Très tôt, Gérard de Nerval a le désir de faire un grand voyage en Orient, mais c’est après 1841 que ce projet devient pour lui fondamental : il connaît alors une grave crise qui conduit à son internement dans la clinique d’aliénés du docteur Blanche. Si cette expérience est désastreuse sur le plan personnel, elle affecte aussi sa réputation littéraire. Dans une lettre à son père, Nerval confie que le départ pour l’Orient comble son aspiration à se lancer dans « une grande entreprise qui efface le souvenir de tout cela et lui donne aux yeux des gens une physionomie nouvelle ». L’Orient lui laisse aussi la possibilité de poursuivre ses chimères en explorant une contrée qui apparaît comme la « parfaite antithèse » de l’Europe. Ainsi, lorsqu’il part en Orient où il séjourne toute l’année 1843, son projet littéraire est double : d’une part, il veut publier sa relation de voyage dans un livre richement illustré qui montrera qu’il est un observateur fiable et rétablira sa réputation dans le monde artistique. D’autre part, il espère mener en Orient une vie plus libre, que personne ne pourra taxer d’excentrique, et se plonger dans un monde de mystères qui légitimeront ce que tous en 1841 avaient pris pour un délire.