À propos de l'œuvreMichel Delon
Le Neveu de Rameau est, à coup sûr, le grand chef-d'œuvre de Diderot, rédigé pour lui seul dans le secret le plus absolu à partir de 1762 et revu jusque vers 1773, « une œuvre dont la vie amalgame une actualité de vingt ans et, à partir du plus grand disparate, atteint le plus parfait naturel » (Jean Fabre). L'histoire même de ce texte fascinant est un vrai « roman bibliographique » : publié pour la première fois en 1805 dans une traduction allemande par Goethe (elle-même retraduite en français par De Saur et Saint-Geniès), le texte est publié en 1821 au t. XXI des Œuvres de Diderot par Brière d'après une copie venant de la fille de Diderot ; en 1891, enfin, Georges Monval découvre dans une boîte de bouquiniste sur les quais le manuscrit autographe qui permet d'établir le texte correct.
Conte, dialogue, satire — le manuscrit porte le titre de « Satyre 2de » —, Le Neveu de Rameau est tout cela à la fois, et bien davantage encore. Au Café de la Régence, près du Palais Royal, Diderot (Moi) rencontre Jean-François Rameau (Lui), personnage authentique, neveu du grand musicien. Entre ce bohème et « M. le philosophe », va s'engager un dialogue plein d'esprit, souvent profond, amer, cocasse ou réaliste, sur les sujets les plus divers. Si Rameau reste très près de son modèle, il ressemble par bien des traits à Diderot lui-même, qui joue à merveille de la dialectique de ses deux personnages sans souci de conclure autrement que par ce « Rira bien qui rira le dernier » lancé par Rameau. Chaque ligne reflète une jubilation de l'écriture ; chaque lecture suscite de nouvelles réflexions et renforce l'admiration.