sue n'est qu'un amateur de génie, un gentilhomme de lettres. Gentilhomme est bien le mot, car il a porté, dans l'exercice de la profession littéraire, non seulement toute l'honnêteté, mais toute la délicatesse, tout l'honneur du gentilhomme. »
(Soixante ans de souvenirs, t. 1, chap. XVII, 1886-1887)
Abbé Bethléem
« Ce sont des romans socialistes dans lesquels l’auteur s’acharne à détruire la religion, la morale, la responsabilité, au profit des doctrines humanitaires, fatalistes et passionnelles de Fourier ; ce sont aussi des pages voluptueuses et démagogiques où, décrivant la luxure grossière, comme il avait fait les « vices dorés », il offre, comme but de la vie, les jouissances matérielles les plus abjectes, et se donne comme le Messie des prolétaires »
(Romans à lire et à proscrire, 1928)