À propos de l’auteurCharles-Eloi Vial
Fille du banquier genevois Jacques Necker, ministre de Louis XVI dans les dernières années de l’Ancien Régime, Germaine Necker, née à Paris le 17 avril 1766, baigna dès sa jeunesse dans l’influence des philosophes des Lumières.
Mariée en 1786 au baron de Staël-Holstein, ambassadeur de Suède en France, Germaine fit ainsi son entrée dans l’aristocratie internationale, cosmopolite et éclairée de la fin de l’Ancien régime. Elle eut de nombreuses liaisons, notamment avec le diplomate Louis de Narbonne et avec l’écrivain Benjamin Constant Toute sa vie, Madame de Staël attira à elle des écrivains ou des hommes politiques, fascinés par ses idées ou sa conversation : elle fut constamment à l’avant-garde des idées politiques, son salon accueillant d’abord les héros de la guerre d’Indépendance américaine comme La Fayette, puis des réformateurs partisans d’une monarchie constitutionnelle comme Talleyrand. Après la fuite de son père hors de France en 1792, puis la chute de la monarchie en 1792, Madame de Staël dut brièvement s’exiler en Angleterre, puis en Suisse, où elle prit possession de la demeure familiale de Coppet.
Revenue en France, elle tenta de se rallier à Bonaparte avant son départ pour l’Egypte. Déçue de son accueil, Germaine commencera par se faire connaître comme romancière. Son roman Delphine, nettement anglophile, lui valut d’être exilée loin de Paris en 1803. Cette défiance du pouvoir à son égard ne fit que renforcer sa célébrité, bientôt renforcée par plusieurs séries de voyage en Autriche et en Allemagne. Installée au château de Coppet, elle y écrit Corinne ou l’Italie, exaltant l’indépendance de la femme. Autour d’elle se formera peu à peu le fameux « Groupe de Coppet », où se réunirent jusqu’à la fin de sa vie les hommes de lettres français, allemands, italiens ou anglais les plus talentueux de l’époque, tous opposés au régime impérial ou aux régimes absolutistes : ce salon extrêmement moderne contribua à former la pensée de plusieurs générations d’écrivains et d’hommes politiques comme Mme Récamier, Chateaubriand, Prosper de Barante ou même lord Byron.
Sa tentative de revenir en France en 1810 échoua, Napoléon ayant fait interdire un de ses ouvrages les plus ambitieux, De L’Allemagne, qui exaltait la culture et l’histoire germanique. Réfugiée en Russie puis en Suède, elle arriva ensuite en Angleterre en 1813 et réussit finalement à faire publier De L’Allemagne à Londres, quelques semaines après la défaite de Leipzig, qui signa l’effondrement de la puissance napoléonienne. Ralliée à la monarchie constitutionnelle incarnée par Louis XVIII, elle put revenir en France où elle continua à écrire jusqu’à sa mort le 14 juillet 1817.
Souvent critiquée pour ses prises de position, pour son audace et ses défis au pouvoir, mais aussi pour le caractère parfois répétitif et peu argumenté de ses écrits polémiques, pour la mièvrerie et le sentimentalisme de ses romans, Germaine de Staël incarne avant tout le personnage d’une femme libérée, n’hésitant pas à défier l’autorité pour défendre ses idées. Elle ouvrit aussi la voie aux femmes de lettres comme George Sand ou Marie d’Agoult. Héritière des lumières, annonciatrice par bien des côtés des idées du libéralisme politique à la française, Germaine de Staël est aussi le chaînon manquant essentiel entre la « théorie des climats » illustrée par Montesquieu, et la théorie des Nations : en exaltant le « génie » des différents peuples européens, elle fut une des pionnières de l’unification de régions encore morcelées en de multiples petits Etats, à commencer par l’Allemagne divisée en principautés, la Grèce sous domination ottomane ou l’Italie écartelée entre la domination de l’Autriche, de la Savoie, du Pape et des Bourbons de Naples. Elle annonça ainsi un des enjeux majeurs de la politique internationale du XIXe siècle : le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
